De l’inégalité des langues

Westmount était une ville sur l’île de Montréal. Brièvement, elle en a été un arrondissement. Elle est aujourd’hui une de ces villes que l’on dit défusionnées.

Des élections s’y tiendront le 3 novembre.

Philip A. Cutler est candidat. Voici une de ses publicités.

Philip A. Cutler, Westmount

On notera la symétrie linguistique : «Votez» / «Vote», «Conseil Municipal» / «City Council».

On notera aussi qu’elle n’est pas complète : la date est présentée à l’anglo-saxonne («Nov. 3 2013») et le nom du groupe Facebook est en anglais (facebook.com/VoteCutler), à moins que le candidat n’ait choisi de s’adresser à ses électeurs à la deuxième personne du singulier.

Le slogan est encore plus intéressant : «Everyone gets a say in OUR city !» Tout le monde a le droit de se prononcer à Westmount. En anglais seulement ?

Éloigné tout près

Les Radios francophones publiques coproduisent l’émission les Chedid : les chiens ne font pas des chats. Comment rendre l’expression les chiens ne font pas des chats en anglais ? The apple does not fall far from the tree. En français, des animaux; en anglais, un fruit. La traduction des tournures idiomatiques est, pour l’Oreille tendue, source d’étonnement renouvelé.

Quelqu’un n’arrive pas à faire quelque chose parce qu’il n’est pas très malin. Au Québec, on dira que ça ne prend pourtant pas la tête à Papineau. Dans le monde anglo-saxon : ce que cette personne a à faire is not exactly rocket science.

Termium plus, «La banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada», donne c’est en forgeant qu’on devient forgeron pour practice makes perfect (merci à @jeansylvaindube).

Vous voulez faire avorter un projet ? Vous le tuez dans l’œuf. Autrement dit, you nip it in the bud.

Des heures de plaisir.

Néologie littéraire du mercredi matin

On connaissait la chick lit. Selon The Atlantic, cette forme littéraire gyno-urbaine serait désormais remplacée par la farm lit : les jeunes héroïnes quitteraient la ville pour la campagne. En Australie, on serait plutôt passé de la chick lit à la chook lit (chook y signifiant chicken [poulet]).

Le mot twittérature (la littérature par / sur Twitter) est devenu suffisamment commun pour que puisse exister un Institut de twittérature comparée.

Il n’est pas sûr qu’il en aille de même pour narcolittérature. La 52e livraison de la revue l’Inconvénient contient un article de Jorge Volpi sur ce «nouveau stéréotype» pour désigner un genre pratiqué en Colombie et au Mexique.

On n’arrête pas le progrès.

Avant / Après

Le transporteur aérien Porter publie cette publicité dans le Devoir du 3 juin 2013 (p. A5) :

Le Devoir, 3 juin 2013

Lui a-t-on fait remarquer que la présence de «brag», de 13 h 30 à 15 h, entre parenthèses, était inutile dans un journal francophone ?

(Ce n’est pas pour se vanter [brag], mais l’Oreille tendue avait repéré cette parenthèse dès le 3 juin. Discrète comme toujours, elle n’a rien dit.)

Toujours est-il que dans le même journal, le 6 juin (p. A5), la parenthèse et son contenu ont disparu :

Le Devoir, 6 juin 2013

Bref, publicité (enfin) sans trace de bilinguisme.

P.-S. — Porter ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin : dans les deux pubs, il y a la phrase «Porter peut exiger un achat 21 l’avance»…