Citation métaphoricopolitique du jour

George Lakoff et Mark Johnson, les Métaphores dans la vie quotidienne, 1985, couverture

«Comme Charlotte Linde me l’a fait remarquer, qu’il s’agisse de politique nationale ou d’interaction quotidienne, ceux qui possèdent le pouvoir réussissent à imposer leurs métaphores.»

George Lakoff et Mark Johnson, les Métaphores dans la vie quotidienne, traduction de Michel Defornel avec la collaboration de Jean-Jacques Lecercle, Paris, Éditions de Minuit, 1985, 249 p., p. 167-168. Édition originale : 1980.

Ce que peuvent parfois cacher les mots

Couverture de l’édition canadienne de Sports Illustrated, décembre 2014

P.K. Subban est un défenseur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey. À la suite d’un match récent qu’il a aidé son équipe à remporter, il a été l’objet de commentaires racistes sur les médias sociaux. P.K. Subban est noir. Plusieurs, à juste titre, ont publiquement dénoncé ces comportements.

Sur un plan légèrement différent, mais en lien avec ce qui précède, Yves Boisvert écrit ce qui suit dans la Presse du 7 mai (cahier Sports, p. 4) :

Dans tous les autres sports majeurs, les Noirs sont rois et maîtres ou très, très nombreux dans l’élite. Le hockey ? Il est blanc comme le dos de Lars Eller. J’ai toujours pensé qu’un fond de racisme plus ou moins inconscient teintait les commentaires au sujet de Subban. Ça sourd ici et là dans les critiques excessives. Et même chez ceux qui le louangent. En as-tu assez comme moi d’entendre dire «P.K., c’est un pur sang !» Dit-on ça des joueurs blancs au talent brut pas tout à fait poli ? Le racisme renvoie l’homme de l’autre race à une forme d’animalité, soit pour l’abaisser, soit pour le glorifier.

Les propos de Boisvert rappellent ceux de George F. Will, s’agissant d’un joueur de baseball noir, dans Men at Work (éd. de 1991).

[Willie] Mays received much praise for his baserunning «instincts». But again, such praise often is veiled — and not very well veiled — condescension. Mays’s «instincts» were actually the result of meticulous work (p. 227).

Will parle de «condescendance», pas de racisme, mais on voit bien qu’on est devant un phénomène semblable : associer à un groupe minoritaire des caractéristiques réputées «naturelles».

La langue classe.

P.-S. — Sur Twitter, @cestepatent répond à Yves Boisvert qu’on a déjà utilisé la même expression, mais en anglais (thoroughbred), pour désigner un autre joueur des Canadiens, le gardien de but Carey Price. Il est vrai que Price n’est pas noir. Il est amérindien…

 

[Complément du 9 mai 2014]

Sur Twitter, @DoCharron attire l’attention de l’Oreille tendue sur un article du Guardian : une revue australienne a dû s’excuser récemment d’avoir parlé du «apeish face» (visage simiesque) d’un surfer… autochtone.

 

Référence

Will, George F., Men at Work. The Craft of Baseball, New York, HarperPerennial, 1991, ix/353 p. Ill. Édition originale : 1990.

Dégustation à l’aveugle

Demandez qu’on vous serve un texte sans vous en indiquer l’auteur.

Essayez d’y repérer la présence conjointe des expressions / formulations suivantes :

la locution adverbiale non seulement suivie d’une inversion du verbe et du sujet (non seulement pontifiait-il);

le verbe identifier utilisé à toutes les sauces (il a identifié sa problématique);

l’expression faire en sorte mise pour faire (son imbibition pendant le match des Canadiens a fait en sorte qu’il a manqué la remontée de son équipe);

l’expression au niveau de pour tout et pour rien (j’aime la langue au niveau de ses clichés);

le verbe se vouloir employé avec un sujet inanimé (son blogue se voulait comique);

comme étant là où comme tout seul ferait parfaitement l’affaire (vous ne considérerez pas cette expression comme étant nécessaire).

99 fois sur 100, vous serez en train de lire un texte québécois.

Se le calmer

Tweet, l’autre jour, de @jacquescostaud, sous la rubrique #québécismes :

Entendu @PaulArcand : Il a voulu lui faire sa fête, on lui a dit de se calmer le pompon.

Pompon à calmer ?

L’Oreille tendue, en 2004, dans le Dictionnaire québécois instantané, proposait deux définitions à pompon.

1. En avoir plein le ~ ou ras le ~. En avoir assez. Céline en a plein le pompon des journalistes.

2. Se calmer le ~. Ne plus s’énerver. «Garderies à 5 $ : on se calme le pompon» (la Presse, 3 juin 2003). Voir nez (respirer par le ~).

P.-S. — Au moment d’aller sous presse (façon de parler), l’Oreille tendue ne connaissait pas encore le résultat du match d’hier soir entre les Canadiens de Montréal et les Bruins de Boston — c’est du hockey. De deux choses l’une. Les Canadiens ont gagné : on se calme le pompon; il reste encore deux matchs à gagner pour remporter cette série éliminatoire. Les Canadiens ont perdu : on se calme le pompon; l’équipe a toujours l’avantage de la glace (façon de parler).

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture