Chantons la langue avec Michel Leeb

Michel Leeb, le Tombeur, 1986, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Michel Leeb, «Le tombeur», 1986

 

Je sais leur dire les mots
Qui les mènent en bateau
Qui transforment le ciel gris
En soleil de Rio

Je sais leur faire la cour
Sans leur parler d’amour
Et après trois quarts d’heure
Elles m’appellent au secours

Je sais rimer Venise
Avec la tour de Pise
Mettre dans leurs valises
Quelques bouquets de fleurs

Je sais prendre l’accent
D’un Chinois
D’un Texan
Je vis à cent pour cent
Je vis à cent à l’heure

J’ai la magie de Brando
La folie de Pacino
Quelque chose d’italien en plus
C’est trop
J’ai le regard de Newman
La force de Superman
Quelque chose de ricain en plus
C’est trop
N’allez pas chercher ailleurs
Je suis un tombeur

J’les regarde dans les yeux
Des pieds jusqu’aux cheveux
J’en fais ce que je veux
À toute heure
À nous deux

Je leur dis «Ma chérie
Je connais un pays
À quelques pas d’ici»
Ça ressemble à un lit

Ne parlons pas d’argent
Elles n’aiment que les diamants
Vous avez dit comment ?
Vous avez dit Don Juan ?

Je les prends par la taille
Je les prends par le cœur
Ce régiment de femmes
Sera mon champ d’honneur

J’ai la magie de Brando
La folie de Pacino
Quelque chose d’italien en plus
C’est trop
[Les trois vers qui suivent sont prononcés avec un «accent anglo-saxon.]
J’ai le regard de Newman
La force de Superman
Quelque chose de ricain en plus
C’est trop
N’allez pas chercher ailleurs
Je suis un tombeur

J’ai la magie de Brando
La folie de Pacino
Quelque chose d’italien en plus
C’est trop
[Les trois vers qui suivent sont prononcés avec un «accent anglo-saxon.]
J’ai le regard de Newman
La force de Superman
Quelque chose de ricain en plus
C’est trop
N’allez pas chercher ailleurs
Je suis un tombeur

 

Chantons la langue avec Paul Demers

Paul Demers, album Paul Demers, 1990, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Paul Demers, «Notre place», album Paul Demers, 1990

 

Pour ne plus avoir not’ langue dans nos poches
Je vais chanter
Je vais chanter
Que tu viennes de Pointe aux-Roches, ou d?Orléans
Je vais chanter
Je vais chanter
Pour mettre les accents, là où il le faut
Faut se lever, il faut célébrer
Notre place
Aujourd’hui pour demain
Notre place
Pour un avenir meilleur
Notre place
Donnons-nous la main
Notre place
Ça vient du fond du cœur
Que tu viennes de Lafontaine ou de North Bay
Je vais chanter
Je vais chanter
Afin de pouvoir nous rapprocher
D?ici jusqu’à Fauquier
Je vais chanter
Je vais chanter
Pour mettre les accents, là où il le faut
Faut se lever, il faut célébrer
Notre place
Aujourd’hui pour demain
Notre place
Pour un avenir meilleur
Notre place
Donnons-nous la main
Notre place
Ça vient du fond du cœur

Pour mettre les accents, là où il le faut
Faut se lever, il faut célébrer
Notre place
Aujourd’hui pour demain
Notre place
Pour un avenir meilleur
Notre place
Donnons-nous la main
Notre place
Ça vient du fond du cœur

Notre place
Aujourd’hui pour demain
Notre place
Pour un avenir meilleur
Notre place
Donnons-nous la main
Notre place
Ça vient du fond du cœur
Notre place

 

Chantons la langue avec Michel Bühler

Portrait de Michel Bühler

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Michel Bühler, «Éloge des Vaudois», 2006 [?]

 

Il arrive qu’à l’étranger
— Oui je m’y risque, oui j’y vais —
Vu l’léger accent qu’est le mien
On me demande d’où je viens
À quoi je réponds : «Mais Madame
Je suis Suisse de cœur et d’âme
On s’presse de loin pour venir voir
Mes biscotos de montagnard»
Alors la dame — ou le monsieur
Qu’importe — prend un air malicieux
Et puis condescendant déclare
’vec une sorte d’accent savoyard
«Les banques et les montres, je vois
Le fromage le chocolat
Le Cervin Genève et Zurich
Vous avez d’la chance vous êtes riches !»
Que ces clichés sont éculés
Qui nous mettent tous dans l’même panier
Du Léman au lac de Constance
Sans subtilité sans nuances
Alors que vingt peuples se partagent
La douceur de nos paysages
Entre les Alpes et le Jura
Moi par exemple je suis vaudois

C’est dire que je n’ai rien à voir
Avec le Genevois bavard
Le Neuchâtelois minutieux
Ou le Valaisan tête en feu
Rien à voir mais c’est évident
Avec nos cousins suisses allemands
Je n’dirai rien à leur propos
Et rien c’est déjà presque trop
Le Vaudois… ah… c’est un taiseux
Il pense beaucoup mais parle peu
Il a trois principes : méfiance
Méfiance ensuite, et puis méfiance
Soucieux de ne choquer personne
Il pèse ses mots, et ça donne
Pour dire un «Non !» franc, affirmé
Un très délicat : «Vous croyez ?»
Offrez-lui un plat dégueulasse
Genre tripes confites à la mélasse
Pour marquer son dégoût total
Il murmurera : «C’est spécial»
Peu d’emphase donc, peu de lyrisme
Sauf chez certains politiciens
Tel c’lui qui voulait, nom d’un chien
Mettre un frein à l’immobilisme

Si l’on connaît peu le Vaudois
De par le monde c’est ma foi
Qu’il est avant tout réservé donc
Et peu porté à s’imposer
Discret il vit dans son canton
Jolies collines et frais vallons
Vignes en pentes et beaux vergers
Soucieux de ne pas déranger
Exemple : deux Vaudois pêcheurs
Sont sur le lac de bonne heure
On est heureux on est comblé
Dans l’eau un litron prend le frais
Quand tout à coup le vent se lève
Et les pousse loin de la grève
Les vagues se creusent profondes
La pluie cogne le tonnerre gronde
La barque est prête à chavirer
Leur dernière heure va sonner
«On pourrait peut-être prier ?»
S’écrie l’un d’eux désespéré
À quoi l’autre agrippé au bord
Rétorque en un ultime effort
«Est-ce que tu crois vraiment que c’est
Le moment d’se faire remarquer ?»

Ennemi de la démesure
Fuyant le risque, l’aventure
Le Vaudois type, pur et dur
Vote à l’extrêm’ centre bien sûr
En tout il reste raisonnable
Mêm’ pour le vin, mêm’ pour la table
D’accord il y a des exceptions
J’en connais j’peux donner des noms
L’est pas avare mais prudent
Jamais orgueilleux mais conscient
L’a le gaspillage en horreur
Tenez, nos deux de tout à l’heure
Sauvés séchés revenus sur terre
Se remettent avec quelques verres
À la terrasse d’un café
En haut d’une côte escarpée
Arrive un cycliste suant
Soufflant en nage écumant
Il demande une bouteille d’eau
Qu’il engloutit tout aussitôt
Puis une autre et une autre enfin
Il paie et disparaît au loin
Les deux se r’gardent abasourdis :
«Un’ si belle soif… mais quel gâchis !»

Sauf pour commander trois décis
On dit le Vaudois indécis
C’est vrai : réservant son avis
Il dira «Ouais» plutôt que «Oui»
Mais quand après mûre réflexion
Il s’est forgé une opinion
Son verdict tombe sans appel
Définitif et officiel
Nos deux Vaudois sont au bistro
Silence, personne ne pipe mot
On entend voler une abeille
Au bar la serveuse sommeille
Arrive alors un type curieux
«Belle journée bonjour ces messieurs
Un café s’il-vous-plaît mam’zelle
Et pis l’journal pour les nouvelles !»
Le gars s’installe se met à l’aise
Dans leur coin les Vaudois se taisent
Une demi-heure coule au clocher
Pas une parole n’est prononcée
Puis l’gars s’en va : «Merci, au r’voir »
Alors l’un de nos deux gaillards
Hoche la tête : «Enfin parti
C’te grande gueule !» «Ouais tu l’as dit !»

C’est ainsi que l’on est ici
Dans ce pays tendre béni
Qu’on pourrait dire de cocagne
Entre le lac et les montagnes
Où dans les années d’abondance
Les épis de blé sont si denses
Si gros si pesants sous les cieux
Que les champs plient en leur milieu
On en a vu dans ces temps-là
Des patates d’un tel format
Qu’avec une seule on pouvait faire
Des röstis pour l’armée entière
Où le brouillard parfois descend
Lourd et tellement consistant
Qu’les oiseaux pour se déplacer
Se voient contraints d’aller à pied
Où le soleil quand il se montre
Est si ardent si enjoué
Qu’il fait monter dans nos gosiers
Des soifs qu’on peut s’appuyer contre
C’est ainsi qu’on est et qu’on reste
Pas fiers, honnêtes, travailleurs
Simples bref parmi les meilleurs
En un mot vaudois… et modestes
C’qui suffit bien à not’bonheur…

 

Chantons la langue avec Les enfoirés

Bon anniversaire les enfoirés, 2014, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Les enfoirés, «Qu’est-ce qu’on fout à Strasbourg ?», Bon anniversaire les enfoirés, 2014

 

[Reproduction partielle]

 

Mais qu’est-ce qu’on fout ici
C’est pire qu’en Sibérie
Mais pourquoi ?
Pourquoi ?
L’Alsace
Ils auraient pu choisir
Saint-Trop’ ou Tahiti
C’est aussi en France que j’sache
Y’a personne qui m’attend
Que la neige et le vent
Moi qui rêvais d’Hollywood
Et c’est quoi, c’drôle d’accent ?
Ils ont l’air froid les gens
Mais qu’est-ce qu’on fout à Strasbourg ?

Allez tous à la plage
J’ai des nouveaux tatouages
Tu confonds avec Cabourg
C’est la ville de Mozart
Son fameux festival
Désolé ça, c’est Salzbourg
Il paraît qu’y a des filles nues
Cachées dans les vitrines
Ah non là tu t’goures, c’est Hambourg
Personne nous a rien dit
Qu’est-ce qu’on vient faire ici ?
Mais qu’est-ce qu’on fout à Strasbourg ?
Mais c’est la capitale, le centre de l’Europe
Ah non moi on m’a dit que c’est Bruxelles
Ville internationale, son marché est au top
Mais tout est mort après Noël
La cuisine est divine, traditionnelle et fine
[…]
Si t’aime pas la choucroute et les gâteaux bien lourd
Mais qu’est-ce qu’on fout à Strasbourg ?
[…]

 

Chantons la langue avec Claude Barzotti

Claude Barzotti, le Rital, 1983, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Claude Barzotti, «Le Rital», album le Rital, 1983

 

À l’école quand j’étais petit
Je n’avais pas beaucoup d’amis
J’aurais voulu m’appeler Dupont
Avoir les yeux un peu plus clairs
Je rêvais d’être un enfant blond
J’en voulais un peu à mon père

C’est vrai, je suis un étranger
On me l’a assez répété
J’ai les cheveux couleur corbeau
Je viens du fond de l’Italie
Et j’ai l’accent de mon pays
Italien jusque dans la peau

Je suis rital et je le reste
Et dans le verbe et dans le geste
Vos saisons sont devenues miennes
Mais ma musique est italienne
Je suis rital dans mes colères
Dans mes douceurs et mes prières
J’ai la mémoire de mon espèce
Je suis rital et je le reste

Arrivederci Roma

J’aime les amants de Vérone
Les spaghettis, le minestrone
Et les filles de Napoli
Turin, Rome et ses tifosi
Et la Joconde de De Vinci
Qui se trouve, hélas, à Paris

Mes yeux délavés par les pluies
De nos automnes et de nos nuits
Et par nos brumes silencieuses
J’avais bien l’humeur voyageuse
Mais de raccourcis en détours
J’ai toujours fait l’aller-retour

Je suis rital et je le reste
Et dans le verbe et dans le geste
Vos saisons sont devenues miennes
Mais ma musique est italienne
Je suis rital dans mes colères
Dans mes douceurs et mes prières
J’ai la mémoire de mon espèce
Je suis rital et je le reste

Arrivederci Roma

C’est vrai, je suis un étranger
On me l’a assez répété
J’ai les cheveux couleur corbeau
Mon nom à moi c’est Barzotti
Et j’ai l’accent de mon pays
Italien jusque dans la peau