Se le protéger

Université de Montréal, site COCO, logo, 2024

Soit la phrase suivante, tirée du roman l’Angle mort (2002) :

Je vieillis, mon rétroviseur me le répète encore. Salaud de rétroviseur. Yeux délavés. Cheveux filasse. S’effilochent, dégarnissent le coco. De plus en plus difficile à masquer, le coco. Problème d’alopécie. Me fait une belle jambe de connaître le mot (p. 32).

Ce personnage cale. Son coco — sa tête, dans le français populaire du Québec — se dépouille.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), coco est aussi un «terme d’affection» : «Mon petit coco.»

C’est à ce double emploi qu’ont pensé les concepteurs d’un site web qui «propose une trousse à outils aux parents, éducateurs et enseignants pour détecter et prendre en charge les commotions cérébrales chez les enfants de six ans et moins».

Pour les cocos qui se cognent le coco, il y a dorénavant COCO (Communication • Commotion).

Joli.

 

[Complément du jour]

Comme le fait remarquer, dans les commentaires ci-dessous, une lectrice plus attentive que l’Oreille tendue, l’image retenue par COCO évoque aussi un œuf : un coco, donc.

 

Référence

Chassay, Jean-François, l’Angle mort. Roman, Montréal, Boréal, 2002, 326 p.

Identité déficiente

Mot croisé, le Devoir, 21-22 septembre 2024

En 2004, l’Oreille tendue coécrivait ceci, sous l’entrée «Chose» du Dictionnaire québécois instantané :

Nom propre très commun. «Ben voyons donc, Chose» (la Presse, 27 septembre 2000). «Et il paraît qu’il s’en trouve […] pour présenter une formation raboudinée à la diable, un sujet hot à propos duquel vous pouvez lire dans ces pages un texte de mon collègue Chose là» (le Devoir, 17 juillet 2001) (p. 40).

Il y était question aussi d’un «Monsieur Chose» (p. 76, p. 173) et on croisait les expressions «Les nerfs, Chose !» (p. 148) et «Mon poids est proportionnel, Chose !» (p. 173)

C’est dire si ce nom propre est fréquent au Québec. Essayons d’y voir un peu plus clair.

Son usage dépend largement du contexte : le mot n’a pas la même connotation selon qu’on l’emploie avec un proche («Passe-moi l’aide maritale, Chose !») ou avec un inconnu («C’est à moi que tu parles, Chose ?»).

Dans certains cas, il a Untel pour synonyme : «T’sé, Chose, là.»

Plus rarement, on lui adjoint le mot Bine : «T’sé, Chose Bine, là.» Cela n’a pas échappé à un verbicruciste local (voir l’illustration ci-dessus, tirée de l’édition des 21-22 septembre 2024 du quotidien montréalais le Devoir). Cette Bine ne doit pas être confondue avec celle-ci.

À ton service, Chose.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2019, couverture

Sans issue

«Sa majesté la langue française», Refrancisons-nous, 1951, 2e éd.

Soit la phrase suivante, dans la Presse+ du 13 septembre 2024 : «Les trois Québécois arrêtés de façon spectaculaire, au Pérou, en février 2023, ont été piégés de tous bords tous côtés, révèlent des documents judiciaires récemment rendus publics et obtenus par La Presse.»

«De tous bords tous côtés», donc. Explication du Wiktionnaire : «Dans toutes les directions, ou de partout.»

Synonyme, en quelque approximative sorte : tout partout.

À votre service.

 

Illustration : F. J.-F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951 (deuxième édition), 143 p., p. 14.

La clinique des phrases (121)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Tous ces délicats enjeux sont au cœur du vaste projet de transition énergétique qui attend le Québec. Au lieu de faire de l’aveuglement volontaire, il est temps de se parler dans le blanc des yeux, en conviant le grand public à un véritable débat de société, ouvert et transparent.

Si «le grand public» est convié à un «débat», on peut supposer qu’il s’agira d’un «débat de société», non ?

Donc :

Tous ces délicats enjeux sont au cœur du vaste projet de transition énergétique qui attend le Québec. Au lieu de faire de l’aveuglement volontaire, il est temps de se parler dans le blanc des yeux, en conviant le grand public à un véritable débat, ouvert et transparent.

À votre service.

P.-S.—Pourquoi le nierait-elle ? L’Oreille tendue a toujours eu du mal avec «le débat de société».

La clinique des phrases (120)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit les deux phrases suivantes, dans un article tiré de la presse québécoise :

Les médias sociaux sont-ils devenus les nouveaux boucs émissaires ? Ils sont la plupart du temps dénoncés comme étant responsables de la montée de l’intolérance dans nos sociétés et même comme étant à la source de la crise démocratique que nous vivons.

Plus l’Oreille tendue vieillit — et elle vieillit —, moins elle comprend à quoi peut bien servir l’expression «comme étant». La preuve que l’Oreille vieillit ? Sur ce sujet, comme sur d’autres, elle radote.

Allons-y quand même :

Les médias sociaux sont-ils devenus les nouveaux boucs émissaires ? Ils sont la plupart du temps dénoncés comme responsables de la montée de l’intolérance dans nos sociétés et même comme source de la crise démocratique que nous vivons.

À votre service.