Non-vœu

Maxime Raymond Bock, les Noyades secondaires, 2017, couverture

Dans le français populaire du Québec, le mot flat(t)(e) peut désigner plusieurs choses.

Venu de l’anglais, il est synonyme de crevaison : J’ai eu un flat.

En matière d’imbibition, il indique qu’une boisson houblonnée a perdu son effervescence :

Il se lève et finit la grosse bière
flatte sur sa table de travail (Poèmes anglais, p. 170).

Un plongeur ratant son entrée dans l’eau fait aussi un flatte :

un flatte en pleine face après une ouverture aléatoire, qu’il ne fallait jamais perdre le décompte quand alternaient l’eau et le plafond à toute vitesse (les Noyades secondaires, p. 27).

Dans la Presse+ du 4 juin, on apprend que la Québécoise Lysanne Richard entend plonger du haut d’une montgolfière «volant à une altitude de 20 à 25 mètres, l’équivalent d’un immeuble de huit étages». On ne lui souhaite pas de faire un flatte.

 

Références

Desbiens, Patrice, Poèmes anglais suivi de la Pays de personne suivi de la Fissure de la fiction, Sudbury, Prise de parole, coll. «Bibliothèque canadienne-française», 2010, 223 p. Préface de Jean Marc Larivière. Édition originales : 1988, 1995 et 1997.

Raymond Bock, Maxime, les Noyades secondaires. Histoires, Montréal, Le Cheval d’août, 2017, 369 p.

Renouveau de la tchén’ssâ


L’Oreille tendue, depuis son quarantième anniversaire de naissance, possède une tronçonneuse / scie à chaîne / chainsaw / tchén’ssâ. Celle-ci n’étant plus ce qu’elle était, celle-là a décidé d’en acheter une nouvelle.

Pour l’occasion, le vendeur lui a donné un rapide cours concernant son nouvel outil, tant sur le plan mécanique que linguistique.

L’Oreille se doutait bien qu’il fallait éviter de «noyer» le moteur de sa nouvelle acquistion. En revanche, elle n’a pas été peu étonnée quand on lui a dit que sa scie était «parteuse», autrement dit qu’elle était rapide à l’allumage. Dont acte : les précautions d’usage ont été prises.

P.-S.—C’est vrai : elle est parteuse.

Denis Coderre et le lexique de l’imbibition

 

Denis Coderre à côté de la statue de Jean Drapeau, Montréal, 2 juin 2021Denis Coderre a déjà été maire de Montréal et il souhaite le redevenir. Dans le cadre de sa campagne électorale, il multiplie les déclarations, toutes plus réjouissantes les unes que les autres.

Nouvel exemple cet après-midi : s’il est élu, il voudrait interdire la consommation d’alcool après 20 h dans les parcs de la ville, histoire de «protéger les gens contre eux-mêmes».

Les réseaux sociaux se régalent depuis, en comparant l’aspirant omnimaire à des hommes politiques du passé, Pacifique Plante ou Jean Drapeau (celui de la statue ci-dessus). On a même évoqué la Ligue de tempérance.

C’est aussi vrai sur le plan du lexique. Que faut-il interdire ? Le fait de «prendre un coup» et, par voie de conséquence, la «boisson». Sur le plan du vocabulaire de l’imbibition, Denis Coderre est aussi un homme d’un autre âge.

La connaissance de Joseph

Victor-Lévy Beaulieu, Jos Connaissant, 1978, couverture

Il est arrivé à l’Oreille tendue d’utiliser l’expression jos connaissant sans l’expliquer. Mea maxima culpa.

Laissons de côté le personnage de Victor-Lévy Beaulieu, pour nous intéresser à l’expression. Qu’est-ce qu’un jos connaissant ?

Léandre Bergeron, en 1980, avec cet usage si particulier de l’ordre alphabétique qui le caractérise, n’a pas d’article à «Jos connaissant», mais il en a un à «Connaissant» :

Connaisseur. Instruit. I est pas mal connaissant en médecine. Un Jos connaissant. — Se dit par moquerie de celui qui prétend en savoir plus que les autres (p. 144).

Pierre DesRuisseaux, à sa place, a un article sur «Jos Connaissant» :

Être un (grand, p’tit) Jos Connaissant. Aussi : Faire son (Faire son p’tit) Jos Connaissant. Faire son connaissant, son savant (p. 185).

L’auteur du Trésor des expressions populaires donne un exemple tiré de l’œuvre de Raymond Lévesque. Tous les dégoûts sont dans la nature.

L’Oreille tendue a ses propres exemples, tous péjoratifs.

Chez Marie-Hélène Poitras :

et puis si tu joues un peu trop au p’tit Jos connaissant, je te jure que tu feras pas long feu ici (p. 62).

Chez Patrick Nicol :

Mon ami bourgeois, mon Ti-Jos Connaissant, j’aurais souhaité que tu tiennes ton rang au lieu de tout abandonner (p. 96).

Chez Stéphanie Neveu et Laurent Turcot, qui privilégient la graphie Joe :

Celui qui, trop rapidement, veut se mettre au-dessus des autres, sans avoir discuté, échangé ou montré sa valeur par la modestie et la contenance est considéré comme un m’as-tu-vu ou un «Joe Connaissant» (p. 27).

Petit ou pas, évitez de vous transformer en Jos Connaissant. Vous aurez été prévenus.

P.-S.—Ce n’est pas la première fois qu’il est question de connaissance ici.

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Jos Connaissant. Roman, Montréal, VLB éditeur, 1978, 266 p. Édition originale : 1970.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Neveu, Stéphanie et Laurent Turcot, Vivre et survivre à Montréal au 21e siècle, Québec, Hamac, coll. «Hamac-carnets», 2016, 185 p. Ill. Préface d’Alexandre Taillefer.

Nicol, Patrick, Terre des cons. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 97 p.

Poitras, Marie-Hélène, Griffintown, Québec, Alto, coll. «Coda», 2013, 209 p. Édition originale : 2012.