L’oreille tendue de… François Hébert

François Hébert, Pour orienter les flèches, 2002, couverture

«Je tends l’oreille, comme un élastique. Au bout, des paysages m’apparaissent.
Chaque matin, je débarque sur la lune.»

François Hébert, Pour orienter les flèches. Notes sur la guerre, la langue et la forêt, Montréal, Trait d’union, coll. «Échappées», 2002, 221 p., p. 72.

Autopromotion 768

«Anatomie», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, seconde planche XXII

La 614e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 72 376 titres.

À partir de cette page, on peut interroger l’ensemble des livraisons grâce à un rudimentaire moteur de recherche et soumettre soi-même des titres pour qu’ils soient inclus dans la bibliographie.

Illustration : «Anatomie», deuxième volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, seconde planche XXII

Lançons-nous

Anne-Marie Beaudoin-Bégin, la Langue rapaillée, 2015, couverture

Le Petit Robert (édition numérique de 2018) connaît deux sens du mot garrocher, propre à la langue familière du Québec : lancer; se précipiter.

Lancer ? Exemple en titre de chronique : «De l’art de garrocher un livre» (le Romancier portatif, p. 89-92).

Se précipiter ? Exemple poétique chez Marie-Hélène Voyer ici. Exemple en prose : «on s’est tous garrochés» (Des histoires d’hiver, p. 10).

Ajoutons un troisième sens, proche du premier : jeter, voire se débarrasser de. Exemple romanesque : «Si j’avais deux cent mille de plus à garrocher en rénovations pis dix ans de ma vie à mettre là-dedans» (Arvida, p. 257).

Le mot a déjà cours au XIXe siècle, mais en un usage un brin différent : «Une gang s’est mise après moi et ils m’ont garoché avec des cailloux» (les Mystères de Montréal, p. 45).

À votre service.

P.-S.—Garocher ou garrocher ? Anne-Marie Beaudoin-Bégin propose une mise au point utile dans la Langue rapaillée (p. 60-62).

 

Références

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2015, 115 p. Ill. Préface de Samuel Archibald. Postface de Ianik Marcil.

Berthelot, Hector, les Mystères de Montréal par M. Ladébauche. Roman de mœurs, Québec, Nota bene, coll. «Poche», 34, 2013, 292 p. Ill. Texte établi et annoté par Micheline Cambron. Préface de Gilles Marcotte.

Dickner, Nicolas, le Romancier portatif. 52 chroniques à emporter, Québec, Alto, 2011, 215 p.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Du travail, en mineur

 

Affichette «Help Wanted»

Nous avons déjà croisé, dans des épisodes antérieurs de nos aventures (ici et ), la job — au Québec, au féminin.

Le mot n’est pas particulièrement connoté : «C’est sa job» ne contient pas de jugement implicite sur la nature du travail évoqué.

En revanche, jobine n’est jamais mélioratif.

«Jakob le vaurien se pointa calmement quelque quinze minutes après avoir reçu le coup de fil de Jacqueline. Faut dire qu’il n’avait ni travail régulier ni passion le retenant, ni chez lui ni ailleurs, alors quand le chef le convoquait, il pouvait supposer que peut-être il y aurait pour lui une petite jobine ou au moins une anecdote croustillante à se mettre sous la dent» (Chroniques de Kitchike, p. 128).

«La plupart d’entre nous avaient des parents qui cumulaient plusieurs jobines, et d’autres étaient dans des milieux illégaux» (Montréal-Nord, p. 87).

La différence entre la job (le travail, l’emploi) et la jobine est nette.

«Cet emploi m’apportait un revenu peu spectaculaire mais régulier, que je complétais par diverses jobines de révision, lot habituel des littérateurs désœuvrés» (le Continent de plastique, p. 234).

«Parmi mille et une jobines usantes et mal payées qu’ils ont dû se taper au fil des années, [mes parents] ont subsisté en faisant, en plus de leurs emplois de jour, le ménage dans une banque» (Là où je me terre, p. 70).

«Mais j’aimais tellement sortir et découvrir de nouvelles tanières que j’ai fini par lâcher mes jobs de bar pour les remplacer par des jobines de jour à gauche et à droite» (les Racines secondaires, p. 36).

«Enseigner était mon premier vrai travail. Après des années de pige, de jobines, de combines et d’expédients, j’entrais dans ma trentaine avec une vie tranquille et, tous les deux jeudis, je recevais une paie qui comprenait des cotisations et des assurances» (Cabale, p. 15).

Dans le Supplément 1981 à son Dictionnaire de la langue québécoise, Léandre Bergeron choisit la graphie jobbine («(pron. djobine). n.f. — Emploi peu intéressant et peu payant. — Emploi temporaire ou sporadique», p. 114), avec deux b. On ne voit pas bien pourquoi.

La jobine est le contraire de la «job steady» (régulière) et du «bon boss» (patron), jadis vantés (ironiquement) par Yvon Deschamps.

P.-S.—En effet, «petite jobine» (Chroniques de Kitchike, p. 128) paraît pléonastique.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Dawson, Caroline, Là où je me terre. Roman, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2022, 201 p. Édition originale : 2020.

Delisle, Michael, Cabale. Roman, Montréal, Boréal, 2023, 124 p.

Fortier, Vincent, les Racines secondaires. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2022, 182 p. Ill.

Mazza, Mariana, Montréal-Nord, Montréal, Québec Amérique, coll. «QA récit», 2022, 204 p.

Picard-Sioui, Louis-Karl, Chroniques de Kitchike. La grande débarque. Nouvelles, Wendake, Éditions Hannenorak, 2021, 173 p. Édition originale : 2017.

Turgeon, David, le Continent de plastique. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 16, 2017, 298 p. Édition originale : 2016.