Le niveau baisse ! (1810)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«En 1810, dans un livre sur la chasse, les gens se plaignaient déjà amèrement de la disparition du gibier. Ah c’est pas comme avant. Sous Louis XV, il y avait des lapins, mon cher, et en pagaille. Le niveau baisse; les gens sont de moins en moins intelligents; les jeunes de plus en plus insolents; la langue s’abîme de jour en jour ! et l’innocence ! ne me parlez pas de l’Innocence !

Ça baisse depuis toujours. Ça n’arrête pas de descendre depuis une éternité. On devrait être au fond de la terre. Chaque année, le niveau d’orthographe diminue un peu plus, à ce rythme, on devrait vivre dans des forêts en poussant des petits cris inarticulés.»

Source : Olivier Cadiot, Histoire de la littérature récente. Tome I, Paris, P.O.L, 2016, 192 p., p. 29.

(Merci à Julien Lefort-Favreau pour la citation.)

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

L’art de bien (se) conduire

C’est de notoriété publique : l’Oreille s’intéresse depuis fort longtemps (voir ci-dessous) aux représentations de la fornication dans les moyens de transport.

Elle n’a donc pu que se tendre devant ce tweet :

S’accoupler dans un véhicule («a couple engaged in coitus»), elle voit à peu près comment. Mais en conduisant («while driving») ? Voilà qui n’est pas banal, foi d’Oreille.

P.-S. — L’Oreille est furieuse contre elle-même. Il y a jadis naguère, elle a lu une scène de fornication en moto, pendant que la moto roulait, dans un roman policier français. (Quelqu’un finissait décapité, si son souvenir est bon.) Elle est infoutue de retrouver le titre de ce roman. Elle s’en veut gros.

 

Référence

Melançon, Benoît, «Faire catleya au XVIIIe siècle», Études françaises, 32, 2, automne 1996, p. 65-81. https://doi.org/1866/28660

Leçon de langue journalistique du jour

Arnaldur Indridason, le Lagon noir, 2016, couverture

«— D’ailleurs, je ne manque pas d’occupation, j’ai mille choses à faire, reprit Rudolf, comme pour se justifier. Je suis free-lance. Pour le Journal des marins, enfin, ce genre de truc. J’ai entendu dire qu’ils voulaient me demander de revenir à la rédaction, ce n’est qu’une question de temps…

— Free-lance ? interrogea Erlendur.

— Oui, free-lance.

— Ce qui veut dire… ?

— Vous ne savez pas ce que veut dire free-lance, mon vieux ? s’agaça Rudolf, un peu plus réveillé.

— Vous voulez dire que vous êtes pigiste ? demanda Erlendur.»

Arnaldur Indridason, le Lagon noir, Paris, Métailié, coll. «Métailié noir. Bibliothèque nordique», 2016, 317 p., p. 117-118. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2014.

Plus ça change ?

Journal Vaillant, 870, 14 janvier 1962, couverture

Le 14 janvier 1962, en couverture de sa 870e livraison, Vaillant, «Le journal le plus captivant», annonce : «En page 23 : Les joies du hockey sur glace… Pour un crâne fendu, dix minutes de prison.» À côté de ce texte, une photo, saisie durant un match, de joueurs des Rangers de New York et des Canadiens de Montréal, dont Bernard «Boum-Boum» Geoffrion. Le choix de ce joueur et de ces équipes n’est pas innocent : ledit Geoffrion avait été suspendu, durant la saison 1953-1954, pour avoir frappé un joueur à la tête à coups de bâton, en l’occurrence Ron Murphy des… Rangers.

S’il est vrai que l’on peut parfois n’être envoyé en «prison» (on dirait aujourd’hui au «cachot») que pour dix minutes, même après avoir «fendu» le crâne d’un adversaire, ce n’est, heureusement, pas toujours le cas. Les punitions peuvent être plus sévères. (Elles ne le sont pas toujours.) Ce sont «Les joies du hockey sur glace…»

P.-S. — Du Journal Vaillant est né, en 1969, Pif gadget.