Pour la 247e livraison de la bibliographie du XVIIIe siècle de l’Oreille tendue, parue aujourd’hui, c’est là.
Lectures du troisième tour
«Les Canadiens encore champions
Pis les Rangers en dernier»
Les Jérolas, «La chanson du hockey», 1960
Troisième match ce soir de la finale d’association — celle de l’est — entre les Canadiens de Montréal et les Rangers de New York — c’est du hockey. Que lire qui concerne les deux organisations ?
Il faut commencer par le récit, signé William Faulkner, de son premier match de hockey, au Madison Square Garden, entre le Bleu-blanc-rouge et les Blue Shirts, en 1955, à la demande de Sports Illustrated. Faulkner est frappé par la rapidité du jeu et par sa grâce, et par son insaisissable logique. De la masse des joueurs, il ne distingue que trois physionomies : Bernard Geoffrion, en garçon précoce; Edgar Laprade, en bon et élégant vétéran; Maurice Richard, le mythique ailier droit des Canadiens. Comment perçoit-il ce dernier ? Les trois joueurs sont d’abord saisis ensemble, et Faulkner souligne leur fluidité et leur vitesse : ils sont «as fluid and fast and effortless as rapier thrusts or lightning». Plus particulièrement, Richard lui apparaît «with something of the passionate glittering fatal alien quality of snakes». La passion y est («passionate»), la lumière («lightning», «glittering»), le danger («rapier thrusts»), voire la mort («fatal»). Mais il y a aussi quelque chose («something») d’étranger en Richard («alien»), et ce quelque chose fait penser aux serpents («snakes»). Il faut être un prix Nobel de littérature comme Faulkner pour enchaîner de pareils qualificatifs et arriver à une image à ce point déconcertante; il faut être un grand romancier si l’on veut se tenir à l’écart des images et des comparaisons toutes faites de la prose sportive.
Le match des étoiles de François Gravel (1996) est le roman le plus fin sur Maurice Richard. Dans ce court texte où les gloires du passé reviennent, le temps d’un match, affronter celles d’aujourd’hui, il est facile de discerner l’ex-numéro 9 : «Quiconque a déjà croisé le regard de Maurice Richard quand il est fâché sait à quel point le spectacle est impressionnant» (p. 44-45); «Ce n’était pas du feu qu’il avait dans les yeux, mais de véritables volcans en éruption» (p. 67). Ce match fantastique se déroule à New York.
Pour rester dans la littérature jeunesse, on se souviendra que les matchs de Compte à rebours à Times Square de Roy MacGregor (2000) se déroulent au Madison Square Garden.
Avant de jouer pour les Rangers de New York, Rick Nash portait les couleurs des Blue Jackets de Columbus. C’est sous cet uniforme qu’on le retrouve dans la Ballade de Nicolas Jones (2010), de Patrick Roy (non, pas le gardien de but), un roman où le hockey est très subtilement tressé au tissu narratif. Leitmotiv ? Le narrateur a «le blues de Rick Nash». (Pas les partisans des Canadiens ces jours-ci.)
Plus banalement, on peut lire des livres sur des joueurs qui ont porté les couleurs des deux équipes : Bernard Geoffrion (Geoffrion et Fischler, 1997), Doug Harvey (Brown, 2002), Guy Lafleur (Saint-Cyr, 2002; Santerre, 2009; Ouin et Pratte, 2010; Pelletier, 2013; Tremblay, 2013), Jacques Plante (O’Brien et Plante, 1972; Plante, 1996; Leonetti, 2004; Denault, 2009) et Gump Worsley (Worsley et Moriarty, 1975).
P.-S. — Le passage sur William Faulkner est repris par l’Oreille tendue de son ouvrage intitulé les Yeux de Maurice Richard (2006).
Références
Brown, William, Doug. The Doug Harvey Story, Montréal, Véhicule Press, 2002, 288 p. Ill.
Denault, Todd, Jacques Plante. The Man who Changed the Face of Hockey, Toronto, McClelland & Stewart, 2009, 326 p. Ill. Foreword by Jean Béliveau; Jacques Plante. L’homme qui a changé la face du hockey, Montréal, Éditions de l’Homme, 2009, 448 p. Ill. Traduction de Serge Rivest, avec la collaboration de Claude Papineau et Guy Rivest. Préface de Jean Béliveau.
Faulkner, William, «An Innocent at Rinkside», Sports Illustrated, 2, 4, 24 janvier 1955, p. 14-15. Repris dans Bryant Urstadt (édit.), The Greatest Hockey Stories Ever Told. The Finest Writers on Ice, Guilfdord, The Lyons Press, 2004 et 2006, p. 121-124. Il existe une version différente de ce texte, établie sur un tapuscrit. Elle est publiée dans William Faulkner, Essays, Speeches & Public Letters, édition de James B. Meriwether, Londres, Chatto & Windus, 1967 (1965), p. 48-51 et dans Robert J. Higgs et Neil D. Isaacs (édit.), The Sporting Spirit. Athletes in Literature and Life, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1977, p. 164-166. Elle a été traduite sous le titre «Réflexions d’un profane au bord de la patinoire», dans William Faulkner, Essais, discours et lettres ouvertes, ouvrage établi par James Meriwether et traduit de l’anglais par J. et L. Bréant, Paris, Gallimard, coll. «Du monde entier», 1969, p. 67-71.
Geoffrion, Bernard et Stan Fischler, Boum Boum. The Life and Times of Bernard Geoffrion, Toronto, McGraw-Hill Ryerson Limited, 1997, xiii/271 p. Ill.; Boum Boum Geoffrion, Montréal, Éditions de l’Homme, 1996, 365 p. Ill. Traduction de Jacques Vaillancourt.
Gravel, François, le Match des étoiles, Montréal, Québec/Amérique jeunesse, coll. «Gulliver», 66, 1996, 93 p. Préface de Maurice Richard.
Leonetti, Mike, The Goalie Mask, Vancouver, Raincoast Books, 2004, s.p. Illustrations de Shayne Letain; le Gardien masqué, Markham, Scholastic, 2004, s.p. Illustrations de Shayne Letain. Traduction de Louise Binette.
MacGregor, Roy, Compte à rebours à Times Square, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 9, 2005, 162 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2000.
Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.
O’Brien, Andy, with Jacques Plante, The Jacques Plante Story, Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1972, 161 p. Ill.
Ouin, Christine et Louise Pratte, Guy Lafleur, Saint-Bruno-de-Montarville, Éditions Goélette, coll. «Minibios», 2010, 71 p. Ill.
Pelletier, Pierre-Yvon, Guy Lafleur, la légende. L’album photo du démon blond, Montréal, Editions de l’Homme, 2013, 206 p. Ill.
Plante, Raymond, Jacques Plante. Derrière le masque, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Les grandes figures», 9, 1996, 221 p. Ill.
Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.
Saint-Cyr, Yves, Guy Lafleur. Le dernier des vrais !, Montréal, Éditions Trait d’union, 2002, 149 p. Ill. Préface de Guy Lafleur.
Santerre, David, Guy Lafleur. Gloire et persécution, New York, Montréal et Paris, Éditions Transit Média, coll. «À découvert», 2009, 220 p. Ouvrage établi sous la direction de Stéphane Berthomet.
Tremblay, Yves, Guy Lafleur. L’homme qui a soulevé nos passions, Brossard, Un monde différent, 2013, 208 p. Ill. Préface de Guy Lafleur.
Worsley, Gump, with Tim Moriarty, They Call Me Gump, New York, Dodd, Mead, 1975, xii/176 p. Ill.
Autopromotion 119
«Après quoi les Lumières sérieuses et méthodiques
allaient repenser tous ces acquis en profondeur […].»
Jean Echenoz, Caprice de la reine
Le 16 mai 1992, l’Oreille tendue publiait sa première bibliographie électronique du XVIIIe siècle.
La 246e livraison a été servie tout à l’heure, vingt-deux ans plus tard. Elle se trouve de ce côté.
Référence
Echenoz, Jean, Caprice de la reine. Récits, Paris, Éditions de Minuit, 2014, 121 p.
Autopromotion 117
Une nouvelle livraison de la bibliographie du XVIIIe siècle de l’Oreille tendue, la 245e, est là.
La bibliothèque idéale de l’amateur de baseball
«Le baseball, comme le cinéma,
est une sculpture du temps.»
Daniel Canty
Le 31 octobre 2013, l’Oreille tendue proposait sa liste de titres de livres pour constituer la bibliothèque idéale de l’amateur de hockey. Ci-dessous, rebelote, mais pour le baseball. Il y a bien sûr plus de livres pour le baseball que pour le hockey.
Roger Angell, Late Innings. A Baseball Companion (1982).
Pour découvrir la prose de l’inventeur du palindrome «Not so, Boston».
Nicholas Dawidoff, The Catcher Was a Spy. The Mysterious Life of Moe Berg (1994).
Pour constater qu’il est des gens aussi bizarres que les gardiens de but au hockey : les receveurs au baseball. Particulièrement ce receveur-là.
Stephen Jay Gould, Triumph and Tragedy in Mudville. A Lifelong Passion for Baseball (2003).
Pour apprécier le fait que la paléontologie mène à tout.
David Homel, Rat Palms (1992).
Pour lire la scène où le narrateur sait ce qui va arriver à son père quand il va se présenter au bâton.
Jonah Keri, Up, Up, & Away. The Kid, The Hawk, Rock, Vladi, Pedro, Le Grand Orange, Youppi !, The Crazy Business of Baseball, & the Ill-fated but Unforgettable Montreal Expos (2014).
Pour ne pas oublier les Expos.
Ring Lardner, You Know Me Al (1916).
Pour marier art de la lettre et art du baseball.
Michael Lewis, Moneyball. The Art of Winning an Unfair Game (2003).
Pour ne plus jamais voir le baseball du même œil.
Arnold Rampersad, Jackie Robinson. A Biography (1997).
Pour continuer à admirer Jackie Robinson.
Philip Roth, The Great American Novel (1973).
Pour comprendre ce qu’est un «inside the mouth grand slam home run». (Et pour les allitérations.) (Et pour tout le reste.)
George F. Will, Men at Work. The Craft of Baseball (1990).
Pour être obligé d’être d’accord avec un chroniqueur conservateur.
Vos suggestions ?
Référence
Canty, Daniel, «Tintin dans la Batcave. Aventures au pays de Robert Lepage, épisode 7», Liberté, 295 (53, 3), avril 2012, p. 63-79. https://id.erudit.org/iderudit/63792ac