Par les temps qui courent, l’Oreille tendue travaille sur les Chartier, Roger et Albert.
Lisant une bande dessinée du second, tirée de la série Onésime, elle tombe sur l’expression «Il lui manque un bardeau !» (février 1962, éd. de 1983, p. 80)
Dans le français populaire du Québec, être en manque de bardeau renvoie à une forme légère de folie : là-haut, près du sommet, quelque chose fait défaut. On doit s’en inquiéter, mais pas trop.
Gardez néanmoins l’œil ouvert. On ne sait jamais.
P.-S.—Selon Pierre DesRuisseaux, on dirait aussi manquer un bardeau à sa (sur la) couverture et manquer un bardeau (dans le pignon) (p. 29).
Références
Chartier, Albert, Onésime. Ses plus amusantes aventures publiées dans le Bulletin des agriculteurs ces derniers 40 ans, Montréal, Compagnie de publication rurale, 1983, 146 p. Ill.
Fontvieille-Cordani, Agnès et Nicolas Laurent (édit.), la Négation à l’œuvre dans les textes, Paris, Classiques Garnier, coll. «Colloques de Cerisy — Littérature», 11, 2023, 542 p.
L’Oreille est tendue depuis quelques lustres déjà. Elle a recensé pas mal d’expressions du français québécois ou d’ailleurs. Quand elle repère une forme inconnue d’elle, elle est ravie.
Cela a été le cas la semaine dernière, dans un article de la Presse+ : «Le chef de l’opposition officielle [Pierre Poilievre] a plutôt choisi de tirer dans la chaloupe de ceux qui sauvent des vies.»
Tirer dans la chaloupe, donc. Il semble exister deux sens possibles à cette expression politiconautique.
On peut tirer dans la chaloupe de quelqu’un d’autre; c’est l’exemple ci-dessus.
On pourrait aussi, semble-t-il, tirer dans sa propre chaloupe : «Rester au caucus devient complètement intenable. On ne peut pas tirer dans la chaloupe puis rester dans la chaloupe» (Twitter). Synonymes : se tirer une balle dans le pied, scier la branche sur laquelle on est assis (merci, Reddit).
«Tel était le nouvel événement, qui venait de se dérouler par un des rares matins de soleil, à l’heure où la maison, d’habitude, faisait, avec sa toilette, relâche de méchanceté» (p. 214-215).
«C’était tout. Le Féroce ne pouvait pas comprendre. Il mâchait toujours du vide — ou sa mauvaise humeur —, se levait, poussait un soupir et allait rejoindre les deux autres, le docteur Jules et un médecin du Havre, dans le bureau de tante Poldine qu’on avait mis à leur disposition pour la consultation» (p. 243).
Georges Simenon, les Sœurs Lacroix, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 175-271. Édition originale : 1938.