Citation podologique du jour

Georges Simenon, la Maison du canal, éd. de 1976, couverture

 

«Edmée y allait parfois, à pas mous de convalescente» (la Maison du canal, p. 129).

 

[Complément du 25 septembre 2021]

Cela ne se pratique pas que chez les convalescentes : «Non loin du 43 bis, ils aperçurent Serre qui marchait le long du trottoir à grands pas un peu mous. Comme certains gros, il tenait les jambes écartées» (Maigret et la Grande Perche, p. 82).

 

[Complément du 18 août 2022]

Cela ne se pratique pas que chez Simenon : «Billy Joe semblait d’heureuse humeur, marchant à pas mous et balourds» (la Bête creuse, p. 544).

 

Référence

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Simenon, Georges, la Maison du canal, Paris, Presses Pocket, coll. «Presses Pocket», 1335, 1976, 188 p., p. 129. Édition originale : 1932.

Simenon, Georges, Maigret et la Grande Perche, Paris, Presses Pocket, coll. «Presses Pocket», 795, 1972, 190 p. Édition originale : 1951.

Oreille d’Ancien Régime

Bénabar, Reprise des négociations, 2005, pochette

 

Chanter les Lumières aujourd’hui ? Ça se fait.

Elle n’m’a pas gâché l’existence
Mais a tu celle de Rousseau,
De Proust,
De Mort à crédit,

psalmodie Arnaud-Fleurent Didier. (Le personnage de la chanson parle de sa mère.)

Chez Bénabar, Voltaire remplace Rousseau :

Ce vieil homme fatigué d’Algérie
Qui regrette son Maghreb jour et nuit
Tout juste toléré aujourd’hui
Faut dire qu’ça fait qu’trente ans qu’il est ici
Qu’il ne s’ra jamais propriétaire
Qu’il occupe une chambre de bonne
Au pays de Voltaire
Au pays des Lumières
Et des droits d’l’homme.

Par-delà la Révolution, Tomás Jensen réconcilie les uns et les autres :

Qui c’est qui vient souper à soir ?
Qui c’est qui vient souper à soir ?
C’est le vent de l’ouest
C’est le vent de l’ouest
C’est l’Occident civilisé
Technologie et liberté
C’est le vent de l’ouest
C’est le vent de l’ouest
C’est quatorze cent quatre-vingt douze
C’est dix-sept cent quatre-vingt neuf
C’est mille neuf cent quatre-vingt-quatre
C’est mai soixante-huit, est-ce qu’on trinque ?
C’est le vent de l’ouest
C’est Hollywood, Rousseau, Voltaire
C’est le vent de l’ouest
Mère Teresa et Rockefeller
C’est le vent de l’ouest
Je ne le suivrai pas.

(Voltaire / Rockefeller est une rime plus riche que Voltaire / Lumières.)

Chanter le XVIIIe siècle aujourd’hui ? Pourquoi pas.

 

[Complément du 10 juin 2020]

L’Oreille a repris ce texte, sous le titre «Chanter les Lumières», dans le livre qu’elle a fait paraître au début de 2020, Nos Lumières.

 

[Complément du 11 mars 2024]

Premier vers de «Je vais t’aimer», de Michel Sardou (1976) : «À faire pâlir tous les marquis de Sade.» L’Oreille ne s’y attendait pas.

 

Références

Bénabar, «Qu’est-ce que tu voulais que je lui dise ?», Reprise des négociations, Jive, 2005.

Didier, Arnaud-Fleurent, «France culture», la Reproduction, Sony / BMG, 2009.

Jensen, Tomás & Les faux-monnayeurs, «Le vent du nord» (2000), Pris sur le vif, GSI Musique, 2006.

Melançon, Benoît, Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 194 p.

Logique scolaire

À l’école, tu t’es bien comporté, tu as fait tous tes devoirs, tu as multiplié les efforts : ta maîtresse — que tu appelles ton enseignante — est contente. Elle ne t’accordera pourtant pas de récompense; elle te donnera plutôt un privilège.

S’il n’y a plus de punition, mais seulement des conséquences, il n’est pas étonnant qu’il n’y ait plus de récompense. C’est logique.

En effet

Dans sa page «Idées» d’hier, le Devoir publie une lettre ouverte sous le titre «Avenir de la langue française. Un geste d’éclat pour protéger le français» (p. A7).

Incipit : «Je suis préoccupé par l’avenir de la langue française, mais aussi et surtout inquiet pour cet avenir.» Plus loin : «Ma préoccupation et mon inquiétude sont fondées sur des réalités et des faits qui annoncent un dangereux déclin de la langue française.»

Quand l’Oreille tendue lit pareille prose (circulaire), elle est inquiète à son tour : elle aussi, elle a de la peine d’être triste quand elle n’est pas heureuse d’être contente.

De la responsabilité (linguistique)

Les écoliers québécois ne connaissent plus la punition. S’ils font une bêtise quelconque, s’ils sont les auteurs d’un méfait plus ou moins grave, s’ils contreviennent au règlement, ils sont passibles d’une conséquence. Ça s’expose ainsi : Les amis, t’auras une conséquence si tu fais pas ton devoir.

En voulant faire comprendre aux petits qu’ils sont responsables de leurs gestes et de leurs suites, on leur fait parler une langue parfaitement artificielle.

 

[Complément du 7 juin 2015]

Exemple romanesque : «Du point de vue comportement revenait toujours plus que place à l’amélioration et j’accumulais les conséquences mineures liées à mes agissements dits problématiques» (la Bête à sa mère, p. 22).

 

[Complément du 9 septembre 2015]

En bon père de famille qu’elle est, l’Oreille tendue a assisté hier soir à la réunion de parents de l’école de son fils cadet. Elle a été rassurée d’y entendre le responsable de la «gestion des conséquences».

 

Référence

Goudreault, David, la Bête à sa mère, Montréal, Stanké, 2015, 231 p.