Justin Trudeau et Réjean Ducharme

Réjean Ducharme, HA ha !…, 1982, couverture

Demain soir, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, s’adressera à la nation. En après-midi, les citoyens auront eu droit à un discours du trône.

Il n’y a rien à faire : quand l’Oreille tendue entend «discours du trône», elle pense immédiatement à l’incipit de HA ha !…, la pièce de Réjean Ducharme.

Des déclics de magnétophone, des cris de bande rembobinée. Lumières. Roger qui recommence l’enregistrement de son «Bedit Discours». Il le lit sur un bout de papier froissé en se bouchant le nez.

Roger : Bedit Discours du trône à quatre pattes dont deux molles : «La nouvelle pissance bio-dégradante du Danemark amélioré aux enzymes ravive les gouleurs foncées du Saint-Relent, le fleuve qui l’arrose, comme une mouffette. (Il fait jouer le nouvel enregistrement. Il se félicite en s’écoutant : ) Infect !… Abject !… Ignoble !… Répugnant !… Ah stextra ! stexcellent ! (HA ha !…, p. 15)

Qu’on lui pardonne ce rapprochement.

P.-S.—Oui, en effet, l’Oreille se répète.

 

Référence

Ducharme, Réjean, HA ha !…, Montréal, Lacombe, 1982, 108 p. Préface de Jean-Pierre Ronfard.

La clinique des phrases (zz)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Du point de vue de notre avenir politique, deux leçons peuvent être tirées de l’actuelle pandémie. Nous avons pu constater que, presque partout, les populations plongées dans l’insécurité se sont tournées vers leur nation pour se protéger.

S’il est vrai que des institutions supra-étatiques, par exemple l’Union européenne, ont été critiquées pour leur (non-)gestion de la crise du coronavirus, l’Oreille tendue n’a vu nulle part d’appel à remplacer ces institutions par la «nation». Personne, il lui semble, n’a fait appel à la «nation québécoise», à la «nation canadienne», à la «nation française», etc.

Essayons ceci :

Du point de vue de notre avenir politique, deux leçons peuvent être tirées de l’actuelle pandémie. Nous avons pu constater que, presque partout, les populations plongées dans l’insécurité se sont tournées vers leur État pour se protéger.

À votre service.