Dictionnaire des séries 22

Forum de Montréal (1924)

Où joue-t-on au hockey ?

Réponse la plus évidente : dans un aréna (au masculin). «Pour tous les p’tits matins passés à l’aréna d’quartier» (Vilain Pingouin, «Les Habitants (GO Habs GO !)», chanson, 2009).

Réponse romaine : dans un amphithéâtre. «Et lorsque ses mains traduisent chaleureusement son enthousiasme, c’est son intelligence davantage encore, qui de l’amphithéâtre obscur à la patinoire illuminée, salue une sœur complice dans son moment d’apothéose et de gloire» (Louis Chantigny, 1974, cité dans Maurice Richard. Album souvenir, p. 93-94).

Réponse poétique : dans une enceinte. «et un peu partout dans l’enceinte / l’odeur du passé» (Bernard Pozier, «Aréna», p. 35).

Réponse religieuse : dans la Mecque du hockey (le Forum, devenu le Centre Molson, puis le Centre Bell; plus généralement, Montréal). «L’édifice reste la Mecque du hockey, son locataire reste la Sainte Flanelle et flottent un peu partout les fantômes du Forum» (Jean Dion, «Plus grand que nature»).

Tout bien considéré, peu importe. C’est sur la glace (sur la patinoire) que les matchs se gagnent.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Illustration : Forum de Montréal, 1924, collection du Musée McCord, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Dion, Jean, «Plus grand que nature», le Devoir, 29 mai 2000, p. A1-A10.

Lamarche, Jacques, Maurice Richard. Album souvenir, Montréal, Guérin, 2000, 133 p. Ill.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Vilain Pingouin, «Les Habitants (GO Habs GO !)», 2009, 3 minutes 6 secondes, fichier audionumérique. http://www.youtube.com/watch?v=0JkZkMQyPeo

Dictionnaire des séries 21

Il ne faut pas confondre la mêlée et la mêlée générale.

La mêlée, c’est tout simplement le jeu.

Avec le Gros Bill dans la mêlée
On va garder le championnat
(Oscar Thiffault, «Ils sont en or», chanson, 1957)

Quand Ti-Guy Lafleur entre dans la mêlée
Quand Ti-Guy Lafleur entre dans la mêlée
(Oscar Thiffault, «La toune à Ti-Guy Lafleur», chanson, 1978)

dans la mêlée
sur le jeu de puissance
(Bernard Pozier, «Génétique I», 1991, p. 30)

La mêlée générale, c’est l’occasion pour les joueurs d’âprement se disputer la rondelle. Cela peut aller jusqu’à la bagarre, quand beaucoup d’entre eux, policiers ou pas, acceptent de valser.

Vous êtes prévenus.

 

[Complément du 30 mai 2014]

Dans son Lexique de termes de hockey (1983), Pierre Dallaire donne un autre sens à mêlée (p. 57) — amas de joueurs —, d’où le synonyme empilage (p. 32). Empilade est indiqué comme forme fautive (p. 35). En anglais — le Lexique est bilingue —, on parlerait de melee, pile-up ou scramble (p. 35).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Dallaire, Pierre, Lexique de termes de hockey français-anglais anglais-français, Montréal, Leméac et Radio-Canada, 1983, 154 p.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Dictionnaire des séries 02

Tatouage, flambeau, Canadiens de Montréal

Comment reconnaître un vrai partisan des Canadiens de Montréal ? À une époque, c’était facile : il avait le CH tatoué sur le cœur.

Les artistes connaissent bien cette métaphore. Le poème «Canadien» (1991) de Bernard Pozier contient ces vers : «et cet emblème aux deux lettres entrecroisées / que l’on dit tatoué sur le cœur» (p. 11). Dans les Taches solaires (2006), Jean-François Chassay a la même formule pour caractériser un de ses «Jean Beaudry» : «le sigle du Canadien tatoué sur le cœur» (p. 345).

Clark Blaise abandonne la métaphore. Dans sa nouvelle «I’m Dreaming of Rocket Richard» (1974), le narrateur se souvient que son père s’était fait tatouer une scène de hockey dans le dos : «The tattoo pictured a front-faced Rocket, staring at an imaginary goalie and slapping a rising shot through a cloud of ice chips» («Le tatouage représentait le Rocket vu de face, dévisageant un gardien imaginaire et tirant sur lui dans un nuage d’éclats de glace», p. 69).

Aujourd’hui, si l’on doit en croire Réal Béland, cela ne suffit plus. Écoutez sa chanson «Hockey bottine» (2007) : «Tout l’monde dans l’temps avait l’CH tatoué / Ç’a ben changé / C’est dans nos mam’lons qu’i est percé.»

Autres temps, autres mœurs.

 

[Complément du 3 mai 2013]

Il existe nombre de chansons consacrées au hockey. Le jour même où l’Oreille tendue publiait le texte qui précède, Les jumeaux Tadros en lançaient une, «La game (go)». Sur YouTube, où on peut l’entendre, on affirme qu’il s’agit de «La chanson Officielle des séries éliminatoires de Hockey» (majuscules certifiées d’origine). On y trouve l’expression «le hockey tatoué su’l cœur». Le monde du hockey est petit.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Béland, Réal, «Hockey bottine», Réal Béland Live in Pologne, 4 minutes, disque audionumérique, 2007, étiquette Christal Musik CMCD9954.

Blaise, Clark, «I’m Dreaming of Rocket Richard», dans Tribal Justice, Toronto, General Publishing Co. Limited, coll. «New Press Canadian Classics», 1984, p. 63-72. Édition originale : 1974.

Chassay, Jean-François, les Taches solaires. Roman, Montréal, Boréal, 2006, 366 p. Ill.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Lourd bagage familial

Dans l’écosystème intergénérationnel de l’Oreille tendue, on entend souvent, du père vers ses fils, fuser l’interrogation suivante : «Est à droite ou à gauche ?»

Il s’agit évidemment de la forme ramassée de l’interrogation «La poignée que j’ai dans le dos, elle est à droite ou à gauche ?» (Réponse habituelle, et prévisible : «Au centre.»)

Avoir une poignée dans le dos, donc. Traduction libre : être pris pour une (bonne) poire, une valise.

Exemples journalistiques :

«Ne vous retournez pas trop vite, vous pourriez constater avec dépit que c’est bien une poignée que vous avez là dans le dos» (le Devoir, 14 novembre 2000);

«Heu, la poignée dans le dos, elle est à gauche ou à droite ?» (le Devoir, 7 avril 2003);

«Alors M. Galarneau, ma poignée dans le dos, elle est à gauche ou à droite ?» (le Devoir, 12 mai 2003)

Dans son Petit Robert (édition numérique de 2010), l’Oreille découvre la locution suivante : «Con comme une valise (sans poignée) : totalement idiot (en parlant d’une personne).» Serions-nous devant un cas de divergence transatlantique ?

 

[Complément du 3 octobre 2016]

L’expression est commune. On la retrouve même dans des publicités, par exemple celle-ci, tirée de la Presse+ du 1er octobre dernier.

Publicité de Nutri lait, la Presse+, 1er octobre 2016

 

[Complément du 8 juillet 2017]

Qui ne connaît pas le sens de l’expression avoir une poignée dans le dos aura du mal avec ce poème de Philippe Chagnon tiré de Arroser l’asphalte (2017) :

lorsque je passe près d’eux
de jeunes adolescents criant des insanités
recouvrent leur tête de murmures capuchonnés
s’aperçoivent que dans mon dos
tout près de la poignée
quelque chose est envisageable
comme la possibilité de se taire
avant qu’il ne soit trop tard (p. 60)

 

Référence

Chagnon, Philippe, Arroser l’asphalte. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2017, 91 p.

Tombeau d’Ella (10) : rimes

Ella Fitzgerald en 1981 (détail)[Ce texte s’inscrit dans la série Tombeau d’Ella. On en trouvera la table des matières ici.]

«Now the song is different
And the words don’t even rhyme»
Ella Fitzgerald,
«Desafinado (Slightly Out of Tune)» (1962)

Qu’une chanson soit rimée n’étonnera personne. La plupart de celles d’Ella Fitzgerald le sont, et de façon prévisible. Puis, au détour d’un texte, apparaît une rime inattendue, comique, bizarre.

Il y a les rimes alimentaires dans «A Fine Romance» (1957) : «hot tomatoes» / «mashed potatoes»; «my good fellow» / «I’ll take jello». Voir aussi «me» / «spaghetti», dans «I Got a Guy» (1937).

En matière d’amour, l’imagination n’est pas moins forte. «Deadlock» fait la paire avec «wedlock» («What Is There To Say ?», 1954) et «affair», avec «care» («Please Be Kind», 1954).

Chacun, bien évidemment, choisira la rime de son cœur. L’Oreille tendue confesse un faible pour «Was dyspeptic» / «Now my heart’s antiseptic» («Betwitched», 1956) et pour «She had a most immoral eye» / «They called her Lorelei» («Lorelei», 1960).

Une chanson, tel un col, est hors catégorie : «You’re the Top» (1956). Malgré la dénégation initiale («At words poetic / I’m so pathetic»), Ella Fitzgerald y multiplie les rimes les plus imprévues, celles de Cole Porter : «Strauss» / «Mickey Mouse», «Gandhi» / «brandy», «Spain» / «cellophane», «a Waldorf salad» / «a Berlin ballet» (!), «Astaire» / «camembert».

Il faut s’incliner devant pareil tour de force.

P.-S. — Ella Fitzgerald n’a jamais hésité à prendre des libertés avec l’homophonie. Un autre exemple que «salad» / «ballet» ? Dans «Halleluja I Love Him So» (1962), «door» rime avec «know».

[Les dates entre parenthèses devraient être celles des enregistrements. Elles ne sont pas toujours fiables.]

Illustration : Ella Fitzgerald, détail, 1981, photo déposée sur Wikimedia Commons