Parlons éducation

Dans la Presse+ du jour, le professeur et essayiste Mathieu Bélisle publie un texte d’opinion intitulé «Des élections résolument provinciales». On y lit cette remarque particulièrement juste et révélatrice de la place de l’éducation dans les programmes politiques québécois :

On se prend à rêver du jour où un chef de parti éprouvera le même empressement, la même fierté à présenter aux Québécois la personne choisie pour diriger le ministère de l’Éducation que celle qu’il éprouve en présentant les éventuels responsables de la Santé et du Trésor, du jour où il fera de l’éducation la grande priorité de son gouvernement en lui donnant l’ampleur d’une véritable vision pensée sur le long terme, où il reconnaîtra, quoi que disent les sondages et les groupes d’intérêt, qu’une société vieillissante n’a pas seulement besoin de soins de santé de qualité et d’une fin de vie vécue dignement, mais aussi, et peut-être surtout, d’un système d’éducation fort, soucieux du commencement de la vie et de son épanouissement.

Lors des élections de 2012, pour le Journal de Montréal, dans «Autoportrait électoral d’un privilégié insatisfait», l’Oreille tendue exprimait des positions bien proches de celles-là.

Moins ça change…

Citation électorale du jour

Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, 1966, couverture

«Mais les paysans étaient plus nombreux et les jours de marché, M. de Faverges, se promenant sur la place, s’informait de leurs besoins, tâchait de les convertir à ses idées. Ils écoutaient sans répondre, comme le père Gouy, prêt à accepter tout gouvernement pourvu qu’on diminuât les impôts.

À force de bavarder, Gorju se fit un nom. Peut-être qu’on le porterait à l’Assemblée.

M. de Faverges y pensait comme lui, tout en cherchant à ne pas se compromettre. Les conservateurs balançaient entre Foureau et Marescot. Mais le notaire tenant à son étude, Foureau fut choisi; un rustre, un crétin. Le docteur s’en indigna.

Fruit sec des concours, il regrettait Paris, et c’était la conscience de sa vie manquée qui lui donnait un air morose. Une carrière plus vaste allait se développer; quelle revanche ! Il rédigea une profession de foi et vint la lire à MM. Bouvard et Pécuchet.

Ils l’en félicitèrent; leurs doctrines étaient les mêmes. Cependant, ils écrivaient mieux, connaissaient l’histoire, pouvaient aussi bien que lui figurer à la Chambre. Pourquoi pas ? Mais lequel devait se présenter ? Et une lutte de délicatesse s’engagea. Pécuchet préférait à lui-même son ami. “Non, ça te revient ! tu as plus de prestance !

— Peut-être, répondait Bouvard, mais toi plus de toupet !” Et, sans résoudre la difficulté, ils dressèrent des plans de conduite.

Ce vertige de la députation en avait gagné d’autres.»

Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «GF», 103, 1966, 378 p., p. 179-180. Chronologie et préface par Jacques Suffel. Édition originale : 1881 (posthume).