Glissement sémantique

Les fils de l’Oreille tendue pratiquent, l’hiver venu, un sport de glisse. Cela l’oblige à fréquenter plus que d’habitude les autoroutes autour de Montréal.

Généralement, elle n’accorde qu’un coup d’œil distrait aux panneaux publicitaires qui bordent icelles. Cela lui suffit pour se convaincre du bel avenir des spas au Québec.

En revanche, un panneau vient d’apparaître, qui lui a donné un (petit) choc. Les usagers de l’autoroute 15 connaissent la halte routière qui répond au folklorique nom de «La-porte-du-nord» (traits d’union inclus). Comment annonce-t-on aux automobilistes qu’ils s’en approchent et qu’ils pourront s’y sustenter ? D’un mot : «Enfaim !»

Pour paraphraser le journaliste sportif du Devoir : excusez l’Oreille, elle va aller perdre connaissance.

N’est-ce pas ?

Quiconque voyage au Québec (par ses routes, dans ses médias, sur Internet) le sait : on y vénère le spa. Il y en a d’urbains, de nordiques, de scandinaves. Quelqu’un a même inventé le spatio.

Un tweet du 5 janvier de @PimpetteDunoyer révèle l’existence d’une nouvelle espèce : le spa dentaire.

La preuve ici :

«Spa dentaire», publicité, 2012

On imagine — n’est-ce pas ? — les mauvais jeux de mots : C’pas vrai !, C’pas possible !, C’pas terrible comme nom, etc. On n’en fera aucun.

Villégiature linguistique

Pour ses vacances annuelles, l’Oreille tendue a quitté son pavillon montréalais avec femme, progéniture et caniche royal à destination de la Gaspésie.

Pour se rendre dans cette péninsule québécoise, il faut rouler longtemps. Avant d’y pénétrer, on doit notamment traverser la région du Bas-du-Fleuve. C’est alors qu’on découvre qu’elle a une «capitale touristique», en l’occurrence Le Bic. Ça ne fait toujours qu’une capitale québéco-canadienne de plus.

À quelques jours près, la famille entière aurait pu emprunter le «sentier de la bouette» (le Devoir, 2 août 2011, p. A1), celui qui, à marée (très) basse, permet d’avoir accès à l’île Verte, à pied, à partir de la côte, entre Rivière-du-Loup et Trois-Pistoles. (Bouette ? Le mot désigne, au Québec, la boue. S’agissant de ce «sentier», on y trouve en fait surtout de la vase.)

Eût-elle été pâle des genoux, l’Oreille aurait pu s’arrêter dans une clinique médicale de Matane. On assure que le service y est rapide.

Clinique Sang délai, Matane, 2011

Le point de chute de cette année était Les Méchins, secteur Les Îlets, à 675 kilomètres à l’est du mont Royal. Sur ce village, on se contentera de deux remarques, l’une sociologique, l’autre onomastique.

On déplorera, d’une part, que la grande criminalité sévisse jusque dans ce hameau. C’est du moins ce que l’on peut croire devant telle (légitime) demande.

Poubelles, «Ne pas voler», 2011

D’autre part, on n’oubliera pas que les habitants des Méchins sont des Méchinois. On n’ose imaginer ce qu’un restaurateur cantonais amateur de mauvais jeux de mots pourrait faire de pareil gentilé.

P.-S. — Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? La famille a aussi poussé une pointe jusqu’à Exploramer, le «complexe d’activités axé sur le milieu marin du Saint-Laurent», de Sainte-Anne-des-Monts. On y a constaté, non sans étonnement, que le plus célèbre des mots «mots de quatre lettres» en anglais y serait d’usage commun. (Non, ce n’est pas «love».)

Exploramer, panneau explicatif, 2011

Autopromotion 006

Benoît Melançon, Bangkok, 2009, couverture

L’Oreille tendue ne fait pas que tenir blogue; il lui arrive aussi de publier des livres. C’est dans le menu de droite, sous «Lire en numérique» et sous «Lire sur papier».

En matière de numérique, il y a du nouveau.

Bangkok. Notes de voyage a été publié, sur papier, par Del Busso éditeur en 2009, puis repris, en numérique, par Del Busso éditeur et Numerik:)ivres en 2011. Il s’agit d’un de ces livres dont on dit parfois que la version numérique est «homothétique» (voir, sur ce mot et ce qu’il cache, le commentaire de François Bon ici).

Ces jours-ci, un projet d’une autre nature : une réédition numérique augmentée de Sevigne@Internet. Remarques sur le courrier électronique et la lettre. D’abord paru, sur papier, en 1996 dans la collection des «Grandes conférences» des Éditions Fides, le texte ressort chez Del Busso éditeur et Numerik:)ivres, accompagné d’une postface inédite, «Quinze ans plus tard». Sa particularité ? Pas de papier : que du numérique. Le pas est franchi.

 

[Complément du 17 septembre 2011]

On peut entendre un passage de la postface inédite, lu par l’auteur, en cliquant sur le bouton ci-dessous.

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