Trois verbes de la langue de puck

L’Oreille tendue est friande de la langue de puck — c’est du hockey. Elle lui a consacré plusieurs entrées de ce blogue, particulièrement pour son «Dictionnaire des séries», puis un livre.

Ci-dessous, trois verbes qu’on y utilise fréquemment.

Que peut-on compléter au hockey ? Une mise en échec, un échange (une transaction), un dégagement, un blanchissage (un jeu blanc, un zéro), un tir, un tour du chapeau.

Qu’y peut-on servir ? Une mise en échec, un croc-en-jambe (une jambette), une leçon, une feinte, une raclée, un avertissement, un six-pouces, une punition (une pénalité).

Enfin, on peut y sauter : sauter sur un retour de lancer, faire sauter les patins d’un adversaire, sauter une présence ou plusieurs (être cloué sur le banc).

À votre service.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Mon ADN et le tien

Image de l’ADN

C’est parfois une question, comme dans la Presse+ du 14 décembre 2016 : «L’éducation fait-elle partie de notre ADN ?» Cet ADN serait celui du Québec.

Ailleurs, c’est une affirmation : «La question de l’#expertise fait partie de l’ADN de la #philo depuis les Grecs #AcfasC307» (@AcfasScHumaines); «le Canadien [c’est du hockey] est une institution, ça fait partie de notre patrimoine, on a ça dans notre ADN, cela commande des impératifs» (Line Beauchamp).

Certains essaient de le décrire, tels Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel, dans le Code Québec (2016). «Décoder l’ADN de la psyché québécoise», voilà ce que feraient ces auteurs. (Tout le monde n’a pas à être d’accord avec eux.)

Quoi qu’il en soit, l’ADN collectif, c’est devenu un tic. Proposons un moratoire.

P.-S.—@RemiMathis avait raison de s’interroger : «De dire “cela fait partie de notre ADN” fait-il partie de l’ADN des chargés de com’ ?»

P.-P.-S.—Merci à @JulienLefortF d’avoir (re)mis l’Oreille tendue sur la piste de cet ADN-là.

P.-P.-P.-S.—Vous voulez des centaines d’exemples ? Cliquez . (Merci à @revi_redac.)

Néologicocratie du matin

Le suffixe -cratie (du grac kratos, «force», «puissance», selon le Petit Robert) est commun dans la création de nouveaux mots.

S’il existe des pédagocrates (la Presse+, 13 novembre 2016), c’est que la pédagocratie existe.

Au Québec, mais pas seulement, la festivocratie sévit depuis de nombreuses années (le Devoir, 16 février 2009); il y a nombre de festivocrates autour de nous (le Devoir, 5 avril 2013, p. A8). Philippe Muray est passé par là.

Antoine Robitaille, l’éditorialiste du quotidien le Devoir, emploie festivocratie et festivocrate, mais aussi médicalocratie. Le mot désigne la forte présence, au Québec, de médecins dans les hautes sphères du pouvoir (le Devoir, 12 juillet 2014).

On ne la confondra pas avec la sociocratie : ce «mode de gouvernance inventé par l’ingénieur Gerard Endenburg aux Pays-Bas […] existe depuis les années 70. Tout comme l’holacratie, la sociocratie fonctionne selon des cercles de concertation et rejette la pyramide hiérarchique pour les prises de décision» (la Presse, 20 juin 2015, cahier Affaires, p. 9).

Joan Fontcuberta parle d’iconocratie pour notre époque, où l’image «prévaut par-dessus [le sujet photographié]» (le Devoir, 5-6 septembre 2015, p. E1).

Comment dire un «système où les discours et les décisions sont dictés par l’émotion» ? Jean-Jacques Jespers, professeur de journalisme à l’Université libre de Bruxelles, a forgé émocratie (Alteréchos, 15 avril 2016).

Il y a même des gens pour annoncer les néologismes du futur : «Un fait divers isolé = une généralité = une polémique = une loi. On l’appellera dans les manuels l’anecdocratie…» (@Chouyo, 29 avril 2015).

Capotez-vous ?

«Décapotante», publicité automobile, 2012

Il est des mots qui peuvent dire une chose et son contraire. Ainsi, au Québec, d’écœurant, parfois synonyme de très bien, parfois pas du tout.

Capoter est un cas semblable. Voici comment l’Oreille tendue codéfinissait le terme en 2004 dans le Dictionnaire québécois instantané :

1. Beaucoup apprécier, voire tomber en extase. En écoutant le dernier album de Céline, j’ai capoté. Voir débile, extrême, full, hyper, masse (en ~), max, méchant, méga, moyen, os (à l’~), pas à peu près, phat, planche (à ~), super, torcher et über.

2. Devenir fou de rage. En écoutant le dernier album de Céline, j’ai capoté. Voir coche (sauter une ~) et fils (avoir deux ~ qui se touchent) (p. 35).

Pourquoi rappeler cela aujourd’hui ? À cause de ce tweet :

https://twitter.com/machinaecrire/status/810221102320521216

Outre l’emploi absolu (J’ai capoté) et l’emploi intransitif (J’ai capoté sur l’album de Céline), il existerait donc un emploi transitif (J’ai capoté ma vie), qu’on pourrait rapporter au modèle de J’ai pleuré ma vie.

C’est toujours bon à savoir.

 

[Complément du 9 février 2020]

Les anglophones (et les autres) apprécieront le tableau ci-dessus, vu sur Twitter.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture