«Alors, je vais tâcher de trouver quelqu’un d’autre…, dit-elle en s’éloignant, pleine de tact et de poils de chèvre qui provenaient du divan du baisodrome.»
Boris Vian, Vercoquin et le plancton, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 374, 1980, 188 p., p. 60. Édition originale : 1946.
(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)
Soit l’incipit suivant :
Si XXX détient une formation en littérature, cet ouvrage rend compte d’une recherche située au plus près de l’histoire culturelle.
«Détenir une formation» ? Comment passe-t-on, sur le plan de la syntaxe, de «XXX» à «son ouvrage» ? Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Essayons ceci :
Bien que formé en littérature, XXX, dans cet ouvrage, rend compte d’une recherche située au plus près de l’histoire culturelle.
Il a été un grand dix-septiémiste, qui a influencé nombre de parcours; en témoignent les deux volumes d’hommages qui lui ont été offerts, le premier en 1999, le deuxième en 2013. On lui doit notamment des travaux fondateurs sur la retraite à l’âge classique.
Spécialiste d’histoire de la littérature, de génétique littéraire et d’édition critique, il a édité aussi bien Guez de Balzac que Hubert Aquin, Francis Ponge et Jean Anouilh.
L’automne dernier, à 90 ans, il publiait un court essai, «À l’écoute du singulier : paysages littéraires, paysages intérieurs», dédié «À [ses] anciens étudiants», dans lequel il livrait sa conception de la littérature.
Faire l’apologie de la littérature, sans ignorer qu’elle a aussi servi de mauvais maîtres, c’est revendiquer la liberté de penser, d’écrire, de parler, la possibilité de parcourir et de découvrir le monde dans l’espace d’une chambre, de refuser la pensée unique, la mode, la brièveté à la place de la méditation, la dévoration du temps à la place de sa dégustation. C’est aussi affirmer que le legs du futur s’accumule sur le legs du passé (p. 176).
Il a été le premier à engager l’Oreille tendue à ce qui s’appelait encore le Département d’études françaises de l’Université de Montréal.
Il a présidé son jury de thèse, en 1991, sur la correspondance de Diderot, car il a beaucoup écrit sur la pratique de la lettre.
P.-S.—Sur le site Fabula, Patrick Dandrey publie un «Hommage à Bernard Beugnot».
P.-P.-S.—Au cours des années 1980, Bernard Beugnot a remporté — si la mémoire de l’Oreille est bonne — le troisième prix du magazine culinaire Sel & poivre pour son coulis de framboises. Ses étudiants de l’époque avaient été un brin étonnés.
[Complément du 13 mars 2023]
La Société des lecteurs de Francis Ponge a rendu hommage à Bernard Beugnot là.
Martel, Jacinthe et Robert Melançon (édit.), Inventaire, lecture, invention. Mélanges de critique et d’histoire littéraires offerts à Bernard Beugnot, Montréal, Université de Montréal, Département d’études françaises, coll. «Paragraphes», 18, 1999, 447 p. Ill.
Paraît aujourd’hui, dans ce cadre, le plus récent ouvrage d’Alex Gagnon, les Déchirures. Essai sur le Québec contemporain.
Quatrième de couverture
Le Journal de Montréal et la «rectitude politique», Mathieu Bock-Côté et les visages contemporains de la gauche, l’affaire du «mot-en-n» et la liberté académique : cet essai braque les lumières de l’analyse du discours sur quelques-unes des polémiques passionnées qui marquent le Québec actuel.
Les polémiques et les débats publics sont comme des orchestres. Mais ce sont des orchestres sans chef où les instruments sont désaccordés, où les harmonies sont brisées par la dissonance et où les musiciens, qui exécutent en chœur des partitions différentes, cherchent à s’enterrer les uns les autres.
Alex Gagnon se met à l’écoute de cette cacophonie pour en saisir les notes, les gammes, les progressions et les refrains. Il décrypte les attitudes rhétoriques du conservatisme et du progressisme. Il décompose les dialogues de sourds pour en révéler les mécanismes. Il tente de comprendre les ressorts de la polarisation. Et c’est le fondement même de notre condition sociale que son exploration nous pousse finalement à interroger.
Alex Gagnon a reçu de nombreuses distinctions pour ses trois premiers livres : La communauté du dehors (PUM, 2016), Nouvelles obscurités (Del Busso, 2017) et Les métamorphoses de la grandeur (PUM, 2020). Il est chargé de cours, chercheur et essayiste. Ses travaux portent principalement sur l’histoire des imaginaires sociaux et des sensibilités.
Table des matières
Présentation
1. Le Journal de Montréal et la «rectitude politique». L’éclaireur et le curé
Sémantique du «gnangnan»
Rhétorique du coup de gueule
La force du vraisemblable
Un phare dans la nuit
L’art presque perdu de la circonspection
Deux solitudes
Le grand défoulement
2. Le «tempérament» antimoderne de Mathieu Bock-Côté. Le noble et l’infréquentable
«Ainsi donc». Un discours enthymématique
Autoportrait d’un conservateur
Lire ou ne pas lire Mathieu Bock-Côté ?
3. Le dominant, c’est l’autre. Le dissident et le fasciste
Anatomie d’un «manifeste»
Anatomie d’une réplique
Un «dialogue de sourds»
4. Quand dire, c’est taire. Essai en treize actes
Finale. Le conflit des représentations
Le monde social : un espace
L’espace social : classer et être classé
La lutte des classements : une polémique perpétuelle