L’oreille tendue… de René Lapierre

René Lapierre, les Adieux, 2017, couverture

«Parvenus à ce point nous nous effondrons
dans des fauteuils de cinéma pour voir
le verbe aimer brûler au kérosène;
s’arracher à l’attraction —

— terrestre, décoller en direction de l’étoile
94 Ceti. Nous tendrons l’oreille pour
entendre son chant inhumain, son fa dièse
froid. Des frissons nous hérissent.»

René Lapierre, les Adieux. Poésie, Montréal, Les Herbes rouges, 2017.

L’oreille tendue de… Christophe Huss

«Si vous voulez néanmoins tendre l’oreille à ce nouveau genre et vous faire une idée par vous-même, la compilation Expo 1, qui va de Chilly Gonzales à John Cage (!) vous permet de faire le tri» (Christophe Huss, «“Modern classical” ou pop instrumentale ?», le Devoir, 31 octobre 2017, p. B7).

L’oreille tendue de… Michel Tremblay, ter

Michel Tremblay, la Diaspora des Desrosiers, 2017, couverture

«Si elle n’a pas entendu ce qui se disait sur le balcon des Desrosiers, ce soir-là, ce n’est pas faute d’avoir écouté. Son balcon surplombe celui de ses voisines et il lui arrive assez souvent d’approcher sa chaise de la rambarde de droite et de tendre l’oreille pour essayer de saisir des bribes de conversations, surtout depuis qu’il fait doux et que Rhéauna y reçoit son cavalier, une espèce de dégingandé tout en longueur dont Maria Desrosiers dit grand bien mais qui lui semble, à elle, sans personnalité.»

Michel Tremblay, la Grande Mêlée, dans la Diaspora des Desrosiers, préface de Pierre Filion, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p., p. 659-836, p. 786. Édition originale : 2011.

P.-S.—Michel Tremblay, plus tôt cette semaine, a reçu le plus prestigieux prix littéraire québécois (voir ici).

L’oreille tendue… d’Alexandre Dumas

Portrait d’Alexandre Dumas par Nadar

«Inondée de soleil, l’oreille tendue au bruit des carroses roulans, un peu rares il est vrai, mais enfin roulans sur le boulevard, [Oliva] demeura ainsi très heureuse pendant deux heures. Elle déjeûna même du chocolat que lui servit sa femme de chambre et lut une gazette avant d’avoir songé à regarder dans la rue.»

Alexandre Dumas, le Collier de la reine. Épisodes des Mémoires d’un médecin, dans Semaine littéraire du Courrier des États-Unis, [1849], 316 p., chapitre XXXII, p. 221.

 

Illustration : portrait d’Alexandre Dumas par Nadar, photo déposée sur Wikimedia Commons

L’oreille tendue de… Maxime Du Camp

«Diderot a donné cours à cette erreur, que les aveugles étaient absolument dénués de pudeur [Lettre sur les aveugles, Londres, 1749]. S’il avait pu connaître ceux qui vivent dans l’Institution du boulevard des Invalides, il aurait promptement changé d’opinion. Il est difficile, en effet, d’imaginer une pudibonderie pareille; jamais Diane au bain ne fut plus chaste, plus effarouchée, plus soupçonneuse. Il faut les voir se lever le matin et sortir du lit avec mille précautions précieuses, se cacher au moindre bruit et tendre l’oreille pour n’être jamais pris au dépourvu. C’est là probablement le fruit de l’éducation austère et très-morale qu’ils reçoivent, mais c’est aussi le résultat de cette défiance qui ne les abandonne jamais, même dans les actes les plus simples de la vie et qui semble faire partie de leur nature. Ignorant ce que c’est que la vue, ils lui attribuent une sorte de puissance diabolique; pour eux, c’est un toucher à distance, mais singulièrement pénétrant, rayonnant et perspicace; ils la redoutent et ne savent parfois qu’inventer pour s’y soustraire.»

Maxime Du Camp, Paris. Ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du XIXe siècle, Paris, Librairie Hachette et cie, 1879 (sixième édition), tome cinquième, p. 189.