Le magazine Têtu recommande de visiter le Canada, «Le pays friendly». L’Oreille tendue peut-elle proposer un ajout à ce slogan ? «Le pays friendly et fully bilingual.»
Chroniques du bilinguisme hexagonal 001
Les voyages ont des effets souvent imprévus. L’Oreille tendue, qui se croyait bilingue, débarquant à Paris, est prise de doutes. Devant cette publicité, par exemple.
«Flunch» ? «Flunch in the USA» ? Non, elle doit le confesser : l’Oreille tendue, qui vient de découvrir l’existence de la chaîne de restauration rapide Flunch, n’est pas bilingue.
Bol d’air
Hier, randonnée familiale et roborative, en forêt, à une heure au nord de Montréal.
Le préposé à l’accueil nous explique. La piste numéro 1 est plate. La numéro 9, elle, est «cardio».
À chacun son orographie.
Récit de voyage
Engagez-vous, qu’ils disaient. Vous entendrez du pays, qu’ils disaient. L’Oreille s’est engagée et elle a entendu.
Pizzeria, rue du Maine, Paris. La pizza et le vin rouge de l’Oreille font un repas correct. Son voisin, qui a pris la même chose, parle de «booster calorique».
Sur une camionnette, quai des Grands-Augustins, Paris : «Lutte raisonnée contre les nuisibles.» Vaste programme.
Dans un amphi universitaire, Université Paul-Verlaine, Metz, un adverbe inconnu de l’Oreille, mais plus maintenant, et joli : «moultement». (Il y avait aussi «mono-écranique» et «angler» [un article de journal]. Elle est moins séduite.)
Pendant une conférence, au Centre Pompidou-Metz, l’expression «fond d’écran», pour désigner ce qu’on appelait autrefois «air du temps». Cette expression ne serait plus dans l’air du temps.
Dans le même amphi que tout à l’heure, à un autre moment, découverte de l’existence, il y a plusieurs années, d’une Commission du vocabulaire, à l’Union des journalistes de sport en France. Sa mission ? Chasser le cliché. L’Oreille tendue aurait voulu en être.
Toujours le même amphi, découverte d’un nouveau sport, le «beach rugby» (en français dans le texte). L’Oreille ne voudrait pas en être.
Restaurant messin. La maison nous offre à boire quelque chose en apéro : c’est blanc, inconnu de tous, mauvais. «Improbable», dit un collègue pour caractériser le goût. À retenir : ça peut servir.
Publicité dans le métro parisien : «Speak Wall Street English.» Voilà une variété linguistique que l’Oreille ne connaissait pas.
Rue Vaugirard, à Paris, elle reçoit une leçon de traduction. Soit le panneau suivant :
Si le «petit-déjeuner» n’est pas le «breakfast» — bien que les deux mots soient synonymes —, est-ce parce que l’anglais de ce restaurant viendrait de Wall Street ?
Rue de Rennes, Paris : croisé un homme avec un sac rouge d’une boutique appelée L’œil écoute. Le propriétaire de celle-ci accepterait-il de commanditer — de «sponsoriser» — ce blogue ? (Ça tombe bien : c’est peut-être une librairie.)
Récit de voyage
Même en villégiature dans les Laurentides, l’Oreille reste tendue.
Capitale. Mont-Tremblant serait celle du golf.
Gaspille. Le fils aîné de l’Oreille tendue mange beaucoup, et jusqu’à la dernière miette. «Au moins, il n’y aura pas de gaspille», se rassure notre serveuse.
Magasiner. Il y eut d’abord un verbe employé absolument, au sens de faire du shopping : Hier, je suis allé magasiner. Il est devenu transitif direct : «Le problème dans notre culture, c’est que les gens ne magasinent pas assez leurs partenaires !» (la Presse, 17 décembre 2003). Dorénavant, il semble qu’on puisse magasiner sa destination de magasinage.
Quitter. L’ennemi intime de l’Oreille tendue — le verbe quitter utilisé sans complément — la poursuit jusque dans sa chambre d’hôtel.
Ride à l’os. À l’os fait partie de ces particules intensives dont la langue actuelle est si friande (super, extrême, méchant, trop, etc.). Mais le verbe rider (prononcé raïdé) ? Aller vite, ne pas se laisser ralentir, foncer — au propre comme au figuré, avec ou sans moteur. Cela a désormais son festival.