Accouplements 171

Colonne couverte d’insultes, La Ronde, Montréal, août 2011

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Marivaux, le Jeu de l’amour et du hasard, dans Théâtre complet. Tome premier, Paris, Classiques Garnier, 1989, p. 775-845 et p. 1098-1108. Texte établi, avec introduction, chronologie, commentaire, index et glossaire par Frédéric Deloffre. Nouvelle édition, revue et mise à jour avec la collaboration de Françoise Rubellin. Édition originale : 1730.

«Pour […] fortifier de part et d’autre [de beaux sentiments], jurons-nous de nous aimer toujours, en dépit de toutes les fautes d’orthographe que vous aurez faites sur mon compte» (acte II, scène V, p. 819).

Simenon, Georges, Maigret chez le ministre, Paris, Presses Pocket, coll. «Presses Pocket», 946, 1972, 190 p. Édition originale : 1954.

«—Tu as bien travaillé, mon petit.
— Pas de fautes d’orthographe ?
— Je ne crois pas» (p. 72).

Ni dans un cas ni dans l’autre, il n’est question de langue, bien qu’il soit question de «fautes d’orthographe».

Portrait marivaudien

Marivaux, la Seconde Surprise de l’amour, éd. de 1728, page de titre

«Eh bien, Monsieur, sur ce pied-là, que n’allez-vous vous ensevelir dans quelque solitude où l’on ne vous voie point ? Si vous saviez combien aujourd’hui votre physionomie est bonne à porter dans un désert, vous aurez le plaisir de n’y trouver rien de si triste qu’elle. Tenez, Monsieur, l’ennui, la langueur, la désolation, le désespoir, avec un air sauvage brochant sur le tout, voilà le noir tableau que représente actuellement votre visage; et je soutiens que la vue en peut rendre malade, et qu’il y a conscience à la promener par le monde. Ce n’est pas là tout : quand vous parlez aux gens, c’est du ton d’un homme qui va rendre les derniers soupirs; ce sont des paroles qui traînent, qui vous engourdissent, qui ont un poison froid qui glace l’âme, et dont je sens que la mienne est gelée; je n’en peux plus, et cela doit vous faire compassion. Je ne vous blâme pas; vous avez perdu votre maîtresse, vous vous êtes voué aux langueurs, vous avez fait vœu d’en mourir; c’est fort bien fait, cela édifiera le monde : on parlera de vous dans l’histoire, vous serez excellent à être cité, mais vous ne valez rien à être vu; ayez donc la bonté de nous édifier de plus loin» (acte I, scène XII, p. 690-691).

Marivaux, la Seconde Surprise de l’amour, dans dans Théâtre complet. Tome premier, Paris, Classiques Garnier, 1989, p. 653-726 et p. 1091-1094. Texte établi, avec introduction, chronologie, commentaire, index et glossaire par Frédéric Deloffre. Nouvelle édition, revue et mise à jour avec la collaboration de Françoise Rubellin. Édition originale : 1727.

Le zeugme du dimanche matin et de Marie-Anne Barbier

Marie-Anne Barbier, Arrie et Pétus, éd. de 1702, page de titre

«Que mon père à la fois range sous ses drapeaux
Une fille, un consul, mes pleurs et vos faisceaux»
(acte III, sc. V, v. 929-930, p. 407).

Marie-Anne Barbier, Arrie et Pétus, dans Aurore Evain, Perry Gethner et Henriette Goldwyn (édit.), Théâtre de femmes de l’Ancien Régime. 3. XVIIe-XVIIIe siècle, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, coll. «La cité des dames», 8, 2011, p. 353-435. Édition originale : 1702.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Nostalgie du jour

L’Oreille tendue, dit-on, ne rajeunit pas. Elle en a vécu un nouvel exemple aujourd’hui.

Les Canadiens — c’est du hockey — jouent un match ce soir. La Société de transport de Montréal suggère aux spectateurs — 3500 dans le Centre Bell lui-même, plusieurs centaines à l’extérieur — de s’y rendre en métro.

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On doit entendre doublement «gagner la série» : le verbe désigne à la fois se rendre à et triompher.

Il y a sept (!) lustres, dans un cours de français destiné à des étudiants états-uniens, l’Oreille présentait le double sens de ce verbe avec une publicité pour du thon en boîte : «Gagnez le Sénégal.» (Vous achetiez du thon. Il y avait un concours. La récompense était un voyage.)

À la manière de Racine, l’Oreille sent parfois, et de plus en plus, «des ans l’irréparable outrage» (Athalie, acte II, sc. V).