Langue d’hôpital

Quels que soient les milieux qu’elle fréquente, l’Oreille est toujours tendue. C’est plus fort qu’elle.

L’autre jour, à l’hôpital, elle tombe sur ceci.

Oups !

L’épidurale atténue les maux du corps, certes, mais qui s’occupera de la santé de la langue et couvrira ce e final que nous ne saurions voir ?

En quittant les lieux, ce n’est pas mieux : encore un quitter orphelin.

Oups, bis !

On n’est à l’abri nulle part.

Cachez cet adverbe que je ne saurais voir

C’est vous le blogueur ? — Effectivement.

«Acheter au Canada ? Absolument !» (la Presse, 1er novembre 2012 , p. A16, publicité)

Dans 99 mots et expressions à foutre à la poubelle, Jean-Loup Chiflet parle-t-il de l’adverbe d’affirmation ? — Tout à fait (p. 115).

René a envoyé promener Céline ? — J’espère !

Au retour du lock-out, les joueurs donneront-ils leur 110 % ? — Définitivement.

T’es sûr ? — Certain.

Tu penses qu’il y a des collusionnaires à Montréal ? — Mets-en.

En forme ? — Le faut.

«Tout le goût du Coca-Cola, zéro calorie.» — «Sérieux».

Il a déjà quitté ? — Exact.

«Si c’est bon de gagner de cette façon ? Yessssss ! Yessssss !» (la Presse, 3 juillet 2001)

Bref, toujours dire non à oui.

 

[Complément du 27 mars 2015]

Bel exemple de l’utilisation de certain par la traductrice des Retrouvailles des Carcajous (2015) :

— Alors tu m’appelles si tu changes d’idée ?
— Certain (p. 67).

 

[Complément du 24 juin 2015]

Deux autres cas, tirés de la pièce J’ai perdu mon mari de Catherine Léger (2015).

«[Mélissa] J’ai-tu le droit ? [William] Complètement» (p. 57).

«[Le pusher] On vit pas assez, man. [Évelyne] C’est clair» (p. 71).

 

Références

Chiflet, Jean-Loup, 99 mots et expressions à foutre à la poubelle, Paris, Seuil, coll. «Points. Le goût des mots», Hors série, inédit, P 2268, 2009, 122 p. Dessins de Pascal Le Brun.

Léger, Catherine, J’ai perdu mon mari, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 04, 2015, 101 p. Ill.

MacGregor, Roy, les Retrouvailles des Carcajous, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 19, 2015, 174 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2004.

«Quitter» a quitté

Tony Accurso est un entrepreneur en construction québécois.

Depuis quelques mois, des accusations de nature diverse pèsent contre lui. Il en a marre. Il se retire de ses entreprises. Voilà ce qu’il annonçait avant-hier.

Le journal la Presse a rapidement annoncé la chose sur son site Web. Connaissant l’aversion de l’Oreille tendue pour certain usage du verbe quitter, @iericksen lui a signalé, sur Twitter, cette parution : «Un usage absolument absolu de “quitter”» (merci).

Tony Accurson «quitte»

Le journal papier d’hier matin reprenait l’information (p. A2), mais avec une modification de taille, du moins aux yeux de l’Oreille.

Tony Accurson «part»

Ce n’est pas tout. Le lien qui menait à l’article dont le titre contenait le verbe quitter mène toujours au (presque) même article, mais le titre a encore changé. C’est donc le troisième.

Tony Accurson «n’a rien volé»

On n’arrête pas le progrès.

Langue de campagne (12)

À la suite des débats entre les chefs des principaux partis politiques du Québec tenus la semaine dernière, on doit signaler quelques disparitions, peut-être temporaires.

La féminisation automatiqueles Québécois et les Québécoises, les citoyens et les citoyennes —, omniprésente dans les conférences de presse des politiques de tout acabit en temps normal, avait été laissée au vestiaire les soirs du 19, du 20, du 21 et du 22 août. (Elle ne devrait pas y rester longtemps.)

On ne s’en étonnera pas : quitter n’a pas retrouvé ses compléments.

Pendant de longues minutes des débats auxquels il a participé, François Legault, le chef de la Coalition avenir Québec, n’arrivait plus à retrouver le pronom relatif dont. Cela donnait d’innombrables «C’que l’Québec a besoin». Il n’est pas le premier homme politique à être ainsi dépossédé : Robert Bourassa l’a précédé durant sa campagne de 1989, où des publicités télévisées utilisaient exactement la même formule. (L’Oreille tendue, alors dans la fleur de l’âge, avait même consacré un texte, notamment, à cette question, dans le magazine culturel Spirale.)

À chacun ses modèles (linguistiques).

Le CHUM est là pour ça

Il y a quelques mois que le verbe quitter employé sans complément ne s’était pas rappelé au bon souvenir de l’Oreille tendue et de ses lecteurs.

L’administration du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) s’est chargée de corriger la situation, rue Sanguinet à Montréal, pas plus tard qu’hier matin.

Message de sécurité, Centre hospitalier de l'Université de Montréal, 8 janvier 2012

Merci d’avoir pensé à nous.