Autopromotion 295

«Présences de Gilles Marcotte», Études françaises, 53, 1, 2017, couverture

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de parler de Gilles Marcotte (1925-2015). Elle le refait dans la plus récente livraison de la revue Études françaises (Presses de l’Université de Montréal) :

«Présences de Gilles Marcotte», Études françaises, 53, 1, 2017, 169 p. Numéro préparé par Micheline Cambron, Pierre Popovic et le Comité de rédaction. ISSN : 0014-2085; ISBN : 978-2-7606-3740-5.

Table des matières

Cambron, Micheline, Pierre Popovic et le Comité de rédaction, «Présentation», p. 5-9. https://doi.org/10.7202/1039558ar

Daunais, Isabelle, «L’essayiste discret», p. 11-22. https://doi.org/10.7202/1039559ar

Dumont, François, «L’étrangeté de la poésie», p. 23-41. https://doi.org/10.7202/1039560ar

Beaudet, Marie-Andrée, «Gilles Marcotte, lecteur du XIXe siècle québécois», p. 43-57. https://doi.org/10.7202/1039561ar

Cambron, Micheline, «Gilles Marcotte, Montréaliste», p. 59-73. https://doi.org/10.7202/1039562ar

Biron, Michel, «La passion du banal», p. 75-89. https://doi.org/10.7202/1039563ar

Popovic, Pierre, «M. Marcotte, Gilles, la sociocritique, l’École de Montréal, le CRIST, et pour suivre…», p. 91-105. https://doi.org/10.7202/1039564ar

Lecture

Marcotte, Gilles, «Clara», p. 109-113. https://doi.org/10.7202/1039565ar

Envois

Brault, Jacques, «Un écrivain et son lecteur», p. 117-120. https://doi.org/10.7202/1039566ar

Melançon, Robert, «L’écrivain», p. 121-123. https://doi.org/10.7202/1039567ar

Brochu, André, «L’un des plus grands», p. 125-130. https://doi.org/10.7202/1039568ar

Lapointe, Martine-Emmanuelle, «Gilles Marcotte au CRILCQ», p. 131-132. https://doi.org/10.7202/1039569ar

Nardout-Lafarge, Élisabeth, «Gilles Marcotte, lecteur de Réjean Ducharme», p. 133-141. https://doi.org/10.7202/1039570ar

Sing, Pamela V., «Un encadrement probablement pas comme les autres», p. 143-146. https://doi.org/10.7202/1039571ar

Melançon, Benoît, «Instantanés», p. 147-152. https://doi.org/10.7202/1039572ar

Nepveu, Pierre, «Monologues extrêmes», p. 153-155. https://doi.org/10.7202/1039573ar

Documents

«Bibliographie des articles de Gilles Marcotte parus à Études françaises», p. 157-158. https://doi.org/10.7202/1039574ar

Collaborateurs, p. 159-164.

Résumés, p. 165-169.

Non, non, non

Les bélugas «décédés» du journal Métro

Non, non, non : ces bélugas sont morts.

Décéder : «Mourir* (personnes). Il est décédé depuis dix ans. […] Employé surtout dans l’Administration ou par euphémisme, au passé composé et au participe passé» (le Petit Robert, édition numérique de 2014).

Répétons-le une fois encore (ce ne sera pas la dernière) : laissez-les mourir.

 

[Complément du 7 juin 2017]

Tout à l’heure, à la radio de Radio-Canada : «19 des 21 caribous sont décédés.» Les caribous sont des bélugas : ils ne décèdent pas; ils meurent.

 

[Complément du 19 juin 2017]

Les buses sont des bélugas : elles ne décèdent pas; elles meurent.

Une «buse décédée», Journal de Montréal, 12 juin 2017

 

[Complément du 4 avril 2018]

Sur les ondes de la radio de Radio-Canada, le 6 août 2012 : le cheval d’Éric Lamaze est «décédé». Non : ce cheval est une buse.

Dans un cabinet de vétérinaire :

«Elle décédera en deux ou trois jours.»
Était-il question d’une chatte ? D’une chienne ? D’une femelle iguane ?
Non. L’experte parlait d’une mite.

La mite est un cheval.

 

[Complément du 2 février 2023]

Les marmottes sont des bélugas.

[Complément du 13 avril 2023]

Entendu à la radio le 6 avril : «Mon lilas est décédé.» Si les animaux ne peuvent pas décéder, les arbres encore moins !

La culture épistolaire d’Emmanuel Macron

Dans son discours du 17 avril à Bercy, Emmanuel Macron, le candidat à l’élection présidentielle française, a cité — ô surprise ! — une lettre de Denis Diderot à Sophie Volland.

C’était à la 48e minute.

Sous les quolibets et les sifflets grivois de la foule — «Mais ne sifflez pas Diderot !» —, Macron évoque, «de mémoire», sourire aux lèvres, sous-entendus à la bouche, la «formidable» lettre du 10 juin 1759 :

Adieu, ma Sophie, bonsoir. Votre cœur ne vous dit-il pas que je suis ici [Diderot est chez Sophie Volland, qui n’y est pas] ? Voilà la première fois que j’écris dans les ténèbres. Cette situation devrait m’inspirer des choses bien tendres. Je n’en éprouve qu’une, c’est que je ne saurais sortir d’ici. L’espoir de vous voir un moment m’y retient, et je continue de vous parler, sans savoir si je forme des caractères. Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime (éd. de 1997, p. 107).

Par souvenir épistolaire interposé, Emmanuel Macron dit à ses électeurs, même les absents («toutes celles et ceux qui ce soir ne sont pas là»), qu’il les aime.

Qui a dit que la culture de la lettre était morte ?

P.-S.—Merci à @PhDidi1713 pour le lien.

P.-P.-S.—Jeune homme, l’Oreille tendue avait cité cette lettre, mais pas dans un meeting politique (1996, p. 212).

 

[Complément du 7 mai 2017]

Dans un de ses deux discours de victoire, celui du Louvre, Emmanuel Macron a dit vouloir défendre «l’esprit des Lumières». Par lettre ?

 

[Complément du 10 juin 2020]

L’Oreille a repris ce texte, sous le titre «Emmanuel Macron, Diderot et Sophie Volland», dans le livre qu’elle a fait paraître au début de 2020, Nos Lumières.

 

[Complément du 27 juillet 2024]

Ceci, dans le quotidien le Monde du jour, sous le titre «Macron tente de renouer le fil avec ses députés» (p. 9) :

Faisant acte d’«humilité», aux dires de l’Élysée, Emmanuel Macron écoute aujourd’hui ses députés et s’excuse presque d’avoir été trop pris par sa fonction pour les recevoir plus souvent. Pour justifier ses absences, et parfois ses silences, «le chef de l’Etat évoque souvent la lettre de Diderot à Sophie Volland», dit-on à l’Élysée, celle où, lorsque la bougie s’éteint et que le philosophe écrit dans le noir, Diderot assure à sa bien-aimée : «Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime.»

Ça devient une habitude.

 

Références

Diderot, Denis, Œuvres. Tome V. Correspondance, Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 1997, xxi/1468 p. Édition établie par Laurent Versini.

Melançon, Benoît, Diderot épistolier. Contribution à une poétique de la lettre familière au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1996, viii/501 p. Préface de Roland Mortier. https://doi.org/1866/11382

Melançon, Benoît, Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 194 p.

Condiment hockeyistique du jour

Anonyme, Pot à moutarde et bock, Japon, vers 1690-vers 1730, Rijksmuseum, Amsterdam

Soit les deux phrases suivantes, l’une et l’autre trouvées sous la plume d’un journaliste sportif du quotidien montréalais la Presse+ :

«St-Louis (accroché) et Desharnais (moutarde) sont punis en même temps. Onze pieds de hockey se retrouvent au cachot» (@MAGodin).

«Price est si économe dans ses gestes que lorsqu’il fait un arrêt spectaculaire, tu sais que ce n’est pas de la moutarde. C’est nécessaire» (@MAGodin).

Quand un sportif en fait trop, quand il exagère, quand il veut en mettre plein la vue, il cède à l’attrait de la moutarde, il en met une couche inutilement. C’est parfois amusant, mais les puristes n’apprécient généralement pas. La modestie a bien meilleur goût.

 

Illustration : Anonyme, Pot à moutarde et bock, Japon, circa 1690-circa 1730, Rijksmuseum, Amsterdam

Craques foisonnantes

La Presse+, 29 septembre 2015

En français québécois, la craque est multiple, par proximité avec l’anglais crack.

Au sens de fissure, d’espace entre deux choses, de fente, de crevasse, elle apparaît dans les endroits les plus divers.

Le construit : «les craques des trottoirs» (Comme des sentinelles, p. 58).

L’anatomie humaine : «À la radio, l’invité de Christiane Charette parle d’“un décolleté de fesses”. Joli nom pour une craque de plombier. ;-)» (@Hortensia68, Twitter, 28 janvier 2010). N.B. Ce qui s’applique aux fesses, fussent-elles de plombier, s’applique aussi aux seins, voire au sexe féminin.

L’enseignement : «Son système, c’est un peu celui qu’exprime Cohen dans ce qui est en passe de devenir un cliché tant on le rabâche : there is a crack in everything, that’s how the light gets in… Catherine enseigne dans les craques du quotidien, de sa routine, dans les craques des jeux des enfants. Bref, son école va de craque en craque» (la Presse, 15 septembre 2012, p. A5).

C’est en ce sens que craque apparaît dans l’expression tomber dans une craque, qui s’utilise dans les milieux de travail pour dire que quelque chose, qui aurait dû être fait, ne l’a pas été : «au bureau, on utilise beaucoup “c’est tombé dans une craque”» (@david_turgeon).

L’adjectif né de cette craque est, évidemment, craqué, et le verbe, craquer.

Si le français de référence connaît la craque au sens de «mensonge par exagération. => hâblerie. Il nous a raconté des craques» (le Petit Robert, éd. numérique de 2014), celui du Québec considère plus volontiers les craques comme des vannes : «Remarque ou allusion désobligeante à l’adresse de qqn. => 2. pique. Lancer, envoyer, balancer une vanne, des vannes à qqn» (bis). On peut donc lâcher une craque comme on lance une vanne.

Celui qui n’a pas toute sa tête est un crackpot, voire un craquepo(t)te : «Et quelques craquepotes comme vous ont trouvé que ça suffisait pour venir jouer les héros en jurant qu’ils sont les assassins» (J’haïs le hockey, p. 88). Ces non-coupables sont manifestement fêlés.

Merci à @revi_redac pour l’illustration, tirée de la Presse+ du 29 septembre 2015.

 

Références

Barcelo, François, J’haïs le hockey. Roman, Montréal, Coups de tête, coll. «Roman noir», 2011, 111 p.

Martel, Jean-Philippe, Comme des sentinelles. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 177 p.