Un panneau, sur l’autoroute entre Montréal et Ottawa, à la hauteur de Saint-Albert : «Le festival de la curd». Ce serait de la famille du fromage.
Trekking linguistique
Il fut un temps où l’Oreille tendue fréquentait avec assiduité les rues de Paris. Elle y revient aujourd’hui, après une absence de cinq ans. Elle y est frappée par la présence massive de l’anglais.
Des films gardent leur titre original (Funny People). La publicité automobile vante «The Only One», le «Nouveau Mini One Clubman». Les boutiques s’appellent Cinebank, The Conran Shop, Bike in Paris ou Star Nails. Les bars offrent qui un «Happy Hour», qui un «Happy Diner». Comme les magasins d’alimentation («Simply Market»), les restaurants, y compris ceux qui vendent des «French Specialties», sont particulièrement touchés : Speed Rabbit Pizza, Coffee India. Et le favori de l’Oreille, pour des raisons qui seront évidentes dans quelques semaines :
Est-ce cet engouement qui explique pareille petite annonce ?
Peut-être…
De deux interprétations l’une. Ou l’Oreille avait oublié; ou les choses ont bel et bien changé. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : elle a parfois l’impression de se trouver à… Bruxelles.
Prendre la route 003
Deux pratiques québécoises qui ne cessent d’étonner l’Oreille tendue : applaudir aux funérailles; applaudir quand son avion atterrit. Façon d’éloigner la mort en la transformant en spectacle ?
[Complément du 14 juillet 2016]
Applaudir en avion, avance @LIndeprimeuse, peut être lourd de conséquences.
[Complément du 4 mars 2018]
Lu ce matin, dans la Presse+ du jour, sous la plume de Marc Cassivi :
Il reste une question qui, pour moi, reste insoluble. Les Québécois applaudissent souvent à l’atterrissage des avions, en particulier au retour de destinations soleil. Je n’ai pas remarqué ce phénomène ailleurs. Pourquoi donc ? Est-ce parce que nous formons une nation si peu confiante en son avenir que nous nous étonnons même de survivre à un vol d’avion ? Une théorie fumeuse à méditer pendant la relâche.
«Insoluble», en effet.
P.-S.—Comme l’indiquent les commentaires ci-dessous, cette pratique n’est pas propre au Québec.
[Complément du 25 avril 2018]
Allons voler du côté de l’Amérique du Sud, avec Juan José Saer :
Entre Rio de Janeiro et Buenos Aires, l’avion se vide de ces Brésiliens aimables et voyants qui, comme s’il s’agissait d’une prouesse inespérée du pilote ou d’un supplément de spectacle non inclus dans le prix du billet, applaudissent aux atterrissages, avec un tel enthousiasme que nous autres Argentins, un peu plus réservés et méfiants, nous nous regardons en dissimulant notre inquiétude et en nous demandant si le pilote, grisé par la popularité de sa manœuvre, n’aura pas l’idée, bien dans la tradition des artistes à succès, d’offrir un bis d’hommage à son public. Modernité et obscurantisme font bon ménage dans les avions : lors des turbulences, on peut voir se signer les hommes d’affaires aussi bien que les top models (le Fleuve sans rives, cité sur Twitter).
[Complément du 6 septembre 2019]
Le romancier François Hébert propose une lecture historique du phénomène :
Un type à la casquette des Canadiens de Montréal [c’est du hockey], il vient de Drummondville d’où viennent la poutine et les chanteurs des Trois Accords, détache sa ceinture, se lève et applaudit le pilote et sa bonne étoile. […] Personne n’aura encore appris à la Casquette à se tenir tranquille. Les gens n’applaudissent plus dans les avions depuis fort longtemps, mais sans doute Orville eut-il raison d’applaudir Wilbur en 1903 quand leur avion a réussi son premier vol (Miniatures indiennes, p. 54-55).
Références
Hébert, François, Miniatures indiennes. Roman, Montréal, Leméac, 2019, 174 p.
Saer, Juan José, le Fleuve sans rives, Paris, Le Tripode, 2018, 340 p. Traduction de Louis Soler.
Prendre la route 002
Un lecteur québecquois de l’Oreille tendue a bien ouvert l’œil pendant ses vacances.
Il a pu constater que l’urbanisation n’est pas un phénomène réservé à la langue française.
De même, il a eu la preuve que l’utilisation intransitive de quitter peut à l’occasion traverser les frontières québécoises.
Enfin, il a découvert une capitale culturelle là où il ne la cherchait peut-être pas.
Il ne faut jamais l’oublier : les voyages forment la jeunesse.
Prendre la route 001
L’Oreille tendue, bien que partie se détendre pendant quelques jours, est restée à l’affût. Cela étant, il lui est arrivé ce qui devait arriver : ses réflexes se sont un brin émoussés.
Ainsi devant ce panneau :
Elle a cru y voir d’abord une invocation écologique : «Ô Bio».
Or ce n’est pas tout à fait cela :
Le bio n’était que billot.
[Complément du 18 juillet 2015]
À Sainte-Luce-sur-Mer, l’Oreille pourrait s’approvisionner / se faire guillotiner à La tête sur le bio (voir ici).