Citation épistolaire de la veille de Noël

Robert Benchley, Pourquoi je déteste Noël, 2011, couverture

«On a retrouvé une carte, datée de 1938, qui disait :

En cette veille de Noël, je veux que tu sois conscient
Que si tu ne déposes pas 50 000 $ dans la boîte 111
avant le Nouvel An,
Je vendrai tes lettres, espèce d’escroc, au plus offrant

Robert Benchley, Pourquoi je déteste Noël, Paris, Wombat, coll. «Les Insensés», 2011, 89 p., p. 26. Traduction de Frédéric Brument.

P.-S. — On a beau dire : les traditions se perdent.

Langues métissées du jour

Les langues ne sont pas des essences; ce sont des objets historiques. La preuve ?

La Lettre d’information numéro 42, de septembre-octobre 2011, de l’Observatoire européen du plurilinguisme annonce une mutation linguistique dans l’hémisphère sud : «Autre signe des temps : une lingua franca, connu sous le nom de portugnol, mélange d’espagnol et de portugais fait son apparition depuis une dizaine d’années en Amérique latine.»

Dans les Voix des Français. Volume 2. En parlant, en écrivant (Peter Lang, 2011), Elisabeth Ngo Ngok-Graux étudie «Le camfranglais dans l’imaginaire linguistique des habitants de Douala». Au Cameroun, en effet, l’anglais et le français se croisent.

Les langues vivent, sous nos yeux. C’est comme ça.

La langue des machines

Walter Isaacson, Steve Jobs, 2011, couverture

L’Oreille tendue est en train de lire la biographie de Steve Jobs par Walter Isaacson (2011). Deux portraits y sont contrastés, et frappants par leur rapport aux machines.

Daniel Kottke, le meilleur ami de Jobs du temps où il étudiait (ce mot n’est probablement pas le meilleur) à Reed College, «was smart but low-octane». Malin («smart»), quoi, mais pas intense («low-octane»).

Robert Friedland, en revanche, projetait «a high-wattage aura». Il n’était peut-être pas plus allumé que Kottke, mais il en donnait l’impression.

Pour l’un, c’est affaire d’électricité («watt»). Pour l’autre, d’automobile, donc d’essence («octane») — littéralement et dans tous les sens.

P.-S. — Même registre électrique pour Jobs lui-même et sa «tendency to resemble high-voltage alternating current». Autrement dit, on ne savait jamais quand il allait péter les plombs.

 

Référence

Isaacson, Walter, Steve Jobs, New York, Simon & Schuster, 2011. Édition numérique.

Ouste !

Les Anglo-saxons ont un acronyme pour cela : Nimby (Not In My Back Yard). Définition de Wikipédia : «désigne une position éthique et politique qui consiste à ne pas tolérer de nuisances dans son environnement proche». L’équivalent québécois est Pas dans ma cour.

Les exemples ne manquent pas.

«Pas de pauvres dans ma cour» (le Devoir, 21 novembre 2002).

«Pas de piste cyclable dans ma cour !» (la Presse, 2 mai 2001).

«Pas dans ma cour, mon gros diesel» (la Presse, 24 octobre 2011, cahier Auto, p. 12).

«Les “trois grands” ne veulent pas de Kyoto dans leur cour» (la Presse, 2 février 2005, p. A4).

Pas dans ma cour existe aussi en plusieurs déclinaisons.

Version abrégée : «Dans la cour du voisin» (le Devoir, 28 janvier 2003).

Version rurale : «Pas dans mon champ !» (la Presse, 20 septembre 2002).

Version hexagonale : «Pas dans mon jardin» (Libération, 26 décembre 2002); «pas de ça chez nous» (Philippe Didion, Notules, no 286, 17 décembre 2006).

Version marine : «Pas dans mon port, le “bateau de la mort” !» (la Presse, 2 novembre 2003).

Version gazonnée : «Pas dans mon parc !» (la Presse, 22 juin 2011, p. A17); «Pas dans mon parc…» (la Presse, 22 septembre 2011, p. A30).

Étrangement, ce type de comportement, qu’on pourrait imaginer motivé par un simple souci environnementaliste, renverrait, chez certains, à une pathologie. Ce serait un «syndrome».

«Le maire invoque le syndrome “pas dans ma cour”» (le Devoir, 15-16 octobre 2011, p. A4).

«Le syndrome NIMBY est manifeste lorsque des populations marginalisées et discriminées sont poussées à émigrer dans d’autres lieux» (Wikipédia, 25 octobre 2011).

On peut même fondre les expressions les unes dans les autres.

«Le syndrome “pas dans mes poches”» (la Presse, 1er avril 2010, p. A7).

Que de créativité pour dire non !

 

Référence

Didion, Philippe, Notules dominicales de culture domestique, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2008, 355 p. Édition numérique.