Oreilles latines

Ken Dryden, The Class, éd. de 2024, couverture

Dans The Class, Ken Dryden offre une autobiographie de groupe, celle des 35 élèves d’une classe du Etobicoke Collegiate Institute (1960-1965), «the Brain class».

À cette époque, on étudiait encore le latin. Un professeur demandait alors à ses élèves de traduire la phrase «semper ubi sub ubi» (p. 85). En anglais, cela donnait, littéralement, «Always where under where» («Always wear underwear», «Portez toujours des sous-vêtements»). Les élèves n’oublieront jamais cette phrase.

Quelques années plus tard — c’est dire son âge canonique —, l’Oreille tendue étudiera à son tour le latin dans une école publique. Son professeur — celui-là — pratiquait un exercice semblable. «Abeille agile» ? «Agilis apis» («a pisse» => «elle pisse»). L’Oreille n’oubliera jamais cela.

P.-S.—Oui, c’est le Dryden dont il a été question, par exemple, ici et .

 

Référence

Dryden, Ken, The Class. A Memoir of a Place, a Time, and Us, Toronto, McClelland & Stewart, 2024, 479 p. Édition originale : 2023.

L’éloquence des Lumières

Concours Délie ta langue, logo, 2025

En 2018, Monique Cormier, ex-collègue et néanmoins amie de l’Oreille tendue, lançait un concours universitaire d’éloquence sous le titre Délie ta langue !

La finale de la septième édition avait lieu le 30 mars 2025 à la Grande bibliothèque de Montréal. Les treize candidats devaient choisir une expression française («Le mieux est l’ennemi du bien», «Être assis entre deux chaises», etc.), en expliquer brièvement l’origine et l’arrimer à une question d’actualité.

Le XVIIIe siècle a été bien représenté parmi les auteurs cités : Jean-Jacques Rousseau, John Locke, Adam Smith, Johann Wolfgang von Goethe, Montesquieu, Voltaire. L’Oreille s’en réjouit.

P.-S.—Monique Cormier passe le flambeau à Francis Gingras, ex-collègue et néanmoins ami de l’Oreille tendue. Merci à l’une et à l’autre.

Générons de nouveau

Moulinette à légumes, 2008

L’Oreille tendue avait presque oublié qu’elle a un jour créé une rubrique «Générateurs de textes». Alimentons-la.

Vous en voulez en français ?

Ambroise Garel offre deux services : du Lovecraft; de la cuisine.

De ce côté (Twitter, Mastodon), vous obtiendrez, grâce à l’Académotron, d’étranges règles grammaticales.

Ici, on répond à une question complexe : «C’est de gauche ou de droite ?»

Vous préférez l’anglais ?

Là, c’est de la littérature canadienne.

La prose universitaire se prêterait bien à l’exercice : premier exemple; deuxième exemple.

À votre service.

Le gant de Siegfried von Turpitz

David Lodge, Un tout petit monde, éd. française de 1991, couverture

L’Oreille tendue a des défauts. Parmi ceux-ci, il y a le fait d’attendre à la dernière minute pour organiser ses déplacements à l’étranger.

Ainsi, en 1991, son incompétence viatique a fait s’allonger indûment un voyage à Wolfenbüttel. C’était il y a longtemps, mais l’Oreille a le souvenir de deux longs voyages en avion, suivis d’un trajet en train, couronnés par une excursion en autobus. Au total, une vingtaine d’heures de déplacement.

L’Oreille en avait profité pour lire A Small World (1984), le campus novel célèbre de David Lodge. Après tout, elle s’en allait participer à un colloque universitaire.

Parmi la galerie des personnages de ce roman, il y a Siegfried von Turpitz, un professeur allemand mystérieux. Pourquoi porte-t-il en permanence un seul gant (noir) à la main (droite) ?

Enfin arrivée à destination, évidemment après tout le monde, fourbue, l’Oreille tendue se rend au restaurant où se tiennent les agapes du soir. Elle s’installe à la seule place libre, puis se présente à ses voisins — dont un professeur qui ne portait qu’un gant, bien sûr noir, bien sûr à la main droite. Elle a eu un choc, qu’elle n’a jamais oublié. C’est, en effet, Un tout petit monde.

David Lodge est mort le 1er janvier.

La clinique des phrases (119)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante, en incipit d’un article publié dans la presse québécoise :

Il faudra abandonner le cliché d’une frilosité des Québécois à l’égard de la polémique.

Comme le savent ses fidèles bénéficiaires, l’Oreille tendue est souvent prosaïque. Devant pareil emploi du futur, elle se demande immédiatement «Quand ? À quel moment faudra-t-il abandonner ce cliché ?»

Le recours à ce temps verbal est évidemment rhétorique. La personne qui signe ce texte pense que le temps est venu, mais, par prudence (universitaire), elle feint d’hésiter, elle tergiverse, elle zigonne, au lieu d’affirmer.

Donc :

Il faut abandonner le cliché d’une frilosité des Québécois à l’égard de la polémique.

À votre service.

P.-S.—Quiconque fréquente les plumes universitaires le sait : ce faux futur leur procure une jouissance indicible.

P.-P.-S.—Oui, bien sûr, ce n’est pas la première plume timide que nous croisons en ces lieux. Il y en avait une pas plus tard que la semaine dernière.