Le bon vieux temps

Le gazon était plus vert avant. La neige était plus blanche avant. Les enfants étaient mieux élevés avant. Les sportifs étaient plus habiles avant.

La preuve ?

Lisons ceci :

Very little science was displayed in either game, the old class of players seem to have died, and their successors are not up in the science of leading off the ball, doubling and carrying it through.

Les joueurs d’autrefois («the old class of players») étaient doués; pas ceux du moment («their successors»).

Cette phrase est tirée de l’article «Skating Scribblings» du Halifax Evening Reporter du 19 février… 1867. On y décrit deux matchs de «ricket», ce sport qui ressemble à notre hockey (mais joué avec une balle). Il y a longtemps que les choses se dégradent sur la glace.

P.-S. — Carl Gidén, Patrick Houda et Jean-Patrice Martel citent ce texte dans leur ouvrage On the Origin of Hockey (p. 15).

 

Référence

Gidén, Carl, Patrick Houda et Jean-Patrice Martel, On the Origin of Hockey, Stockholm et Chambly, Hockey Origin Publishing, 2014, xv/269 p. Ill.

Mea culpa

Denis Coderre, Montréal, 13 août 2015

Le 15 juillet 2009, l’Oreille tendue décrivait un personnage de la faune québécoise, la germaine (celle qui gère et qui mène). Elle insistait sur les deux verbes favoris de celle-ci, opérer et regarder. Elle postulait l’inexistence d’un équivalent masculin, le germain. Peut-être l’Oreille se trompait-elle.

En effet, on a pu le voir hier, il semble y avoir un germain à Montréal, son omnimaire, Denis Coderre.

Insatisfait d’une décision de Postes Canada, celui qu’on appelle aussi l’hypermaire a décidé, marteau-piqueur à la main, de s’en prendre à une dalle de béton : il opérait.

Comment expliquait-il son geste ? En conférence de presse, s’adressant à un groupe de journalistes, il a utilisé plusieurs fois le même verbe, toujours à la deuxième personne du singulier : «ergarde», le geste de Postes Canada était inacceptable.

Un nouveau personnage (linguistique) serait-il né ?

P.-S. — On se souviendra que l’usage de la deuxième personne du singulier pour parler à plusieurs personnes à la fois est un des traits de la langue de garderie au Québec.

Un fou, sa poche

Soit un tweet :

Soit un article savant :

«Un fou dans une poche ! Du théâtre français au début du régime anglais»

Soit un extrait de roman, les Particules de Krause (2010) :

«Bien sûr. Que pouvait-il lui répondre d’autre ? Il avait humé une proie facile. Une jeune femelle en détresse. Et tout ce bazar contenu dans son véhicule trahissait l’urgence d’une solution. Un fou dans une poche» (p. 45).

Un fou dans une poche, donc. Que signifie cette expression québécoise ?

Citons le Wiktionary : «S’emploie pour indiquer qu’il faudrait être fou pour ne pas profiter d’une occasion dont il est question.» Qui dit Un fou dans une poche marque donc, plus généralement, l’évidence d’une situation : cela va de soi.

P.-S. — André-G. Bourassa, dans son article de 1993, emploie l’expression dans le titre, mais pas dans le corps du texte, et jamais il n’en donne le sens : tout le monde va comprendre, bien sûr. Un fou dans une poche !

P.-P.-S. — Il peut arriver, dans la Belle Province, que la poche désigne l’«Enveloppe cutanée des testicules» (le Petit Robert, édition numérique de 2014). Ce n’est pas le cas ici.

 

[Complément du 16 octobre 2022]

Dans les commentaires ci-dessous, un lecteur évoquait, comme étymologie possible, les Fourberies de Scapin, de Molière. Jacques Audet, un personnage de J’étais juste à côté (2022), le roman de Patrick Nicol, va dans le même sens (p. 169).

 

Références

Bourassa, André-G., «Un fou dans une poche ! Du théâtre français au début du régime anglais», Cap-aux-Diamants, 35, automne 1993, p. 26-30. https://id.erudit.org/iderudit/8425ac

Gordon, Sandra, les Corpuscules de Krause. Roman, Montréal, Leméac, 2010, 237 p.

Nicol, Patrick, J’étais juste à côté. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 176, 2022, 192 p.