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On lit : «T’en veux une froide ?»
On entend : «T’en veux-tu une froide ?»
Cache ce «tu» que je ne saurais voir.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
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On lit : «T’en veux une froide ?»
On entend : «T’en veux-tu une froide ?»
Cache ce «tu» que je ne saurais voir.
Titre potentiellement sibyllin dans la Presse du 27 mars 2010 : «Le NTE dans la schnoutte» (cahier Arts et spectacles, p. 14). Mais qu’est-il donc arrivé au Nouveau théâtre expérimental ? Qu’est-ce que cette schnoutte ?
Première remarque : la graphie du mot n’est pas fixée. À côté de schnoutte, il y a, au moins, chnoutte.
Deuxième remarque : la chose désignée n’est pas unique, mais une caractéristique unit ses diverses incarnations : la viscosité (plus ou moins grande).
C’est clair dans le spectacle la Fin du NTE tel que décrit dans la Presse : Daniel Brière, le metteur en scène, use «d’une substance semi-liquide aux propriétés étonnantes : une matière malléable, presque vivante et extrêmement salissante que l’équipe de production a affectueusement baptisé la “schnoutte”. Durant le spectacle, il en coulera sur le décor, sur l’aire de jeu et… sur les acteurs.»
Composé d’un «mélange de fécule de maïs et d’eau, augmenté d’un additif utilisé pour conserver l’uniformité des mélanges de yogourt», ce «curieux coulis» a «quelque chose d’incontrôlable et d’organique».
«Incontrôlable» ? Cela vient du fait que la schnoutte est plus ou moins liquide. C’est la raison pour laquelle le mot est parfois utilisé en météorologie : «Aujourd’hui, il va tomber de la schnoutte» (radio de Radio-Canada).
«Organique» ? Voilà pourquoi on peut dire à quelqu’un de manger de la schnoutte, voire un char de schnoutte.
Vu sa polysémie, on utilisera le mot avec sobriété.
P.-S. — Comme le fait remarquer Ephrem Desjardins, chnoutte peut aussi être une interjection. Traduction libre : «Merde !»
[Complément du 5 février 2015]
Graphie rare : «schenoutte» (@_URBANIA).
[Complément du 10 avril 2019]
Le mot peut aussi servir de synonyme à pacotille : «En plus, c’était un magasin qui vendait juste d’la schnout !» (Centre d’achats, p. 68)
Références
Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.
Jimenez, Emmanuelle, Centre d’achats, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 18, 2019, 127 p. Ill. Suivi de David Robichaud, «Contrepoint. Chercher le bonheur, trouver une robe jaune à paillettes».
«Elle avait la superbe des filles qui font de la gymnastique à Lévis.»
Sophie Létourneau, Polaroïds. Récits, Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2006, 166 p., p. 31.
En juin 2009, Gilles Duceppe, le chef du Bloc québécois, proposait un équivalent local du mot redneck : le cou bleu. Il aurait désigné un nationaliste québécois intolérant. Échec : sauf erreur de la part de l’Oreille tendue, ce néologisme n’a eu aucun succès.
Elle ne voit guère d’avenir, non plus, à mobigoinfres, terme proposé par Solveig Godeluck du journal les Échos dans un article intitulé «Les gros utilisateurs d’Internet mobile dérangent les opérateurs» (19 mars 2010). Sans être poétique, l’équivalent anglais, data hogs, a au moins pour lui d’être imagé. Ah ! ce cochon qui se met des données partout !
À la loterie lexicale, il est rare de tirer le billet gagnant.
D’une part, ses études. Ses cours de philosophie au cégep n’ont pas laissé à l’Oreille tendue les souvenirs attendus. Elle en retient cependant un mot, weltanschauung, la vision du monde. (À dix-huit ans, ça sonne fort.)
De l’autre, sa bible, le Dictionnaire Bordas. Pièges et difficultés de la langue française de Jean Girodet, plusieurs fois réédité depuis 1981. Elle y trouve ceci à l’entrée deuxième : «En principe, second doit s’employer quand il y a seulement deux éléments, deuxième quand il y en a plus de deux» (éd. de 1988, p. 237).
Seconde Guerre mondiale ou Deuxième Guerre mondiale ? L’Oreille choisit la seconde expression. C’est dire si elle est optimiste.
[Complément du 29 juillet 2014]
Tous les grammairiens ne s’entendent pas là-dessus, il est vrai : «L’usage a toujours ignoré ces raffinements (que Littré contestait déjà)» (le Bon Usage, douzième édition, § 581 b).
En revanche, écrit @fbon sur Twitter, «ts correcteurs édition respectent».
Le débat reste ouvert.
[Complément du 6 novembre 2015]
«Radio-Canada présente la seconde et dernière saison de Série noire», écrit en titre le quotidien le Devoir du 5 novembre 2015 (p. B9). Un puriste pourrait lui reprocher de faire dans le pléonasme.
[Complément du 6 novembre 2015]
Réponse du quotidien :
[Complément du 17 février 2019]
Pareille distinction existerait-elle en norvégien ? On peut se poser la question en lisant Police, de Jo Nesbø, traduit par Alain Gnaedig :
«Ah merde !» Arnold s’était penché en avant. «Et en troisième lieu ?»
Harry fit signe à Nina qu’il voulait l’addition.
«Est-ce que j’ai parlé d’un troisième lieu ?
— Tu as dit “deuxième”, et pas “second”, comme si tu n’avais pas terminé ton énumération.
— Il va falloir que je fasse plus attention au choix de mes mots» (p. 336).
[Complément du 9 mars 2024]
La narratrice du Roman d’Isoline (2024), de David Turgeon, se tâte :
je ne sais pas encore, Rebecca, si j’écrirai seconde au lieu de deuxième, je connais la règle (enfin je sais que ce n’est pas une règle à proprement parler) mais je ne sais pas
[…]
ce n’était pas une troisième réplique, c’était l’écho de la deuxième
la seconde, en l’occurrence (p. 80-81)
[Complément du 15 novembre 2024]
Joli exemple dans la Presse du 14 novembre 2024 : «Le premier ministre, âgé de 67 ans, a franchi le seuil de la seconde moitié de son deuxième mandat.»
Références
Girodet, Jean, Dictionnaire Bordas. Pièges et difficultés de la langue française, Paris, Bordas, coll. «Les référents», 1988, 896 p. Troisième édition.
Grevisse, Maurice, le Bon Usage. Grammaire française, Paris-Gembloux, Duculot, 1986, xxxvi/1768 p. Douzième édition refondue par André Goose.
Nesbø, Jo, Police. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 762, 2014, 670 p. Traduction d’Alain Gnaedig. Édition originale : 2013.
Turgeon, David, le Roman d’Isoline, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 186, 2024, 196 p.