Chantons la langue avec Georges Langford

Georges Langford, Acadiana, disque

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Georges Langford, «Acadiana», album Acadiana, 1975

 

C’est en arrière des Kentucky
Dans les bébelles et les cochonneries
Que j’ai trouvé de ma parenté
Au beau milieu des États-unis
Le highway mène au mardi gras
Chez les cadjuns d’la Louisiane
Mais la route qui mène aux États
A traverse un grand embarras
Je l’ai cherché au bord des bayous
De New-Orleans jusqu’à Mamou
Était cachée dans sa Chevrolet
Je l’ai trouvé dans son coup d’archet
Le highway mène au mardi gras
Chez les cadjuns d’la Louisiane
Mais la route qui mène aux États
A traverse un grand embarras
Quand y s’est mis à parler français
C’était une langue que j’connaissais pas
À mesure que j’le comprenais
C’était lui qui m’comprenait pas
Le highway mène au mardi gras
Chez les cadjuns d’la Louisiane
Mais la route qui mène aux États
A traverse un grand embarras
C’est au bal qu’on s’est bien compris
Vous demanderez aux joueurs de violons
Ainsi qu’au gars qui pousse les p’tits cris
Au triangle et à l’accordéon
Le highway mène au mardi gras
Chez les cadjuns d’la Louisiane
Mais la route qui mène aux États
A traverse un grand embarras
De Bâton Rouge jusqu’à Lafayette
Les Acadiens swinguent d’la boîte à bois
Mais l’Acadie joue à la cachette
Des soirs on la voit quasiment pas
Le highway mène au mardi gras
Chez les cadjuns d’la Louisiane
Mais la route qui mène aux États
A traverse un grand embarras
Le highway mène au mardi gras
Chez les cadjuns d’la Louisiane
Mais la route qui mène aux États
A traverse un grand embarras
Le highway mène au mardi gras
Chez les cadjuns d’la Louisiane
Mais la route qui mène aux États
A traverse un grand embarras

 

Chantons la langue avec Les Hôtesses d’Hilaire

Les Hôtesses d’Hilaire, Touche-moi pas là, 2015

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Les Hôtesses d’Hilaire, «Super Chiac Baby», Touche-moi pas là, 2015

 

Fifty-fifty, cinquante-cinquante, fifty-fifty,
Trois pour cinq piasses,
Quatre pour dix, three for five, four for ten.
Aille ma belle ’tite madame avec le beau sourire là-bas,
Un p’tit cinquante-cinquante hein ?
Ça changerait votre vie. Big prizes, big money
Gros prix, grosse argent à soir.
Monsieur là-bas, big buddy how are ya ?
Looking there you’re looking good
Why don’t you want some tickets ? Three for five dollars.
Come over here my friend
C’est porter une bonne cause, cinquante-cinquante.
Le Nouveau-Brunswick,
La seule province officiellement bilingue du Canada anglais,
It’s a good cause
Ladies and gentlemen, venez icitte, cinquante-cinquante.
Buy your big tickets, buy your big winner
Cinquante-cinquante, fifty-fifty.
Look at you beautiful darling, come over here
Cinquante-cinquante,
C’est ça qu’on me dit, moé je couche sul couch pis elle dans l’lit
Alright
Hey who wants to get some money, who wants to change their life ?
We are the dream
(The great Canadian Dream)
On marche main dans la main
(You’ll learn French demain)
Worry pas ta brain
(We’re now a big family)
Depuis qu’c’est officiel
(We French kiss au septième ciel)
Marié devant la loi
(Un lobster roll pour toi, une guédille pour moi)
Les Anglos, les Acadiens
(We are like all cousins)
What a beautiful story
(We are swimming in a magical love gravy)
Allons faire des babies
(Dans toute le reste du pays)
Viens voir le Newbie
(Nouveau-Brunswick)
Come and see the Bay of Fundy
(Nouveau-Brunswick)
Montrons tous par exemple
(Nouveau-Brunswick)
In a school bus dans les deux langues
(Nouveau-Brunswick)
Viens toucher à l’eau la plus chaude au sud de l’Arctique
(Nouveau-Brunswick)
Come and see la Côte magnétique
(Nouveau-Brunswick)
Let’s all dance together
(Nouveau-Brunswick)
Être ici on le peut
(Oooooh…)

We are the dream
The Pierre Elliott, la crème of the cream
Long live le bilinguisme
(Yeah…)
And thank you and come again my friend
Be in this place oh yes we can
(Uh huh)
I’ll French you right on the English
Come on ! We have the same lips
Let’s make love, faisons l’amour
(Baby)
All over our bodies
(That’s right)
Come on the rest of the country is watching
Take off your Bible belt
(Baby)
Let’s make love in the streets
It’s gonna get slippery
Let’s open the gene pool
And make
A Super
Chiac
Baby !
Super Chiac !
(Uh Huh)
Super Chiac Baby !
(Baby)
Super Chiac !
(That’s right)
Super Chiac Baby !

Super Chiac !
Super Chiac !
Super Chiac !
Super Chiac Baby !

Voulez-vous être servi en anglais ou en français ?

 

Chantons la langue avec Radio Radio

Radio Radio, «Deux langues», 2021, illustration

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Radio Radio, «Deux langues», 2021

 

En deux langues

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue

Bi bi bilingue
Bi bi bilingue
Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue

As-tu mêlé ta langue
Peux-tu parler la langue
Que l’monde parle
Partout là !

Deux langues
Une maternelle
L’aut’ seconde
Mais attends une s’conde !

Trente secondes c’est tout ça prend
Jacobus pis Malenfant
Une gang de profs
Pis des étudiants
Point la langue dans poche
Fonce va vers l’avant

Ha

Bilingue
C’comme gagner l’gros lot
Un ou l’autre j’adore
On en parle dehors

As-tu faim pour des pineapples
Non chus bon
Ej veux un ananas
Maintenant !

Les racines sont creuses
La culture est riche
Les langues qui nous unis
C’est ça qu’est fantastique

Deux ou plus
J’en veux plus
Sais-tu que bilingue
C’est ça qui est marvelous

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue
I get it

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue

Tu parles
J’écoute
You speak
I listen

Je parle
T’écoutes
I speak
You listen

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue
J’comprends

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue

Tu parles
J’écoute
You speak
I listen

Je parle
T’écoutes
I speak
You listen

Tu parles les deux langues ?
Je parle les deux langues
Avec mes langues
J’suis down to switch
Yessir !

Temps qu’on switch
Pour faire not’pitch
Faut qu’on l’teste de l’Est à l’Ouest
Bienvenue à la visite
Dis-moi qu’est-ce tu penses d’icitte

Discuter avec un Tims su’l’coin
Mine de rien y fait frette à matin
So warm-toi up
Quand t’es bin dans le bain
Ça rouvre les portes
Pis là on fait des ponts

Double double
Multi lingual
Double double
Plus qu’une langue
Double double
I’m in love
Double double
Ça c’est fine

Oui ça c’est fine
Choisis ta line
Une tonne de mots qui nous unit
Pis nous define

Oui on est back
Point sur l’attack
La culture c’est des ponts
Everything else c’est wack

Oui on est back
Point sur l’attack
La culture c’est des ponts
Everything else c’est wack

Pour s’promener
Pour s’envoler
Pour te d’mander
«Comment allait ta journée ?»

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue
I get it

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue

Tu parles
J’écoute
You speak
I listen

Je parle
T’écoutes
I speak
You listen

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue

Bi bi bilingue
Y y y
Faut êt’ bilingue

Bilingue
Bilingue
Bilingue
On va êt’ bilingue

 

Insécurité linguistique 101

Annette Boudreau, Insécurité linguistique dans la francophonie, 2023, couverture

«l’insécurité linguistique n’est pas une tare»

Qu’est-ce que l’insécurité linguistique ? Dans un court ouvrage de vulgarisation, Insécurité linguistique dans la francophonie (2023), la sociolinguiste acadienne Annette Boudreau propose plusieurs approches de cette question.

Parmi les définitions avancées, reprenons la première :

L’insécurité linguistique peut se caractériser comme une forme de malaise, plus ou moins accentué selon les personnes, lié à la crainte de ne pas parler sa langue comme il se doit ou selon la norme prescrite dans certaines situations. Elle est donc rattachée aux représentations qu’un groupe de gens ou que l’individu entretient à l’égard de sa/ses langues et celles des autres. Ces représentations sont fluctuantes chez un même individu qui peut se représenter sa langue positivement ou négativement selon les situations d’interactions dans lesquelles il se trouve. En même temps, ces représentations peuvent être partagées, inégalement, par les membres de sa communauté linguistique qui ont grosso modo les mêmes idées sur les langues qui les entourent, y compris la leur. Ces images mentales sont marquées par le milieu dans lequel elles apparaissent et sont traversées par les histoires des individus et de leurs collectivités, ce qui leur confère un certain degré de stabilité, stabilité qui sera plus forte dans les milieux plus homogènes, dans les milieux sociaux où les liens sont plus serrés, comparativement aux milieux urbains, par exemple, où se trouve une plus grande diversité de langues et de personnes aux doubles ou triples appartenances. Les représentations nourries à l’égard des langues sont tributaires des idéologies politiques et sociales qui circulent sur les langues, idéologies qui se traduisent par la cimentation de certains jugements sur la langue qui paraissent comme vrais et naturels. Par ailleurs, l’insécurité linguistique est fortement liée aux discriminations tenues sur les manières de parler des gens, procédé nommé «glottophobie» par Philippe Blanchet (2016); elle en est souvent la conséquence […] (p. 1-2).

Cette insécurité renvoie à des relations de pouvoir et à des interrogations identitaires, et, pour cette raison, elle peut se manifester dans toutes les langues, mais elle est particulièrement active en français. Cette langue est plus centralisée que d’autres et les relations du centre et de la périphérie sont déterminantes pour comprendre les formes de l’insécurité linguistique.

Boudreau trace l’historique du concept depuis les années 1970. Elle présente les travaux des principaux chercheurs à l’avoir exploré : William Labov, Pierre Bourdieu, Michel Francard, Philippe Blanchet, Charles Ferguson (malheureusement rebaptisé Fergusson…), Robert Lafont, Jean-Marie Klinkenberg, Louis-Jean Calvet, Françoise Gadet. Son approche est pédagogique : les chapitres sont courts, les sous-titres nombreux, les définitions précises («pratiques langagières», «répertoire linguistique», «langue standard», «langue légitime», «hypercorrection» et «hypocorrection», «marchés linguistiques», «glottophobie», «diglossie», «non-langue», etc.). Certaines de ses formules font mouche : «la stigmatisation produit une auto-stigmatisation» (p. 1); «Pratiquer le silence est une manière de dire sans dire […]» (p. 7); l’accent est «le premier lieu de la rencontre avec la différence» (p. 45). Elle aborde aussi bien les représentations que les comportements linguistiques. Ses exemples sont bien choisis.

Contre l’«idéologie du standard» (passim), «la vision monolithique du français» (p. 8), la «vision hégémonique de la langue» (p. 45), la «vision essentialiste et unitariste du français» (p. 51), l’autrice défend une position ferme :

S’il est essentiel de travailler sur les idées reçues pour réduire l’insécurité linguistique, il est tout aussi important de donner aux personnes les outils linguistiques nécessaires pour acquérir les divers registres exigés pour naviguer sur les marchés linguistiques régionaux, nationaux et internationaux, outils qui, conjugués avec une attitude acceptant les formes différenciées du français, permettront d’atténuer l’insécurité linguistique (p. 63).

Suivons-la.

P.-S.—L’Oreille tendue, on le sait, est volontiers pointilleuse. Il lui faut ici déplorer une syntaxe trop souvent raboteuse, quelques coquilles, une erreur de date (le rapport de l’abbé Grégoire date de la fin du XVIIIe siècle, pas du XIXe, p. 50), un nom propre écorché. Ce n’est pas la fin du monde, mais ça nuit à l’efficacité de ce livre par ailleurs si utile.

P.-P.-S.—Annette Boudreau a aussi écrit d’autres ouvrages sur le même sujet : Dire le silence (2021) et Parler comme du monde (2024).

P.-P.-P.S.—En effet, ce n’est pas la première fois que l’Oreille aborde la question de l’insécurité linguistique. Voyez ici et .

 

Références

Boudreau, Annette, Dire le silence. Insécurité linguistique en Acadie 1867-1970, Sudbury, Prise de parole, coll. «Agora», 2021, 228 p.

Boudreau, Annette, Insécurité linguistique dans la francophonie, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, coll. «101», 2023, vii/76 p.

Boudreau, Annette, Parler comme du monde, Sudbury, Prise de parole, coll. «Essai», 2024, 177 p.

Autopromotion 676

Cahiers internationaux de sociolinguistique, 21, 2022, couverture

Sous la direction de Dorothée Aquino-Weber et Sara Cotelli Kureth, les Cahiers internationaux de sociolinguistique consacrent leur 21e livraison aux «Chroniques de langage dans la francophonie» (147 p., ISBN : 978-2-14-030354-8). L’Oreille tendue a le plaisir d’en être; merci aux éditrices de lui avoir donné l’occasion de raconter sa vie.

 

Table des matières

 

Cotelli Kureth, Sara et Dorothée Aquino-Weber, «Les chroniques de langage dans la Francophonie : état des lieux», p. 7-35

 

Partie 1 : Témoignages de chroniqueuses et chroniqueurs

Feltin-Palas, Michel, «Par amour de la diversité culturelle», p. 39-43

Francard, Michel, «Heurts et bonheurs d’un chroniqueur de langue», p. 45-50

Gasquet-Cyrus, Médéric, «“Dites-le en marseillais”, la vulgarisation linguistique par le divertissement», p. 51-57

Matthey, Marinette, «Mais pourquoi des chroniques de langage ?», p. 59-66

Melançon, Benoît, «De Montréal, tendre l’oreille», p. 67-71

Nadeau, Jean-Benoît, «Pourquoi je chronique», p. 73-77

 

Partie 2 : Les chroniques de langage dans la Francophonie : analyses

Gauvin, Karine, «À propos des chroniques de langage en Acadie», p. 81-102

Aquino-Weber, Dorothée et Sara Cotelli Kureth, «Les régionalismes dans les chroniques de langage de Suisse romande : un premier aperçu», p. 103-127

Dister, Anne, «Maurice Grevisse et André Goosse : du bon usage au français universel», p. 129-145

 

[Complément du 1er février 2023]

Le numéro est désormais disponible en ligne ici.

 

[Complément du 30 août 2023]

Le texte de l’Oreille tendue se trouve également .