C’était dans les pages sportives de la Presse du 30 avril (p. 3) : durant la conférence de presse au cours de laquelle Pierre Gauthier, le directeur général des Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, a dressé le bilan annuel de son équipe, il s’est adressé aux journalistes et aux joueurnalistes en les vouvoyant.
Ce que font tous les jours les représentants politiques — s’adresser aux journalistes en respectant une (relative) bienséance — bouleverse les pratiques sportives — là où il fait bon d’être copain-copain avec ceux dont on doit analyser les activités au quotidien.
Pierre Gauthier côtoie l’ex-entraîneur Michel Bergeron depuis des années. Il choisit de le vouvoyer en conférence de presse. C’est «fort déplacé», pontifie un chroniqueur de la Presse. Ce chroniqueur tutoierait-il un élu dans le cadre de ses fonctions ? On peut en douter. Pourquoi ? Parce que ce serait — là, oui — «fort déplacé».
Vous ne faites pas confiance à Stephen Harper, l’ex (?)-premier ministre du Canada ? C’est en effet un Harpercrite, dit @NotLisaRaitt. À chacun, d’ici lundi, jour du scrutin, de se faire son idée.
Vous en avez assez d’entendre les médias et votre entourage vanter la bonne odeur du papier des vrais livres ? Selon Ben Ehrenreich, dans la Los Angeles Review of Books du 18 avril 2011, ils souffrent de bibilionecrophilia, «the retreat of the print-faithful into a sort of autistic fetishization of the book-as-object». Ça devrait les faire taire.
«Le commis me demande si on cherche quelque chose en particulier. Si on cherche quelque chose… Qui est ce on, je ne sais pas. […] L’homme me parle de la température en regardant la flaque s’agrandir à mes pieds, spécifie que c’est inhabituel pour ce temps de l’année. D’où tu viens, qu’il demande du même souffle, moi c’est Robert, si t’as besoin de quoi que ce soit. Je suis passée du on au tu. Cette familiarité déplacée me convient.»
Mélissa Verreault, Voyage léger. Roman, Chicoutimi, La Peuplade, 2011, 219 p., p. 111-112.
À la suite du débat des chefs du 13 avril — il s’agit de politique fédérale canadienne —, l’Oreille tendue s’est penchée sur la langue parlée par les principaux chefs de parti canadiens (c’est ici).
C’était avant de découvrir une publicité électorale quasi chantée, celle du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. Elle existe en version courte (pour la radio) et en version longue (en vidéo, sous le titre «Pour qu’on nous entende parler Québec !»).
L’Oreille se tend triplement à son écoute.
On sent Gilles Duceppe juste sur le point de se mettre à rapper, à suivre vraiment la musique, à jouer de la voix (pour attirer les voix, à coup de «huit millions»). Va-t-il continuer à psalmodier ? Va-t-il au contraire se laisser entraîner par le rythme ? Va-t-il céder au plaisir des rimes ? Elles sont nombreuses, à défaut d’être riches : «Y a des fois où t’avances / T’avances»; «Pourquoi est-ce qu’on fait tout ça ? / Pourquoi je fais tout ça ?»; «Laissez pas les autres occuper toute la place / Laissez-les pas décider à vot’ place»; «Parlez, textez, écrivez, puis surtout, utilisez votre voix, allez voter». Sur la bande vidéo, il ne franchit pas le pas; à la radio, presque.
On ne connaîtra donc pas ses talents d’interprète. On pourra, en revanche, mettre en doute ses capacités en géopolitique. «Ils vont nous entendre parler Québec jusqu’au Canada», dit-il, sur les deux supports. Pourquoi n’a-t-on pas prévenu l’Oreille tendue que l’indépendance la souveraineté du Québec était déjà faite et que la province ne faisait plus partie du Canada ? Ce doit bien être le cas si l’on peut distinguer aussi clairement la partie du tout.
«À la fin de la journée», dit le crypto-rappeur, sur fond de neige fondante. Comme dans ce «At the end of the day» si prisé des anglophones, eux qui forment le «nous» de «nous entendre» ? Cet emprunt serait bien ironique.
Avec ou sans les Canadiens de Montréal, les séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey sont l’occasion de réfléchir à la langue parlée au Québec — pas celle du joueurnaliste Benoît Brunet ni celle des joueurs eux-mêmes, mais celle des publicitaires.
À ce message télévisé, par exemple, dont le texte apparaît à l’écran pendant la diffusion des matchs :
Rafraîchissantes dans les deux sens de la patinoire.
Les dépanneurs Ultramar.
On vous en donne plus.
Question de l’Oreille tendue, peut-être exagérément naïve : avec quoi «Rafraîchissantes» s’accorde-t-il ?