Ayant quitté le Togo pour vivre à Granby, comment Taka prononcera-t-il/elle le nom de sa ville d’adoption, cette «“capitale du bonheur” autoproclamée» (le Basketball et ses fondamentaux, p. 229) ?
Ainsi que le faisait remarquer, à juste titre, @OursMathieu, on entend parfois quelque chose comme «Grammebé».
Il est des mots qui peuvent dire une chose et son contraire. Ainsi, au Québec, d’écœurant, parfois synonyme de très bien, parfois pas du tout.
Capoter est un cas semblable. Voici comment l’Oreille tendue codéfinissait le terme en 2004 dans le Dictionnaire québécois instantané :
1. Beaucoup apprécier, voire tomber en extase. En écoutant le dernier album de Céline, j’ai capoté. Voir débile, extrême, full, hyper, masse (en ~), max, méchant, méga, moyen, os (à l’~), pas à peu près, phat, planche (à ~), super, torcher et über.
Outre l’emploi absolu (J’ai capoté) et l’emploi intransitif (J’ai capoté sur l’album de Céline), il existerait donc un emploi transitif (J’ai capoté ma vie), qu’on pourrait rapporter au modèle de J’ai pleuré ma vie.
C’est toujours bon à savoir.
[Complément du 9 février 2020]
Les anglophones (et les autres) apprécieront le tableau ci-dessus, vu sur Twitter.
English: I'm freaking out Quebec French: je capote
English: I'm so angry Quebec French: je capote
English: I'm so happy Quebec French: je capote
English: I'm losing my grip on reality Quebec French: je capote
English: my car is rolling over Quebec French: je capote
— Alex Zandra ? has a new story about tiger girls! (@zandravandra) February 7, 2020
Référence
Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.
L’Oreille tendue est de celles qui peuvent dormir partout : en voiture, sur la chaise du dentiste, au théâtre — voire dans son lit. Pour elle, le sommeil est généralement réparateur.
C’est à cela qu’elle pensait devant cette publicité du métro de Montréal :
Le personnage en robe de chambre, contrairement à l’Oreille, a manifestement passé une mauvaise nuit : il a dormi sur la corde à linge. La preuve : le matin venu, il y est encore accroché, le café à la main, l’air peu fringant.
On lui souhaite de connaître de meilleurs dodos, et, surtout, bien sûr, que la «literie biologique» y contribue.
[Complément du 22 septembre 2017]
Exemple romanesque emprunté au Michel Tremblay de la Grande Mêlée (2011) :
Elles n’avaient pas vieilli d’un seul jour alors que lui, il en était conscient, s’était détérioré au fil des années à cause des abus qu’il avait infligés à son corps — la boisson, d’innombrables nuits sur la corde à linge, les femmes faciles, le laudanum et même un peu d’absinthe, le poison des poètes, en fait tout ce que la grande ville peut offrir à un homme qui souffre et qui veut oublier (éd. de 2017, p. 673).
[Complément du 29 mai 2020]
Hypothèse étymologique :
Ma grand-mère disait que l’expression “dormir sur la corde à linge” venait des dortoirs à 5¢ pendant la crise de 1929. On y dormait assis sur un banc en s’appuyant sur une corde qui était retirée au matin. pic.twitter.com/qNxX5yMaC7
Dès 1904, pourtant, sous la plume de Rodolphe Girard, dans le roman Marie Calumet, on pouvait lire : «Ne m’en parle pas. Je me sens les cheveux à pic comme des clous, et les côtes sur le long comme si j’avais dormi sur la corde à linge» (éd. de 2020, p. 33).
Références
Girard, Rodolphe, Marie Calumet. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 142, 2020 (1904), 305 p. Édition, postface & chronologie par Jean-Philippe Chabot.
Tremblay, Michel, la Grande Mêlée (2011), dans la Diaspora des Desrosiers, préface de Pierre Filion, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p.