Citation à méditer

 

Hamburger ou Hamberger (La Malbaie) ?

«[…] les emprunts à n’importe quelle langue, exception faite de l’anglais, reçoivent au Québec un accueil indiscutable. On a bien traduit le hamburger en hambourgeois, mais il ne viendrait certes à personne l’idée saugrenue de proposer des équivalents pour les sushis japonais ou les paninis italiens. Toute innovation provenant d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud ou d’Europe peut être adoptée au Québec avec son nom d’origine, à la condition expresse que ce nom ne soit pas anglais.»

Chantal Bouchard, On n’emprunte qu’aux riches. La valeur sociolinguistique et symbolique des emprunts, Montréal, Fides, coll. «Les grandes conférences», 1999, 40 p., p. 21.

Remarque nostalgique du jour

L’Oreille tendue se baladait hier dans son quartier, N’Didji, quand, devant elle, un groupe d’adolescents anglophones s’est séparé.

Leur formule de salutation ? «Bye. Love you.»

Sans sujet (pas de I), lancée à la cantonade (you), cette adresse révèle que l’amour, ce n’est plus ce que c’était.

Le fossé des générations, encore et toujours, s’élargit devant nos yeux.

Une nouvelle flopée

Publicité de Nespresso, 2015, détail

Irrégulièrement (2009, 2010, 2011, 2013, 2014), l’Oreille tendue fait le ménage de sa corbeille pleine de à saveur, cette manie québécoise. Le moment est de nouveau venu.

Vous êtes dans les affaires ? «À saveur entrepreneuriale» (la Presse, 15 avril 2015, cahier Affaires, p. 13).

Vous faites de la science ? «Plus d’une centaine d’activités à saveur scientifique» (le Devoir, 12 juin 2015, p. B1).

Vous êtes sportif ? «Omnium canadien @RBC : Un week-end à saveur olympique» (@OlympiqueCanada); «UEFA. Une finale de soccer à saveur québécoise» (la Presse, 15 mai 2014, cahier Affaires, p. 2).

Vous voterez bientôt ? «Une publicité à saveur électorale» (le Devoir, 18 juin 2012, p. A10); «C’est un discours à la Nation à saveur électoraliste qu’a prononcé mardi Barack Obama» (le Devoir, 28-29 janvier 2011, p. B1).

Vous voterez très bientôt ? «une publicité à saveur franchement électorale» (le Devoir, 21 août 2012, p. A4).

Vous voterez plus tard ? «Une rentrée à saveur préélectorale pour Stephen Harper» (le Devoir, 15 septembre 2014).

Vous aimez voyager ? «Une cuvée à saveur européenne» (la Presse, 10 mai 2012, cahier Arts, p. 10); «Un printemps à saveur celtique — Les célébrations de la Saint-Patrick — Instantanés BAnQ» (@Andre_Gareau); «un conte de style jeu de rôle à saveur japonaise» (la Presse, 25 avril 2014, cahier Arts, p. 6).

L’écologie vous intéresse ? «Un Q7 à saveur diesel» (la Presse, 23 mars 2008, cahier Auto, p. 16); «Du #StreetArt à saveur environnementale. #Joli» (@FabienDeglise); «Il y a aussi le “marché à saveur de développement durable” http://ddsadcestrie.blogspot.ca/2013/03/marche-lavallee-un-marche-saveur-de.html» (@LucGauvreau).

Tant de saveurs, pas de goût.

Les zeugmes du dimanche matin et de David Goudreault

David Goudreault, la Bête à sa mère, 2015, couverture

«Je lisais, donc. Dans l’autobus, dans mon coin de la cour de récréation, dans les maisons où on me trimbalait, aux toilettes et dans mes insomnies» (p. 20).

«S’ils débusquaient un homme dans sa vie ou dans son appartement sans avoir été prévenus, ça compromettrait le retour de ses enfants» (p. 50).

«J’ai laissé ma mère abandonner ses résistances et sa petite culotte […]» (p. 92).

«Bonne idée d’aller travailler. Ça m’a remonté le moral et le budget» (p. 136).

«Et s’il avait la très mauvaise idée de m’attaquer, j’exécuterais ma menace et lui-même» (p. 150).

«Elle m’embrassait avec beaucoup de passion et de langue» (p. 168).

«J’en étais à ce stade de constatation, fomentant l’idée de l’inviter à prendre un verre et son pied» (p. 183).

«De toute manière, je devais reprendre contact avec elle, en personne et en vitesse» (p. 200).

David Goudreault, la Bête à sa mère, Montréal, Stanké, 2015, 231 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Chronique vestimentaire

T-shirt conçu par doctorak.co

L’Oreille tendue travaille ces jours-ci à son prochain livre; ça s’appellera Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue) et ça devrait paraître en octobre chez son éditeur habituel, Del Busso éditeur.

Elle (re)lit donc des masses de choses sur la langue, dont un article de Pierre Martel paru dans le Devoir du 23 juin 1992, «Contre le séparatisme linguistique» (p. B8).

Elle y (re)découvre que le mot gaminet (tee-shirt ou t-shirt), pour lequel l’Office québécois de la langue française a tant été moqué, n’est pas une invention de l’Office, mais d’un journaliste français, Jacques Cellard, dans les pages du Monde en 1974.

Noëlle Guilloton, dans le Devoir du 29 novembre 1994 (p. A8), ne disait pas autre chose que Pierre Martel.

Les légendes urbaines ont la vie dure.

P.-S. — On peut se passer du gaminet; pas du gaminetiste.

 

[Complément du jour]

 

[Complément du 16 décembre 2017]

Soit la phrase suivante, tirée du roman le Continent de plastique (2016) : «Outre deux vendeurs qui bavardaient, je m’étais trouvé seul dans le magasin, évaluant la marchandise. Rien ne m’allait : chandails échancrés à l’excès, gaminets farcis de logotypes, pulls aux motifs ulcérés» (éd. de 2017, p. 33). Connaissant l’espièglerie stylistique de David Turgeon, son auteur, on peut légitimement présumer qu’il utilise gaminet en toute connaissance de cause.

 

Références

Guilloton, Noëlle, «Hot-dog et tee-shirt», le Devoir, 29 novembre 1994, p. A8.

Martel, Pierre, «Contre le séparatisme linguistique», le Devoir, 23 juin 1992, p. B8.

Turgeon, David, le Continent de plastique. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 16, 2017, 298 p. Édition originale : 2016.