Raggamuffin linguistique

Mad’MoiZèle GIRAF, Peindre la GIRAF, 2009, pochette

Mad’MoiZèle GIRAF (majuscules certifiées d’origine) est un duo qui,  si l’on en croit son site Web, pratique le «raggamuffin en québécois». (Raggamuffin ? Selon Wikipédia, il s’agit d’un «genre musical issu du mouvement dancehall reggae et apparu en Jamaïque à la fin des années 1980, caractérisé par une diction répétitive».)

Sa pièce «Montréal stylé» (2009) est une ode à Montréal et à la multiplicité de ses langues.

C’qui fait le charme de ma ville
Ce n’est pas difficile à déc’ler
Moi c’qui me plaît avant tout
C’est surtout sa diversité
Ici on entend parler l’anglais
On entend le mandarin
On entend le portugais
Et ben sûr l’accent italien
On entend les notes de l’arabe créole espagnol à la même table
Et moi j’m’exprime en patois
Le français d’venu québécois

On pourra contester l’interprétation linguistique du duo — le québécois n’existe pas, la langue parlée au Québec n’est pas un patois —, mais on ne saurait lui reprocher son absence de rythme.

P.-S. — «Stylé» doit être prononcé à l’anglaise.

 

Référence

Mad’MoiZèle GIRAF, «Montréal stylé», dans Peindre la GIRAF, High Life Music, 2009.

À tu et à vous et à toi et à vous et à tu

Jeudi soir dernier, dans un centre commercial de l’île de Montréal :

Carrefour Angrignon, 23 juillet 2009

Pourquoi ce passage du tu au vous dans la publicité ?

Si l’on était dans un roman épistolaire classique, on y verrait un effet d’insistance amoureuse, comme dans l’incipit de la lettre CXLVIII des Liaisons dangereuses de Laclos, quand le chevalier Danceny écrit à la marquise de Merteuil : «Ô vous, que j’aime ! ô toi, que j’adore ! ô vous, qui avez commencé mon bonheur ! ô toi, qui l’as comblé» (éd. de 1964, p. 333).

Dans une chanson, ce pourrait être un exercice de style, comme dans «Rendez-vous courtois» de Jérémie Kisling, sur l’album le Ours en 2006. Tous les vers y mêlent tutoiement et vouvoiement. Cela donne lieu à des phrases déjantées : «Allez viens vous asseoir, il faut pas que vous te barre / Sous mon toit, vous serez à ton aise / Donne-moi votre main, couchez-moi contre ton sein / Je t’avoue que je vous aime bien.»

Les intentions des propriétaires de la boutique de jeux électroniques EBGames sont un peu moins claires.

(L’absence de s à «usagé» fait désordre.)

 

Référence

Laclos, Pierre Choderlos de, les Liaisons dangereuses, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «G-F», 13, 1964, 379 p. Chronologie et préface par René Pomeau. Édition originale : 1782.