Le vernaculaire du Devoir

Les audiences de la Commission (québécoise) d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction — la Commission Charbonneau, du nom de la juge qui la préside — permettent d’apprendre des masses de choses, et pas seulement sur la corruption et le copinage.

L’autre jour, on a ainsi appris, grâce à l’écoute électronique, que l’ex-président d’un des plus gros syndicats du Québec, la Fédération des travailleurs du Québec, était à tu et à toi avec l’ex-premier ministre du Québec.

Extrait d’une conversation entre Michel Arsenault et Jean Charest : «La marde va frapper la fan tantôt, Monsieur le Premier Ministre» (le Devoir, 30 janvier 2014, p. A1).

Grâce à la commission Charbonneau, on apprend aussi des choses sur la conception de la langue du quotidien le Devoir.

La marde va frapper la fan est un calque de l’anglais The shit will hit the fan. On notera que le Devoir accepte marde comme un mot de la langue vernaculaire du Québec (il n’est pas mis en italique), mais pas fan (qui l’est).

La corruption mène à tout.

 

[Complément du 4 février 2014]

Contexte : cette façon de traiter la marde est nouvelle au Devoir; voir ici.

Syndicalonécrozoophilie

Les bénéficiaires de l’Oreille tendue connaissent les crosseurs : ceux qui s’autosatisfont, ceux qui trompent les autres, ceux qui se promènent à moto. Il en est d’autres espèces, plus spécialisées.

La semaine dernière, l’ancien président de la Fédération des travailleurs du Québec, Michel Arsenault, témoignait devant la Commission (québécoise) d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction — la Commission Charbonneau, du nom de la juge qui la préside. Son témoignage a entraîné le commentaire suivant de Lino Zambito, lui-même déjà entendu par la commission :

Crosseur de poules mortes

(Merci au tumblr de La soirée est (encore) jeune pour cette découverte.)

Il y aurait donc des gens, dont l’ex-président de la FTQ, qui branleraient des gallinacés décédés.

Cela entraîne nombre de questions. Pourquoi la poule et pas le coq ? Le gallinacé mort répond-il à ce genre de caresses ? Le pluriel de poules mortes est-il justifié ? Est-ce plus grave d’être un crosseur de poule(s) morte(s) qu’un crosseur de poule(s) vivante(s) ? Quels sont les traits qui permettent de repérer le crosseur de poules mortes (Michel Arsenault en a «l’air») ?

Tant d’interrogations, si peu d’heures.

 

[Complément du 24 octobre 2019]

Lu dans le Soleil du 21 octobre : «En ligne dès jeudi sur l’Extra d’ICI Tou.tv avant d’apparaître sur ICI Télé l’hiver prochain, Faits divers 3 conjugue deux thèmes inusités : le “crossage” de dindons — oui, oui, ça existe — et le kidnapping d’humains par des extraterrestres.»

Morts ou vivants, les dindons ?

Citation politique du jour

Il vient d’y avoir des élections en Thaïlande.

En 2009, l’Oreille tendue publiait un tout petit livre intitulé Bangkok. Notes de voyage.

Extrait (p. 24) :

Parmi les uniformes, il y a celui des militaires. L’armée n’est jamais loin. L’histoire politique récente en témoigne : dix-huit coups d’État depuis 1932, les plus récents en 1976, 1991 et 2006; la répression sanglante contre les communistes du Sud musulman. La menace est réelle, mais diffuse. Pour le dire avec Manuel Vázquez Montalbán : «Ils étaient en démocratie surveillée, en dictature démocratique, en monarchie constitutionnelle militarisée» (Les oiseaux de Bangkok).

Les choses ne paraissent pas beaucoup changer.

 

Références

Melançon, Benoît, Bangkok. Notes de voyage, Montréal, Del Busso éditeur, coll. «Passeport», 2009, 62 p. Quinze photographies en noir et blanc.

Montalbán, Manuel Vázquez, les Oiseaux de Bangkok, Paris, Seuil, coll. «10/18», série «Grands détectives», 2163, 1987, 360 p. Traduction de Michèle Gazier. Édition originale : 1983.

Benoît Melançon, Bangkok, 2009, couverture