L’oreille tendue de… Henning Mankell

Henning Mankell, la Lionne blanche, 2024, couverture

«Un vélo était appuyé contre les débris d’un tabouret de traite. Il n’y avait pas de cadenas. Wallander pensa tout de suite que quelqu’un l’avait laissé là à son intention. Il fixa le fusil au porte-bagages et s’éloigna à grands coups de pédale. Dès qu’il le put, il quitta l’asphalte et s’enfonça à tâtons sur les chemins de gravier qui s’entrecroisaient sur la plaine. Pour finir, il parvint à la maison de son père. Tout était éteint à l’exception de la lampe du perron. Il s’immobilisa et tendit l’oreille, puis il cacha le vélo derrière la remise. Avec mille précautions, il traversa la cour sans faire crisser le gravier.»

Henning Mankell, la Lionne blanche. Roman, Paris, Seuil, coll. «Points», P1306, 2024, 487 p., p. 335. Édition originale : 1993. Traduction d’Anna Gibson.

Des yeux d’homme

David Montrose, Gambling with Fire, éd. de 2016, couverture

On voit souvent, dans la critique culturelle féministe, les mots male gaze. Définition tirée de Wikipédia :

In feminist theory, the male gaze is the act of depicting women and the world in the visual arts and in literature from a masculine, heterosexual perspective that presents and represents women as sexual objects for the pleasure of the heterosexual male viewer.

Il s’agirait d’un mode de représentation des femmes du seul point de vue masculin et hétérosexuel. Elles ne seraient que des objets sexuels pour le plaisir des hommes.

On traduit parfois male gaze, en français, par regard masculin ou par regard des hommes, mais plusieurs conservent simplement la forme anglaise.

C’est à ce type de description que pensait l’Oreille tendue en lisant Gambling with Fire :

He found it difficult to keep his eyes from the girl. She had a big-boned, almost angular face, with shoulders as wide as her hips; yet the womanly roundness of her form, built upon such an unpromising base, was truly voluptuous. Because of her strength and solidity, as much as her deep breasts and smooth thighs, she appeared a woman of great sexuality (p. 20).

C’est bien une affaire de regards — celui du personnage («his eyes») et celui du narrateur — et de désir («she appeared a woman of great sexuality»).

Difficile d’être plus clair.

 

Référence

Montrose, David, Gambling with Fire, Montréal, Véhicule Press, A Ricochet Book, 2016, 207 p. Édition originale : 1968. Introduction de John McFetridge.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Henning Mankell

Henning Mankell, les Bottes suédoises, 2017, couverture

«Maintenant tu vas rester ici pendant que je vais lui rendre les clés, avec nos excuses» (p. 111).

«Et tant d’années plus tard, quand elle a surgi sur la glace, avec son déambulateur et son cancer, j’ai continué» (p. 181).

«Assis dans mon coin, j’observais ce jeune pêcheur au visage brillant de sueur et de certitude» (p. 337).

Henning Mankell, les Bottes suédoises. Roman, Paris, Seuil, coll. «Points», P4600, 2017, 363 p. Édition originale : 2015. Traduction d’Anna Gibson.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Arnaldur Indridason

Arnaldur Indridason, le Mur des silences, 2022, couverture

«Cherchant à nouveau à distinguer la respiration de Stan à ses côtés, elle se redressa dans le lit et comprit aussitôt pourquoi elle ne l’entendait pas. Il n’était plus là. Il avait dû se lever. Elle attendit quelques instants, l’oreille tendue, puis sortit du lit, alluma la lampe du couloir et descendit l’escalier à pas de loup en appelant le nom de Stan à plusieurs reprises à voix basse pour ne pas réveiller leur fille. Son mari ne répondait pas.»

Arnaldur Indridason, le Mur des silences, Paris, Métailié, coll. «Métailié noir», 2022, 332 p., p. 50. Édition originale : 2020. Traduction d’Éric Boury.