Chantons la langue avec Johnny Halliday

Johnny Halliday, Gang, 1986, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Johnny Halliday, «Ton fils», Gang, 1986

 

On perd sa vie parfois
À devoir la gagner
Y’en a qui naissent rois
D’autres du mauvais côté

Toi tu viens d’un pays que t’as presque oublié
De sable et de soleil et d’éternel été
Ceux qui ont de la chance y passent leurs vacances
Mais ceux qui y sont nés ne peuvent y travailler
Après toutes ces années juste pour exister
J’ai juste envie de dire à tes yeux fatigués

Je voudrais que ton fils vive mieux que toi
Qu’on le respecte, mieux qu’on le vouvoie
Comme un homme, un monsieur
Qui ne baisse pas les yeux
Pareil à tous ces gens qui parlent sans accent

Je voudrais que ton fils vive mieux que toi
Qu’il ait toutes ses chances, tous ses droits
Qu’il ait une signature
Des mains blanches, une voiture
Et des papiers d’identité à perpétuité

T’es pas un grand causeur on t’l’a jamais d’mandé
T’as payé en sueur le prix qu’il faut payer
Tu voulais qu’il ait tout sans jamais rien compter
Pour qu’il ait toutes ses chances
Comme les enfants de France
Pour un dernier désir, pour une ultime envie
La seule raison de croire à un sens à ta vie

Je voudrais que ton fils vive mieux que toi
Qu’on le respecte, mieux qu’on le vouvoie
Comme un homme, un monsieur
Qui ne baisse pas les yeux
Pareil à tous ces gens qui parlent sans accent
Je voudrais que ton fils vive mieux que toi
Qu’il ait toutes ses chances, tous ses droits
Qu’il ait une signature
Des mains blanches, une voiture
Et des papiers d’identité à perpétuité

 

L’oreille tendue de… Emmanuel Bouchard

Emmanuel Bouchard, Parallèle 45, 2024, couverture

«“Samoussa”. Surprise par la voix de Leonel, Marguerite avait bougé brusquement, et son mouvement avait suffi pour que l’homme se lève et marche vers elle, l’oreille tendue, intrigué par la chanson que sa femme fredonnait pourtant pour la millième fois. Près des chaudrons, dans ce coin de la case où il ne se rendait presque jamais, il avait levé la tête, s’était approché encore un peu. “De quoi tu parles, ma femme ?” Il avait saisi fermement le bras de Marguerite, puis il avait répété les mots en marquant chacune des syllabes et en serrant les dents “De. Quoi. Tu. Parles ?”, comme s’il connaissait déjà la réponse à sa question. Quand il s’était approché de son visage pour lui chuchoter quelque chose, Marguerite avait levé les talons, tirée vers le haut par la force de son mari, puis elle avait gémi en grimaçant.»

Emmanuel Bouchard, Parallèle 45, Montréal, Mains libres, 2024, 197 p., p. 92.

Chantons la langue avec Paul Piché

Paul Piché, À qui appartient l’beau temps ?, 1977, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Paul Piché, «La gigue à Mitchounano», À qui appartient l’beau temps ?, 1977

 

Saint-Scholastique ou parc Forillon
Fallait partir de bon matin
Pour les touristes ou leurs avions
On est toujours dansl’ chemin
Les gens ont perdu leurs maisons
Leurs terre et pis leur pays
Tout ce que j’ai pu faire
C’t’une p’tite chanson
Qu’ira pas plus loin qu’ici

Dans l’nord y a un moulin
Qui empoisonnait toutes les Indiens
Apparemment ça répondrait
Vraiment à un besoin
Pis on leu’ d’mande après ça
De r’garder le bon côté d’la vie
De pus chasser de pus pêcher
D’arrêter d’faire des p’tits
Y auraient ni tête, ni pieds
Pourraient pas travailler
Dans l’pâte et papier
Y auraient ni tête, ni pieds
Pourraient pas travailler
Dans l’pâte et papier

Va-tu falloir attendre qu’y ait
Démoli toutes nos maisons
Attendre d’être empilés dans des bâtisses
Faites en carton
Vas-tu falloir attendre
D’être rendu fous d’être affamés
Attendre d’avoir la corde au cou
Les mains ben attachées
Mais on a pas assez eu d’misère
Y nous faudrait l’enfer
Avant d’se révolter
On pas assez eu d’misère
Y nous faudrait l’enfer
Avant d’s’organiser

Les étudiants objectivement
S’inquiètent pour passer l’temps
Y gardent la connaissance entre eux
Comme le riche son argent
Ou ben on signe rien qu’une pétition
Mais c’est pas ben ben risqué
Y a pas d’danger qui voyent ton nom
Sur des feuilles toutes fripées
C’est là qu’on s’cache la face
Pour faire nos grimaces
Sur des bouts d’papier
C’est là qu’on s’cache la face
Pour faire nos grimaces
Sur des bouts d’papier
On s’est r’gardé à bout portant
L’nombril au premier plan
On sait qu’on est du monde peureux
Avec un bel accent
Ça on l’sait
Mais va-tu falloir attendre
Qu’y viennent nous chercher
Comme des bœufs
Quand on sera rendu rien qu’d’la viande
On sera pas moins nerveux
Mais on a pas assez eu d’misère
Y nous faudrait l’enfer
Avant de se révolter
On pas assez eu d’misère
Y nous faudrait l’enfer
Avant d’s’organiser

 

Autopromotion 798

«Architecture et parties qui en dépendent. Sixième partie», premier volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planches XXVI

La 638e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 74 900 titres.

À partir de cette page, on peut interroger l’ensemble des livraisons grâce à un rudimentaire moteur de recherche et soumettre soi-même des titres pour qu’ils soient inclus dans la bibliographie.

Illustration : «Architecture et parties qui en dépendent. Sixième partie», premier volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planches XXVI

Citation néologique du jour

Voltaire, buste

«Ni néologisme, ni servitude; mais la néologie convient aux Républiques : elle rendit la langue grecque complète et sonore; elle enrichit journellement la langue anglaise, lui a donné ce caractère mâle qui la distingue, et qui la rend propre aux discussions politiques. Un écrivain anglais est un homme libre, comme l’a dit Voltaire; un écrivain français doit l’être également. La langue que nous parlerons sera plus célèbre que celle des grands hommes du siècle de Louis XIV; et je ne vois pas pourquoi on sacrifierait aux talents les progrès que doit faire le génie de la liberté. Notre ordre social pouvant varier tous les neuf ans, il faut que notre langue soit susceptible de fournir les signes qui désigneront ces altérations.»

Bayard de la Vingtrie, Voyage dans l’intérieur des États-Unis, Paris, Batilliot, 1797, p. viij-ix.