Langue de campagne (8)

L’Oreille tendue a surtout parlé, jusqu’à maintenant, du vocabulaire de la campagne, de son lexique. Qu’en est-il de sa syntaxe ?

Trois modèles de phrase ont été beaucoup utilisés.

Je n’ai pas de leçon à recevoir de vous sur X, dit celui qui veut défendre sa réputation. Ex. : «Monsieur Charest, je n’ai pas de leçon d’intégrité à recevoir de vous» (Pauline Marois, Parti québécois, 20 août 2012).

Voter pour Y, c’est voter pour Z, attaque celui qui craint la dispersion de ses ouailles électorales. Jean Charest, le chef du Parti libéral du Québec, est friand de ces accusations de votes dévoyés.

Vous n’avez pas le monopole du W, riposte celui qui se souvient de Valéry Giscard d’Estaing et du «Vous n’avez pas le monopole du cœur» qu’il adressa à François Mitterrand en 1974. Ex. : «Madame Marois, vous n’avez pas le monopole de l’amour du Québec» (François Legault, Coalition avenir Québec, 19 août 2012 et 22 août 2012).

Les principaux candidats aux élections québécoises qui se déroulent actuellement maîtrisent bien ces structures. On ne peut pas toujours en dire autant de leur vocabulaire.

Langue de campagne (7)

Qui dirige la vie politique au Québec ? Qui la dirigera après les élections ? Tout dépend de la personne à laquelle on pose la question.

Le chef du Parti libéral, Jean Charest, craint que ce ne soit «la rue», et la rue, pour lui, c’est Pauline Marois, la chef du Parti québécois.

La même Pauline Marois, selon François Legault, de la Coalition avenir Québec, aurait «les mains attachées avec les syndicats». Il l’a dit plusieurs fois durant les débats télévisés de la semaine dernière.

Le parti de Jean Charest aurait trempé dans des histoires de corruption / collusion / scandale, s’inquiètent le caquiste et la péquiste en chef. Qui se cache derrière tout cela ?

Une chose est sûre : la «majorité silencieuse», qui, sauf erreur, ne dirige rien, en a marre, elle, qu’on ne cesse de lui faire dire ceci, puis cela. Elle exige, sans le dire, qu’on la laisse retourner à son mutisme.

Langue de campagne (6)

En campagne électorale, le choix de son vocabulaire par un candidat est souvent révélateur de sa personnalité et de ses valeurs.

Prenons François Legault, le chef de la Coalition avenir Québec, qui n’hésite pas à dire qu’il a une formation de comptable.

Que proposait-il lors des débats télévisés d’août 2012 ? Que les médecins de famille devaient faire «plus de volume» ou «du volume additionnel». Que des «gains d’efficacité» étaient attendus des employés de l’État. Qu’il fallait «appliquer [tel revenu] contre la dette». Qu’il allait, lui, «charger 5 %» à telle catégorie de producteurs. Qu’en matière de création d’emplois il aurait un «compteur» sur son bureau de premier ministre.

Michel David du Devoir le faisait remarquer, s’agissant de ce «compteur» : «Même ses plus féroces détracteurs n’ont jamais illustré de façon aussi éclatante que François Legault lui-même la vision essentiellement comptable qui l’anime» (23 août 2012, p. A1).

Comptable un jour, comptable toujours.

Langue de campagne (5)

On le sait : l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir précédé d’un complément d’objet direct pose souvent problème, notamment à l’oral. On le sait moins : il est des gens qui proposent de remplacer la règle actuelle par l’invariabilité.

Jean Charest, le chef du Parti libéral du Québec, paraît faire partie de ces gens. Il pratique volontiers, et sans s’en excuser, la réforme que prônent ces progressistes : au moins huit fois dans les débats télévisés du 19, du 20 et du 21 août , il n’a pas accordé ses participes.

Une fois n’est pas coutume : Jean Charest est le plus progressiste des chefs politiques québécois.

Langue de campagne (4)

L’Oreille tendue se sent parfois audacieuse. C’est le cas aujourd’hui. Elle souhaite proposer une réponse à une question multiséculaire : quel est le sens de la politique ?

Si l’on se fie à la présente campagne électorale québécoise, c’est simple : la politique va du haut vers le bas.

Que font les partis avec leurs candidats vedettes ? Ils les parachutent dans une circonscription réputée sûre, même s’ils n’ont pas d’attaches dans celle-ci.

Que dire de quelqu’un qui fait le choix, parfois inattendu, de la politique ? On dit qu’il plonge en politique. Dans le même ordre d’idées, on peut faire le saut en politique. (S’il est vrai que le saut est parfois possible du bas vers le haut, le voisinage plongeon / saut inverse ici le sens du mouvement.)

Comment fait-on de la politique à Québec solidaire ? «Debout», si l’on en croit le slogan du parti. On ne s’assoira qu’après les élections.

De haut en bas : voilà une affaire (philosophicopolitique) de résolue.