Catégorie : Dans le métro
Message à tous les voyageurs
Un besoin de penser à autre chose nous oblige à ralentir le service sur la ligne l’Oreille tendue.
Le service reprendra sous peu.
Merci de votre compréhension.
Capotez-vous ?
Il est des mots qui peuvent dire une chose et son contraire. Ainsi, au Québec, d’écœurant, parfois synonyme de très bien, parfois pas du tout.
Capoter est un cas semblable. Voici comment l’Oreille tendue codéfinissait le terme en 2004 dans le Dictionnaire québécois instantané :
1. Beaucoup apprécier, voire tomber en extase. En écoutant le dernier album de Céline, j’ai capoté. Voir débile, extrême, full, hyper, masse (en ~), max, méchant, méga, moyen, os (à l’~), pas à peu près, phat, planche (à ~), super, torcher et über.
2. Devenir fou de rage. En écoutant le dernier album de Céline, j’ai capoté. Voir coche (sauter une ~) et fils (avoir deux ~ qui se touchent) (p. 35).
Pourquoi rappeler cela aujourd’hui ? À cause de ce tweet :
Entendu à la SAQ (à propos d'un vin): «J'ai capoté ma vie.»
— Nicolas Guay (@machinaecrire) December 17, 2016
Outre l’emploi absolu (J’ai capoté) et l’emploi intransitif (J’ai capoté sur l’album de Céline), il existerait donc un emploi transitif (J’ai capoté ma vie), qu’on pourrait rapporter au modèle de J’ai pleuré ma vie.
C’est toujours bon à savoir.
[Complément du 9 février 2020]
Les anglophones (et les autres) apprécieront le tableau ci-dessus, vu sur Twitter.
English: I'm freaking out
Quebec French: je capoteEnglish: I'm so angry
Quebec French: je capoteEnglish: I'm so happy
Quebec French: je capoteEnglish: I'm losing my grip on reality
Quebec French: je capoteEnglish: my car is rolling over
Quebec French: je capote— Alex Zandra ? Year Of The Mouse (@zandravandra) February 7, 2020
Référence
Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha.
Troubles du sommeil
L’Oreille tendue est de celles qui peuvent dormir partout : en voiture, sur la chaise du dentiste, au théâtre — voire dans son lit. Pour elle, le sommeil est généralement réparateur.
C’est à cela qu’elle pensait devant cette publicité du métro de Montréal :
Le personnage en robe de chambre, contrairement à l’Oreille, a manifestement passé une mauvaise nuit : il a dormi sur la corde à linge. La preuve : le matin venu, il y est encore accroché, le café à la main, l’air peu fringant.
On lui souhaite de connaître de meilleurs dodos, et, surtout, bien sûr, que la «literie biologique» y contribue.
[Complément du 22 septembre 2017]
Exemple romanesque emprunté au Michel Tremblay de la Grande Mêlée (2011) :
Elles n’avaient pas vieilli d’un seul jour alors que lui, il en était conscient, s’était détérioré au fil des années à cause des abus qu’il avait infligés à son corps — la boisson, d’innombrables nuits sur la corde à linge, les femmes faciles, le laudanum et même un peu d’absinthe, le poison des poètes, en fait tout ce que la grande ville peut offrir à un homme qui souffre et qui veut oublier (éd. de 2017, p. 673).
[Complément du 29 mai 2020]
Hypothèse étymologique :
Ma grand-mère disait que l’expression “dormir sur la corde à linge” venait des dortoirs à 5¢ pendant la crise de 1929. On y dormait assis sur un banc en s’appuyant sur une corde qui était retirée au matin. pic.twitter.com/qNxX5yMaC7
— Gilles Desjardins (@desjardinsg) May 29, 2020
[Complément du 19 septembre 2020]
Dès 1904, pourtant, sous la plume de Rodolphe Girard, dans le roman Marie Calumet, on pouvait lire : «Ne m’en parle pas. Je me sens les cheveux à pic comme des clous, et les côtes sur le long comme si j’avais dormi sur la corde à linge» (éd. de 2020, p. 33).
Références
Girard, Rodolphe, Marie Calumet. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 142, 2020 (1904), 305 p. Édition, postface & chronologie par Jean-Philippe Chabot.
Tremblay, Michel, la Grande Mêlée (2011), dans la Diaspora des Desrosiers, préface de Pierre Filion, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p.
Interrogation juridique du jour
La Société de transport de Montréal a une bien étrange conception de la langue au Québec.
L’Oreille tendue a déjà déploré, sur les réseaux sociaux et dans le quotidien le Devoir, que la STM impose aux abonnés de ses fils Twitter des messages toujours en double, l’un en français, l’autre en anglais. Que les messages existent dans les deux langues ne l’ennuie pas. Être obligée de les recevoir dans les deux langues, si.
L’autre jour, dans le métro, l’Oreille tombe sur cette affiche, uniquement en anglais :
Question : la Charte de la langue française ne s’applique donc pas dans le métro de Montréal ?