Quatrième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Jules Verne, les Enfants du capitaine Grant, couverture

Comparaison

Définition

«On rapproche deux entités quelconques du même ordre, au regard d’une même action, d’une même qualité, etc. Développée, la comparaison est un parallèle; limitée à un rôle expressif, c’est la comparaison figurative […], avec ses diverses formes poétiques […], parfois aussi polémiques […]» (Gradus, éd. de 1980, p. 121).

Mise en garde

«J’en étais sûr ! reprit le savant d’un air de satisfaction. Cela n’a pas empêché le plus orgueilleux des gens modestes, mon illustre compatriote Chateaubriand, d’avoir fait cette comparaison inexacte entre les flamants et les flèches ! Ah ! Robert, la comparaison, vois-tu bien, c’est la plus dangereuse figure de rhétorique que je connaisse. Défie-t’en toute la vie, et ne l’emploie qu’à la dernière extrémité» (Jules Verne, les Enfants du capitaine Grant, chapitre XX).

 

Références

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Verne, Jules, les Enfants du capitaine Grant, édition numérique, Project Gutenberg, 2004. Édition originale : 1868.

100 % prévisible

Il y a des expressions toutes faites dont on peut être sûr qu’elles seront toujours au rendez-vous.

Fussent-elles syndicalement ou contractuellement statutaires, les vacances sont toujours bien méritées.

Au hockey, l’intervention chirurgicale est toujours délicate (merci à Ronald King, la Presse, 16 février 2011, cahier Sports, p. 6).

Les sociétés modernes en souffriraient, mais c’est comme ça : l’individualisme est toujours forcené (merci à @PimpetteDunoyer et à @melinelanouille).

Dans la vie civile, les fédérations sont souvent puissantes. Dans la politique (socialiste) française, il faut toujours dire la «puissante fédération des Bouches-du-Rhône» (merci à @yogen_).

 

[Complément du 21 juin 2016]

Le carnaval ne peut être que rabelaisien.

Où se développe-t-on ? À l’international.

La richesse ? Il faut la créer.

La grande dame l’est de la culture (ou d’une pratique artistique : le cinéma, la danse, etc.).

La passionara ? De l’indépendance, du moins au Québec.

L’art du portrait : la continuation

Christian Gailly, les Évadés, 2010, couverture

«Le chauffeur Franck, un petit sournois, le type même de l’âme damnée, un vicieux, surtout le regard, des yeux bleus d’agité, toujours à ricaner, un malin, avec sa casquette de larbin en arrière et de biais bichonnait la Bentley.»

Christian Gailly, les Évadés, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 65, 2010, 234 p., p. 89-90. Édition originale : 1997.

Parler avec ses poings

Ruban, Olympiques Juniors, Banque royale, Canada, 1974

En sa tendre jeunesse — c’était au siècle dernier —, l’Oreille tendue a tâté du noble art. Pour cause de flux sanguin indomptable, sa carrière fut de courte durée et elle s’est terminée sur une fiche éloquente de 0 – 1 – 0.

L’Oreille tendue — ce qui en jette moins, il est vrai, que «L’ange du ring» ou que «The Italian Stallion» — ne s’est pourtant pas complètement désintéressée de la boxe pour autant, mais elle a préféré l’approcher culturellement (cinéma, littérature, arts plastiques) et linguistiquement.

Il y a en effet un vocabulaire de la boxe. Son lexique propre est facile à repérer : jab, uppercut, direct, swing, crochet, ring, round (ou ronde), reprise. Plus intéressantes sont les expressions idiomatiques liées à cette forme de pugilat.

Deux exemples.

Les boxeurs n’ont pas d’entourage, pas d’équipe. Ils ont un clan. Exemple : Robert Frosi, le Clan Hilton. Autopsie d’un gâchis (Montréal, Logiques, 2003, 176 p. Préface de Gilles Proulx).

On ne pèse pas les boxeurs en kilos, mais en livres. Mieux : cette unité permet de mesurer les athlètes — X fait la limite de 168 livres — et de les comparer entre eux au-delà des catégories établies — «Les deux hommes, considérés comme les meilleurs pugilistes livre pour livre au monde, ont tenté à de nombreuses reprises d’en arriver à une entente pour présenter le combat de plus lucratif de l’histoire de la boxe professionnelle, en vain» (la Presse, 17 juin 2011, cahier Sports, p. 6).

Livre pour livre ? On s’étonne que cet étalon ne serve pas en littérature : Y et Z sont les deux meilleurs écrivains du monde, livre pour livre.

Le temps ne suspend pas son vol, bis

Dans le Devoir du 24 mai, Stéphane Baillargeon se pose une question : «Les journaux vont-ils réussir le virage vers les tablettes ?» (p. B8). Pour répondre à sa question, il donne quelques statistiques, dont celles-ci :

Seulement, le monde des tablettes et des téléphones dits intelligents s’affirme de plus en plus. Le mouvement de bascule a germé il y a une décennie et s’est accéléré il y a une décade. Environ 80 millions d’Américains possèdent maintenant au moins trois appareils du genre et 4,5 millions en ont plus de neuf !

L’Oreille tendue est un brin troublée par la chronologie.

Soit, comme une décade dure dix jours, ni plus ni moins, quelque chose de révolutionnaire se serait passé entre le 14 et le 23 mai. (Une chose est sûre : ça a échappé à l’Oreille.)

Soit l’auteur a cédé à ce que le Petit Robert (édition numérique de 2010) appelle un «Anglic. critiqué» : le fait de penser qu’une décade dure dix ans et de la confondre avec une décennie. Mais alors, ce qui a «germé il y a une décennie» se serait «accéléré il y a une [décennie]» ?

Quoi qu’il en soit, tout ça n’est pas de la première clarté.