Autopromotion 815

«Architecture et parties qui en dépendent. Septième partie», premier volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planches XXXVIII et XXXIX

La 649e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 76 000 titres.

À partir de cette page, on peut interroger l’ensemble des livraisons grâce à un rudimentaire moteur de recherche et soumettre soi-même des titres pour qu’ils soient inclus dans la bibliographie.

Illustration : «Architecture et parties qui en dépendent. Septième partie», premier volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planches XXXVIII et XXXIX

Allez voir dans le livre

Médéric Gasquet-Cyrus et Christophe Rey, Va voir dans le dico si j’y suis !, 2024, couverture

On a tendance, du moins en français, à choisir comme arbitre en matière de langue un type d’ouvrage : «Va voir dans le dictionnaire.» Dans leur livre Va voir dans le dico si j’y suis ! (2024), Médéric Gasquet-Cyrus et Christophe Rey ne cessent de rappeler à juste titre qu’il n’existe pas un dictionnaire, mais des dictionnaires, chacun avec son «programme linguistique» (p. 144). Ce sont des ouvrages de référence qui évoluent dans le temps et selon les sociétés où ils naissent, d’où le sous-titre Ce que les dictionnaires racontent de nos sociétés. Ils ne sont jamais neutres, car les mots «sont chargés de toutes les tensions sociales» (p. 13). Aucun dictionnaire ne peut prétendre détenir la vérité sur la langue.

Après un premier chapitre consacré à la définition du dictionnaire, les auteurs proposent un découpage thématique : les «Sexes et genres» (ch. 2), les «races» (ch. 3), la religion (ch. 4), le sport (ch. 5), la sexualité (ch. 6), la cuisine (ch. 7), l’ordre social (ch. 8), la science et la technologie (ch. 9) et les gros mots (p. 10). Le livre est tout plein d’exemples tirés de dictionnaires anciens (Richelet, Furetière, l’Encyclopédie, Littré), mais aussi contemporains (le Wiktionnaire, les Larousse, les Robert). Les différentes éditions du dictionnaire de l’Académie française sont souvent comparées; malgré d’évidentes réserves sur le «purisme descriptif des académiciens» (p. 140), les auteurs essaient de ne pas être outrés. Certains des exemples font hurler (notamment dans le troisième chapitre, «Les uns et les autres»), mais ils sont nécessaires : les dictionnaires contiennent parfois des pages «nauséabondes et insupportables» (p. 89). L’actualité est présente : «iel» (p. 76-80) et «woke» (p. 76-80, p. 101-104) y sont, par exemple. Aux analyses elles-mêmes sont greffés des encadrés et des illustrations.

Le ton des auteurs est engagé contre les «préjugés» (p. 75) et «stéréotypes» (p. 168). Les jeux de mots sont nombreux. Comme l’Oreille tendue suit Médéric Gasquet-Cyrus sur les réseaux sociaux (Bluesky, Mastodon), elle connaît son humour; elle a tendance à lui imputer les plus spectaculaires. Exemple : «Puisque nous sommes en Provence, plongeons dans la lexicoc’graphie (lexicographie en langue d’oc) qui pourrait être (nous tentons un deuxième mauvais jeu de mots) une lexicock’graphie avec deux ouvrages dédiés aux mots du sexe […]» (p. 142). Ce sont peut-être les préjugés de l’Oreille qui parlent. Il n’est pas impossible que Christophe Rey soit atteint aussi gravement que son collègue.

Le corpus étudié par les auteurs est surtout celui des dictionnaires du français «hexagonal», mais il y a des ouvertures vers la francophonie et notamment le Québec. Le français de Marseille est bien représenté, Médéric Gasquet-Cyrus en étant spécialiste. Le rôle des illustrations (p. 31-33) et le poids des exemples dans les dictionnaires (p. 186) sont abordés, mais assez peu les questions d’étymologie, de prononciation et de classement par registre, du «vulgaire» au «littéraire», malgré quelques allusions (p. 120, p. 157, p. 217, p. 222-223, p. 225).

L’évolution des dictionnaires, cette «histoire sans fin» (p. 235), nécessite une veille constante. En offrant une «histoire culturelle lexicale» (p. 189) en mouvement, Médéric Gasquet-Cyrus et Christophe Rey font œuvre utile. Suivons-les dans leur «parcours au fil des dictionnaires» (p. 226).

P.-S.—Oui, c’est le même Médéric Gasquet-Cyrus.

P.-P.-S.—Une fois de plus, l’Oreille tendue va mettre sa casquette de dix-huitiémiste et râler sur le traitement réservé à l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert (les spécialistes contemporains de l’œuvre de ce dernier ont choisi la graphie avec la majuscule initiale).

Page 36, il est question «de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Arts et des Sciences», ce qui est une erreur : le sous-titre est Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. L’erreur, au-delà de l’inversion des deux premiers termes, est d’autant plus ennuyeuse qu’un des apports principaux de l’Encyclopédie à l’histoire du genre encyclopédique est précisément l’ajout des «métiers» à sa nomenclature.

Page 32 et page 46, on donne les dates suivantes pour «l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert» : 1751-1780. C’est encore une erreur. L’Encyclopédie publiée par Diderot et (de moins en moins au fil du temps) par D’Alembert l’a été de 1751 à 1772. Un Supplément a été publié de 1776 à 1780, mais ni Diderot ni D’Alembert n’y ont été associés.

Page 241, le titre et les dates sont, enfin, corrects.

Ça fait désordre.

 

Référence

Gasquet-Cyrus, Médéric et Christophe Rey, Va voir dans le dico si j’y suis ! Ce que les dictionnaires racontent de nos sociétés, Ivry-sur-Seine, Éditions de l’Atelier, 2024, 242 p. Ill.

Page de titre de l’Encyclopédie, 1751

Accouplements 257

Portraits de Giacomo Casanova et de Denise Filiatrault, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Hoffmann, Benjamin, les Minuscules. Roman, Paris, Gallimard, coll. «NRF», 2024, 285 p.

«Un examen minutieux, inspiré par la jalousie la plus vive qui ne me laissait ignorer ni recoins, ni cachettes, qui me poussait à explorer les pages des livres et le revers du matelas, les profondeurs des chaussures et l’envers des édredons, m’apprit une vérité qui me déchira le cœur : la lettre de ma rivale devait reposer contre le sien puisque je ne la trouvais nulle part. Mon imagination troublée me représentait Giacomo [Casanova] relisant pour la millième fois les mots d’Henriette, les baisant avec des transports passionnés puis les plaçant contre sa peau comme le substitut d’une caresse» (p. 178-179).

Filiatrault, Denise, «Rocket Rock and Roll», 1957, 2 minutes 37 secondes, disque 45 tours et disque 78 tours, étiquette Alouette CF 45-758; repris dans Une simple mélodie. Une anthologie de la chanson québécoise de 1900 à 1960, coffret de dix disques audionumériques, 2007, étiquette Disques XXI XXI-CD 2 1571 et dans les Légendes des Canadiens, Musicor, disque audionumérique, 2009.

«J’ai beau chercher
Tout retourner
Tout chavirer
Je n’peux pas l’trouver

Rock’n’roll Rocket Rocket
Rock’n’roll Rocket Rocket

C’est vraiment bête
De manquer son Rocket
Pour un ticket

Monsieur le placier, quel bonheur
J’ai retrouvé mon ticket
Il était là sur mon cœur
Je vais voir mon Rocket
Ah ! zut ! La partie est finie»

Allez-y !

Un joueur non québécois aurait pu être intrigué par cette définition d’un des mots croisés du quotidien le Devoir (14 février 2025).

Grille de mots croisés, le Devoir, 14 février 2025

Ce sens de téter est attesté dans le dictionnaire numérique Usito avec les indications d’usage «Q/C fam» (Québec, familier) : «Hésiter, tergiverser. Arrête de téter et viens avec nous.»

À votre service.