Mort aux complexes !

«Ballerine décomplexée», la Presse+, 1er mars 2017

Depuis quelques mois, l’Oreille tendue s’est mise à la chasse à l’épithète décomplexé. Elle a même prédit que ce pourrait être un des mots de 2017. Allons-y voir de nouveau.

Qu’est-ce qui peut être décomplexé ?

Une personne, bien sûr.

Une ballerine (la Presse+, 1er mars 2017).

Mais, surtout, des choses moins tangibles.

Des confidences (le Devoir, 1er mars 2017, p. B8).

La diversité (en colloque universitaire).

Une entrevue (@hugopilonlarose).

La prononciation du mot fuck (le Devoir, 31 décembre 2016, p. E1).

Des «paroles extrêmes» (la Presse+, 31 décembre 2016).

Une société (la Presse+, 16 décembre 2016).

Un style (la Presse+, 4 novembre 2016).

Des poètes (le Devoir, 1er-2 octobre 2016, p. C8).

Une écriture (@recruedumois).

Arrêtons-nous pour l’instant à ces dix occurrences, continuons à tendre l’oreille et restons décomplexés. Il semble que ce soit bien.

 

[Complément du 6 septembre 2020]

Et une glande.

«Procure décomplexe la prostate», slogan publicitaire, septembre 2020

Autoportrait du jour

Portrait de Laurent Duvernay-Tardif par Chris Donahue

Les amateurs de sport savent au moins quatre choses au sujet de Laurent Duvernay-Tardif : il est joueur de ligne offensive pour les Chiefs de Kansas City — c’est du football américain; il occupe beaucoup d’espace — 145 kilos sur 1,95 mètre; il étudie la médecine; il vient de signer un contrat de plusieurs saisons pour plusieurs millions de dollars.

Le Devoir du jour nous apprend qu’il a aussi le sens de l’autoportrait : «Je vais devoir faire un travail de réflexion dans les prochaines semaines, les prochains mois, essayer de réaliser ce que ça représente. [En même temps], je suis le même gars, le gars semi un peu tout croche qui est toujours partant pour faire un million de projets» (p. B4).

«Semi un peu tout croche» ? Joli.

Photo : Chris Donahue

L’oreille de Daniel Pennac

Daniel Pennac. le Cas Malaussène. I, 2017, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du plus récent ouvrage de Daniel Pennac :

Et je me revois empruntant le vocabulaire famélique de Tobias, adoptant cette espèce de maniérisme commercialo-administratif auquel Mélimé et lui nous ont habitués dès nos premiers jours (des histoires où l’on ne «tombe» pas mais où l’on «chute», où l’on ne «fait» pas mais où l’on «effectue», où l’on ne «meurt» pas mais où l’on «décède», où les «occasions» sont des «opportunités», où les événements ne vous «touchent» pas mais vous «impactent…», où l’on ne vous «répond» pas mais où l’on «revient vers vous»).

Merci à Luc Jodoin d’avoir tendu l’oreille et d’avoir repéré cette citation. Il a eu raison de penser que l’Oreille tendue allait se régaler.

 

Référence

Pennac, Daniel, le Cas Malaussène. I. Ils m’ont menti, Paris, Gallimard, 2016. Édition numérique.