Autopromotion 216

Portrait d’Adolf Hitler

Hier, l’Oreille tendue a été interviewée à la télévision de Radio-Canada, par Louis-Philippe Ouimet, sur l’entrée de Mein Kampf dans le domaine public.

On peut (ré)entendre l’entretien ici et le (re)voir .

Les si n’aiment pas les rait, dit-on

Sophie Bienvenu, Chercher Sam, 2014, couverture

 

«C’était la première fois que je pleurais depuis des années. Faut croire que là, j’avais trouvé une source.

J’étais plus capable d’avancer tellement les larmes me prenaient de force.

Ma mère m’a pris dans ses bras. Je me suis laissé aller. Je crois même que je gémissais dans son cou comme un kid. Elle disait “allez, allez… pleure pas, va”, en me frottant le dos.

J’avais le nez collé dans le creux de son épaule, ça faisait une tache de morve sur son manteau de laine noire.

“Maman, si j’aurais su…”, je gémissais.

J’avais tellement la face collée sur elle qu’elle comprenait pas ce que je disais. Elle m’a demandé de répéter. J’ai répété.

Elle a écarquillé les yeux et elle a eu un mouvement de recul.

“C’est ça, j’avais bien entendu. On dit ‘si J’AVAIS su’. Pas ‘si j’aurais’. Enfin c’est pas avec Karine que tu vas apprendre à parler français correctement, certain. Allez viens-t’en, le cortège va partir sans nous, le corbillard attend.”

Soudainement, j’ai eu le goût de vomir.

J’ai serré les poings et les dents.

J’ai rien dit en chemin vers le cimetière. J’ai rien entendu non plus.»

Sophie Bienvenu, Chercher Sam. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2014, 169 p., p. 62.

 

[Complément du 21 août 2022]

Le vêtement idéal pour illustrer cette citation ?

«Les scies j’aurais», t-shirt

Sus aux nuisibles

En voyage en France il y a cinq ans, l’Oreille tendue a découvert l’existence de la «Lutte raisonnée contre les nuisibles».

C’est à cette lutte qu’elle a pensé en prenant connaissance, sur le site de l’hebdomadaire Marianne, de l’article «“Bon courage !” et autres tics de langage dans l’air du temps» (30 décembre 2015). Daniel Bernard, Élodie Émery et Anne Rosencher y partent à la chasse — entreprise inutile mais roborative — aux «formules et expressions en vogue».

Bilan.

Il faudrait user avec parcimonie de la formule de salutation «Bon courage», de «Je reviens vers vous», de la litote «C’est pas faux», de «Entre mille guillemets» (parfois confondu avec «Entre parenthèses»), de l’adverbe «Carrément», de «Vite fait», de «Belle journée» (voir «Bon courage») et «du pronom possessif dans les conversations («Je le connais, mon Paul»). Dans la liste de Marianne se trouvent quelques rengaines repérées par l’Oreille et ses lecteurs il y a jadis naguère : «En mode», «(J’)Avoue» (fréquent chez «les jeunes»), «Être sur» (ici et ), «Pas de souci».

L’an prochain, on recommencera.

P.-S. — Merci à @revi_redac pour le lien.

Finalement

Un collègue de l’Oreille tendue, croulant sous les corrections, lui écrit ceci :

Pourquoi les gens ont-ils décidé que l’adverbe «finalement» n’existait plus ? Pourquoi «en définitive» est-elle devenue une expression obsolète ? […] «Au final» est devenu au Québec ce qu’est «pas de souci» en France : une ponctuation. Bon je me calme.

«Au final», donc.

Ce collègue n’est pas seul à avoir remarqué sa prolifération, au Québec comme en France. Antoine Perraud a consacré sa chronique du 25 octobre 2015 sur France Culture à ce «tic de langage». Le Monde publiait, le 7 février 2014, un article de Didier Pourquery intitulé «Pour en finir avec l’expression “au final”».

La récrimination est généralisée : pas de doute là-dessus.

Signalons cependant le flair de James Grieve, qui a publié un article savant sur le sujet. Son incipit : «A new connective structure has recently evolved in French : au final.» Quand a-t-il annoncé cette évolution «récente» ? En 1995.

 

[Complément du jour]

Oups ! L’Oreille allait oublier ce texte de François Bon.

 

Référence

Grieve, James, «Au final : A Connector in the Making», Cahiers AFLS, 1, 1, printemps 1995, p. 18-23. http://afls.net/cahiers/1.1/grieve.pdf