Chantons la langue avec La Rue Kétanou

La Rue Kétanou, En attendant les caravanes, 2000, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

La Rue Kétanou, «Les mots», En attendant les caravanes, 2000

 

Approchez, approchez Mesdames et Messieurs
Car aujourd’hui grande vente aux enchères
Dans quelques instants mes deux jeunes apprentis saltimbanques
Vont vous présentationner des… mots

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des gros mots pour les grossistes
Des maux de tête pour les charlatans
Des jeux de mots pour les artistes
Des mots d’amour pour les amants
Des mots à mots pour les copieurs
Des mots pour mots pour les cafteurs
Des mots savants pour les emmerdeurs
Des mobylettes pour les voleurs

Aujourd’hui grande vente aux enchères
On achète des mots d’occasion
Des mots à la page et pas chers
Et puis des mots de collection

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des morues pour les poissonniers
Et des mochetés pour les pas bien beaux
Des mots perdus pour les paumés
Des mots en l’air pour les oiseaux
Des mots de passe pour les méfiants
Et des mots clés pour les prisonniers
Des mots pour rire pour les enfants
Des mots tabous pour l’taboulé

Aujourd’hui grande vente aux enchères
On achète des mots d’occasion
Des mots à la page et pas chers
Et puis des mots de collection

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des mots croisés pour les r’traités
Et des petits mots pour les béguins
Des mots d’ordre pour les ordonnés
Des mots fléchés pour les Indiens
Des momies pour les pyramides
Des d’mi-mots pour les d’mi-portions
Des mots courants pour les rapides
Et le mot de la fin pour la chanson

 

L’oreille tendue de… Claude Ferland Milewski

Claude Ferland Milewski, la Pieuvre, 2023, couverture

«On ne dit pas un mot, on sait que l’heure est grave. On écoute les pas de la police nationale se diriger vers nous. Silence. On tend l’oreille vers le ciel pour entendre les hélicoptères qui nous ont repérés. Silence. On commence à se détendre le tendu.»

Claude Ferland Milewski, la Pieuvre, Montréal, Boréal, 2023, 312 p., p. 29.

 

P.-S.—Notons, si vous le voulez bien, l’expression «se détendre le tendu». Foi d’Oreille, elle est assez bien tournée.

Chantons la langue avec Francine Raymond

Francine Raymond, les Années lumières, 1993, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Francine Raymond, «Y a les mots», les Années lumières, 1993

 

Y a les mots qui amusent et ceux qui abusent
Les mots qui blessent comme autant de morsures
Les mots qu’on pleure et crache en venin dans le chagrin
Et ceux qu’on échange en poignées de main

Y a les mots qui nous lient sous le sceau du secret
Et ceux qui déchirent et séparent à jamais
Les mots qui nous hantent pour un instant de folie
Et ceux qui disparaissent dans l’oubli

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Y a les mots qu’on soupire pour passer aux aveux
Ceux qu’on murmure pour mieux parler à son Dieu
Les mots qui frappent pour nous aider à tout comprendre
Et ceux qu’on échappe qu’on aimerait bien reprendre

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Dans tous ces mots
Oh oh oh oh
Oh oh oh oh
Oh oh oh oh
Au bout des chaînes
Là où y a les mots

 

Autopromotion 805

«Architecture et parties qui en dépendent. Septième partie», premier volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planches XXXI

La 643e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

La bibliographie existe depuis le 16 mai 1992. Elle compte 75 400 titres.

À partir de cette page, on peut interroger l’ensemble des livraisons grâce à un rudimentaire moteur de recherche et soumettre soi-même des titres pour qu’ils soient inclus dans la bibliographie.

Illustration : «Architecture et parties qui en dépendent. Septième partie», premier volume des planches de l’Encyclopédie, Paris, 1762, planche XXXI

Les David Lynch de François Hébert

François Hébert, «David Lynch», collage
François Hébert, «David Lynch», collage, collection particulière

L’écrivain québécois François Hébert (1946-2023) s’intéressait au cinéaste David Lynch. Déjà, en 1985, celui-ci apparaissait, sous sa plume, dans Monsieur Itzago Plouffe (pour l’Homme-éléphant, p. 63). On le croisera ensuite dans Pour orienter les flèches (Blue Velvet, p. 93) et dans Des conditions s’appliquent (Mulholland Drive, p. 39). Il sera plusieurs fois questions de lui dans Frank va parler : pour ses films (Blue Velvet, p. 29, p. 35; Mulholland Drive, p. 135), pour sa série télévisée (Twin Peaks, p. 30, p. 72, p. 83), pour un film de son fils, John, dans lequel il joue (Lucky, p. 30-32). Hébert fait, pour l’occasion, le portrait de Lynch, sous forme d’autoportrait :

C’est mon semblable, ce Lynch aux cheveux en brosse irrégulière dressés sur la tête comme un vieux pinceau, on a le même âge, sinon la même tronche, car j’ai plutôt une tête d’œuf. Le cinéaste est peintre, ça vous change le mal de place. Et je suis poète aux heures perdues, et presque toutes le sont ces temps-ci (p. 29).

François Hébert pratiquait aussi l’art du collage : «J’en ai fait un assemblage artistique avec des objets divers, presque digne d’un altruiste» (p. 30). Oui, c’est l’illustration ci-dessus.

David Lynch vient de mourir.

 

Références

Hébert, François, Monsieur Itzago Plouffe, Québec, Éditions du Beffroi, 1985, 96.

Hébert, François, Pour orienter les flèches. Notes sur la guerre, la langue et la forêt, Montréal, Trait d’union, coll. «Échappées», 2002, 221 p.

Hébert, François, Des conditions s’appliquent. Poèmes, Montréal, L’Hexagone, 2019, 75 p.

Hébert, François, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p.