Nostalgie extrême ?

Roy MacGregor, l’Enfant du cimetière, 2009, couverture

Il y a un petit temps que l’Oreille tendue n’est pas allée musarder du côté de l’extrême. Aujourd’hui, chassons-le quand il croise l’oxymore (définition ici).

Cela donne…

un «Anti-extrémisme extrême» (le Devoir, 16-17 avril 2016, p. B1).

un «Minimalisme extrême» (la Presse, 17 mars 2012, cahier «Maison», p. 1).

des «Dépouillements extrêmes» (le Devoir, 19-20 mars 2011, p. E8).

de l’«étapisme extrême» (la Presse, 6 mars 2008, p. A26).

une équipe de crosse qui s’appelle «le mini-Extrême de Sherbrooke», dans l’Enfant du cimetière, de l’excellent Roy MacGregor (2009).

On n’arrête pas le progrès (à mi-chemin).

 

Référence

MacGregor, Roy, l’Enfant du cimetière, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 13, 2009, 164 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2001.

Intégration linguistique

La Presse+, dans son édition du 4 mars, consacre un article à une Tunisienne installée dans un village québécois, Saint-Ubalde de Portneuf. Nawel Hanchi, 30 ans, a été secouée par l’attentat meurtrier commis à la grande mosquée de Québec le 29 janvier 2017. Cela, dit-elle deux fois, lui «a fait de quoi».

Faire de quoi : expression prisée au Québec pour montrer que l’on a été atteint par quelque chose, sans avoir recours à de grandes formules.

Sur le plan linguistique, Nawel Hanchi est bien intégrée.

P.-S. — Léandre Bergeron (1980, p. 400) et Ephrem Desjardins (2002, p. 75) donnent quelque chose comme synonyme de de quoi. C’est juste.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

La concaténation téléphonique

Jean Dubuffet, «Le supplice du téléphone», 1944, Metropolitan Museum of Art

Soit les phrases suivantes :

«Décroche, passe à un autre appel, reviens sur terre» (Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, p. 240).

«Comment ne pas espérer que l’on passe à un autre appel ?» (le Devoir, 3 mars 2017, p. B3)

Passer à un autre appel, donc. Au Québec, l’expression renvoie à la nécessité de laisser tomber, de passer à autre chose.

Pourquoi cette dimension téléphonique (appel) ? À cause de l’habitude des animateurs de tribunes téléphoniques (les lignes ouvertes) d’annoncer la fin d’une conversation et le passage à une autre par la formule «On passe à un autre appel».

 

Illustration : Jean Dubuffet, «Le supplice du téléphone», 1944, Metropolitan Museum of Art, New York

 

Référence

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.