Fil de presse 041

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Des publications sur la langue ? À votre service.

Abbiateci, Jean et Loris Grillet, le Dico des mots extraordinaires, Publier, Bulletin, 2022, 132 p.

Abbou, Julie, Tenir sa langue. Le langage, lieu de lutte féministe, Paris, Éditions Les Pérégrines, coll. «Genre !», 2022, 280 p.

Berthomieu, Gérard, Florence Leca-Mercier et Françoise Rullier-Theuret (édit.), Jean Échenoz : la fiction, la langue, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 69, 2022, 370 p.

Biasoni, Sami (édit.), Malaise dans la langue française, Paris, Cerf, 2022, 264 p. Préface d’Annie Genevard.

Blanchet, Philippe, A la descuberto dóu prouvençau, lengo óuriginalo, lengo amenaçado. À la découverte du provençal, langue originale, langue menacée, Cheval-blanc, Éditions de l’Observatoire de la langue et de la culture provençales, 2022, 95 p.

Canut, Cécile, Langue, Paris, Anamosa, coll. «Le mot est faible», 2021, 96 p.

Cassin, Barbara, Ce que peuvent les mots, Paris, Bouquins, «La collection», 2022, 1056 p.

Collège de ’Pataphysique, les 101 Mots de la Pataphysique, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Que sais-je ?», 4039, 2022, 128 p.

Costa, Albert, le Cerveau bilingue. Et ce qu’il nous dit de la science du langage, Paris, Odile Jacob, 2022, 216 p.

Crépon, Marc, l’Héritage des langues. Séminaire 2020-2021, Paris, Fayard, coll. «Ouvertures», 2022, 320 p.

Crevoisier, Michaël et Aurélien Galateau (édit.), Langage et Idéologie. Penser le devenir de la langue avec Klemperer, Nice, Éditions Unes, 2022, 184 p.

Denisot, Michel, Médéric Gasquet-Cyrus et Arnaud Richard, En plein dans la lucarne ! 200 expressions, mots et anecdotes de légende sur le foot, Paris, Le Robert, 2022.

Dorey, Alicia, Louise Pierga et Marcelle Ratafia, Parlons VIN parlons BIEN !, Paris, Le Robert, 2022.

Elchacar, Mireille, Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec, Montréal, Éditions Alias, 2022, 160 p. Ill.

Le compte rendu de l’Oreille tendue se trouve ici.

Les Expressions françaises expliquées aux enfants, Niort, Les éditions Bonhomme de chemin, 2022, 96 p.

Feltin-Palas, Michel, Sauvons les langues régionales !, Paris, Éditions Héliopoles, 2022, 192 p.

Gaudin, François (édit.), Charles de Foucauld. Lexicographe et missionnaire, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2022, 178 p.

Itinéraires. Littérature textes cultures, 3, 2021. Dossier «Race et discours 2 : Représentations et formes langagières», sous la direction de Marie-Anne Paveau.

Jaillard, Pierre (édit.), les Noms de lieux, un patrimoine en mouvement, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica — Mots et dictionnaires», 40, 2022, 234 p.

Lacroix, Jacques, les Irréductibles Mots gaulois, Chamalières, Lemme edit, 2022 (deuxième édition revue et corrigée), 180 p. Préface de Michael Edwards.

Lefebvre, Julie, la Note de bas de page dans les imprimés contemporains, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «Recherches linguistiques et textuelles», 2022, 280 p.

Linguistique de l’écrit, 2, 2021. Dossier «Écrits préparants, paroles préparées», sous la direction de Rudolf Mahrer. ISSN : 2515-3102.

Loriga, Sabina et Jacques Revel, Une histoire inquiète. Les historiens et le tournant linguistique, Paris, ÉHÉSS, Gallimard et Seuil, coll. «Hautes études», 2022, 392 p.

Montpetit, Caroline, Bonjour ! Kwe ! À la rencontre des langues autochtones du Québec, Montréal, Boréal, 2022, 112 p.

Morgentaler, Simone, Nos gros mots, Ùnseri Schìmpfwerter, Bernardswiller, I.D. l’Édition, 2022, 208 p. Illustration de Lucille Uhlrich.

Neveux, Julie, le Langage de l’amour. De la rencontre à la rupture, comment les mots révèlent nos sentiments, Paris, Grasset, 2022, 416 p.

Nocus, Isabelle, Bilinguismes des enfants en contextes multilingues, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. «Psychologie(s)», 2022, 238 p. Préface d’Agnès Florin.

Pruvost, Jean, Marcel Proust, «psychologue original» dans les dictionnaires (1920-1960), Paris, Honoré Champion, coll. «Champion essais», 59, 2022, 200 p. Préface de Thierry Laget.

Rey, Alain (édit.), Dictionnaire historique de la langue française. L’édition ultime, Paris, Dictionnaires le Robert, 2022, 2 vol. Édition originale : 1992.

Soutet, Olivier, le Sens sous tension. Psychomécanique et sémantique grammaticale, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 70, 2022, 326 p.

Swamy, Vinay et Louisa Mackenzie (édit.), Devenir non-binaire en français contemporain, Paris, Éditions Le Manuscrit, coll. «Genre(s) et création», 2022, 288 p.

Vandevelde-Rougale, Agnès, Mots & illusions : quand la langue du management nous gouverne, Paris, 10-18, coll. «Amorce», 2022, 112 p.

Walter, Henriette, Deux mille mots pour dire le monde, Paris, Bouquins, coll. «Essai», 2022, 384 p. Préface de Hector Obalk.

Le feu du temps

Lampe à l’huile

Nous avons déjà vu, au cours d’aventures antérieures, que le Québec a quelques expressions particulières pour parler du temps. C’est le cas, par exemple, de la secousse.

Il en va de même de la mèche, unité aussi imprécise que l’autre. Exemple tiré de la section des sports de la Presse+ d’hier : «C’est le cas de Paul Byron, 33 ans, qui ne fait plus de flammèches depuis une mèche, et qui tente de se remettre d’une opération à une hanche.» (On appréciera à sa juste valeur la rime flammèches / mèche.)

Explication de Pierre DesRuisseaux : «Ça fait une mèche. Ça fait longtemps. Allusion à la mèche du fanal à huile» (p. 202).

À votre service.

 

Référence

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Le saint suaire et la banque

Un pyjama représentant des joueurs des Canadiens de Montréal

 

«Mais le tissu social de Montréal
C’est de la sainte flanelle»
(Loco Locass, «Le but», chanson, 2009)

Maurice Richard, le célèbre ailier droit des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — meurt en 2000. Deux ans plus tard, une partie des objets de sa collection personnelle était mise en vente. On pouvait y acheter un de ses maillots, comparé au saint suaireShroud of Turin», Encan, p. 130). On le répète jusqu’à plus soif depuis des années : le hockey, au Québec, serait une religion.

On en a eu un autre exemple au cours des derniers jours. Les dirigeants des Canadiens, comme ceux de la majorité des clubs de la Ligue nationale de hockey (LNH), ont décidé de mettre de la publicité sur les maillots de leur équipe. Le logo d’une banque y apparaîtra dès cette saison. Un peu partout, on s’est indignés : il ne fallait pas toucher à pareil symbole. C’était une hérésie.

Un candidat aux élections provinciales, Gabriel Nadeau-Dubois, trouve le geste «ben ordinaire» : «Il y a un caractère, je ne veux pas utiliser un mot qui ne serait pas laïque, mais un caractère presque sacré au chandail du Canadien de Montréal. C’est aussi un symbole identitaire au Québec. C’est une équipe qui nous rassemble. Je trouve ça dommage un logo publicitaire sur ce chandail» (la Presse+, 13 septembre 2022). «Le chandail du CH n’est plus sacré», titre le chroniqueur Patrick Lagacé; «Sacrilège», ajoute-t-il (la Presse+, 12 septembre 2022). Un amateur cité par The Gazette va dans le même sens, avec le même mot : «I would have thought the (Canadiens) would have considered this iconic sweater to be more sacred than to tarnish it for money» (13 septembre 2022). Le décision des propriétaires a un «aspect profanateur», affirme un lecteur du Devoir, qui parle également d’une «étoffe […] désacralisée» (15 septembre 2022).

Cette réaction a de quoi étonner.

La commercialisation du hockey n’est pas un phénomène récent, pas plus que celle de l’uniforme tricolore. Qui a assisté à un match au Centre Bell ou regardé une partie à la télévision le sait : le spectateur est bombardé sans arrêt de messages publicitaires. De même, quand Maurice Richard vendait des céréales, du pain tranché ou du vin rouge, il le faisait en uniforme. Guy Lafleur faisait la même chose pour vendre du yogourt. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les Canadiens attirent les publicitaires. Vous pensiez vraiment que l’équipe allait revenir en arrière ?

L’annonce des derniers jours était parfaitement prévisible. Il y a des années que l’apparition des publicités sur les chandails des joueurs de hockey était dans les cartons de la LNH. On en trouvait déjà sur l’équipement porté durant les entraînements et sur les casques des joueurs durant les matchs. Vous pensiez vraiment que cela allait s’arrêter là ?

La marchandisation du hockey s’inscrit dans un mouvement mondial. L’année prochaine, ce sera le baseball. Au football américain, c’est déjà le cas dans les entraînements. C’est vrai du soccer depuis les années 1970 et du basketball depuis 2016. Vous pensiez vraiment que le hockey allait rester seul et laisser passer une manne potentielle ?

Pour imaginer que les Canadiens résistent à cette vague de fond, il fallait conférer à l’équipe un statut particulier. Incarnation de la nation, elle aurait été différente des autres équipes. Il existait pourtant un précédent qui aurait dû obliger les fans à réfléchir. Le club de foot de Barcelone entretient avec les Catalans un lien au moins aussi fort que les Canadiens avec leur public. Pourtant, depuis le début des années 2000, les joueurs du Barça font les hommes-sandwichs. Cette année, ils sont commandités par Spotify; au début, c’était par l’Unicef.

Les Canadiens de Montréal étaient déjà une équipe comme les autres. Cela vient d’être confirmé. Les marchands du Temple sont là pour rester.

P.-S.—Il y a ceux qui pleurent une époque supposée révolue. Il y a aussi ceux qui s’amusent de la situation, Guy Mongrain ou Stéphane Laporte, par exemple, et leurs abonnés sur Twitter.

 

Références

Bauer, Olivier et Jean-Marc Barreau (édit.), la Religion du Canadien de Montréal, Montréal, Fides, 2008, 182 p. Ill.

Bauer, Olivier, Une théologie du Canadien de Montréal, Montréal, Bayard Canada, coll. «Religions et société», 2011, 214 p. Ill.

Encan de la collection Maurice «Rocket» Richard. 7 mai 2002 / The Maurice «Rocket» Richard Auction. May 7th, 2002, Saint-Constant, Collections Classic Collectibles, 2002, 100 p. Ill.

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Benoît Melançon, les Yeux de Maurice Richard, éd. de 2012, couverture

La clinique des phrases (tttt)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Toutes les publicités ne sont pas également heureuses : qui a des yeux le sait.

La chaîne de magasins de rénovation Réno-Dépôt aurait pu réussir un bon coup récemment, mais une faute d’orthographe l’en a empêchée.

Une pub disant «Une salle bain rafraîchie, sans se faire rincer» aurait été pas mal, dans la mesure où elle aurait joué sur deux des sens du mot rincer.

D’une part, il y a le sens le plus banal du terme : «Nettoyer à l’eau (un récipient). […] Passer à l’eau (ce qui a été lavé) pour enlever les produits de lavage (savon, etc.)» (le Petit Robert, édition numérique de 2018). Dans une salle de bain, même à rafraîchir, on s’attend à ce qu’on y rince.

D’autre part, le mot signifie aussi «Voler, ruiner». Ne pas se faire rincer, quand on rénove, est une bénédiction.

Pour que la publicité soit efficace, il ne fallait pas écrire ce que la chaîne a écrit :

Publicité fautive, Réno-Dépôt, 10 septembre 2022

Désolé pour elle (et pour nous).

P.-S.—En langue de puck, qui subit une rince est du mauvais côté d’une dégelée.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, 2014, couverture

Épate hockeyistique

Demandez à John Tortorella — c’est du hockey — et il sera catégorique : les jeunes ne respectent plus rien. La preuve ? Ils marquent des buts pour le seul plaisir de se faire remarquer.

De quoi s’agit-il ? Un joueur passe derrière la cage, il dépose la rondelle sur la lame de son bâton et il la fait entrer dans le haut du filet du cerbère par le côté. Ça demande de la dextérité, c’est spectaculaire et ça déplaît aux puristes.

Comment appeler cela ?

On voit parfois but de type lacrosse (site de RDS, page effacée) et, plus rarement, zegras, du nom d’un joueur, Trevor Zegras, qui a déjà marqué des buts de ce type (voir ci-dessous). Le plus souvent, on trouve but à la sauce Michigan (la Presse+, 14 août 2022), but michigan ou, tout simplement, michigan. Pourquoi ? En 1996, Mike Legg, de l’Université du Michigan, aurait été le premier à oser la manœuvre Michigan.

Oui, c’est de la langue de puck.

Illustration :

 

P.-S.—En effet, le michigan a quelque chose à voir avec la moutarde.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, 2014, couverture