Il y a jadis naguère, l’Oreille tendue était petite. Dans la cour d’école, l’adjectif poche avait largement cours : un jeu pouvait être poche, Untel aussi, l’école indubitablement. Ce n’était pas très grave que quelque chose soit poche, même si le mot était évidemment synonyme de nul, inintéressant, moche, etc.
Elle le croyait tombé en désuétude. Elle se trompait.
Au fil des années récentes, les journaux montréalais l’ont utilisé à l’occasion. La Presse : «Concours “affichage poche”» (22 mars 2005, cahier Actuel, p. 7); «Poche au cube» (5 avril 2007, cahier Arts et spectacles, p. 9); «La vie est poche» (7 avril 2005, cahier Actuel, p. 1). Le Devoir : «L’école full poche» (9 juin 2009, p. A6).
L’Oreille en relève aussi une occurrence la semaine dernière : «“Les victoires morales, c’est poche.” Il importe à Cammalleri que le CH reste uni dans les malheurs» (la Presse, 18 décembre 2009, cahier Sports, p. 2). Qu’avait dit le numéro 13 des Canadiens de Montréal (le CH) en version originale ? «It sucks.»
On trouve même le mot dans la médiocre «adaptation québécoise» de Tintin par Yves Laberge, les Aventures de Tintin. Colocs en stock : «Ah ! j’me trouve poche…» se lamente le héros à la houppe (p. 53).
Cet adjectif a la vie bien plus dure que l’Oreille ne le croyait.
[Complément du 17 mars 2013]
On trouve une variante orthographique : «c’est poch» (la Presse, 16 mars 2013, cahier Arts, p. 2).
[Complément du 13 avril 2015]
Dans la Presse+ du 12 avril, Anabelle Nicoud cite une linguiste française :
«Il est clair qu’il y a un renouvellement du parler des jeunes», croit Marie-Madeleine Bertucci, sociolinguiste, professeure de sciences du langage à l’Université de Cergy-Pontoise. Ainsi, le français oral s’enrichit des influences venues de l’ensemble de la francophonie (l’expression québécoise «poche» semble ainsi faire son arrivée en France), d’expressions tziganes (ces mots se reconnaissent au suffixe -ave : comme «marave» — casser la gueule —, «pourrave» — pourri), de régionalismes français ou encore de l’arabe (le mot «kif» est ainsi entré dans le langage courant).
Référence
Hergé, les Aventures de Tintin. Colocs en stock, Casterman, 2009, 62 p. «Adaptation pour le Québec : Yves Laberge.»