Riad Sattouf, Histoires de mes onze ans, Paris, Allary Éditions, 2017, 56 p., p. 21.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
Riad Sattouf, Histoires de mes onze ans, Paris, Allary Éditions, 2017, 56 p., p. 21.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
De 1982 à 1999, Ronald Corey a été le président des Canadiens de Montréal — c’est du hockey.
Un jour, dans une entrevue en anglais, il a utilisé une expression courante du français québécois, sans même sans s’en apercevoir : faque. Il ne l’a ni traduite ni expliquée. L’Oreille tendue — allez savoir pourquoi — n’a jamais oublié cette manifestation involontaire d’alternance codique.
C’est, entre autres choses, à Ronald Corey que l’Oreille a pensé en lisant Mont de rien (2018). Dans ce Roman en trois périodes et deux intermèdes, selon le sous-titre, mais rédigé presque au complet en vers, Maxime Catellier utilise au moins huit fois l’expression «fait que», par exemple dans «à l’école je m’ennuie / parce que j’ai appris à lire / trop vite / fait que je lis / pendant que les autres / apprennent à lire» (p. 53).
Ce «fait que» pourrait être remplacé par «ce qui fait que», voire, plus simplement, par «donc». À l’oral, comme chez Ronald Corey, il devient souvent «faque».
Voilà.
P.-S.—Oui, en trois périodes, avec une prolongation…
[Complément du 17 novembre 2018]
Comme tout le monde, l’Oreille a vu la montée en puissance de l’expression du coup. Comme beaucoup, elle l’a déplorée.
Lisant l’entrée du jour de BiblioBabil, le blogue (hautement fréquentable) de Luc Jodoin, elle tombe sur ceci : «Faque (du coup, pour les Français)» — et elle rougit, de honte, de tous ses lobes. Comment a-t-elle pu ne pas voir le lien entre faque et du coup ? Excusez-la pour quelques heures : du coup, elle va pleurer dans son coin.
[Complément du 21 septembre 2022]
Il faut connaître le québécisme fait que pour réussir à comprendre une case de la bande dessinée Éléments de langage de Bertin Leblanc et Paul Gros (2022) : «Faites que je pense qu’on va se parler souvent dans les prochains mois, mon gars !» (p. 54)
Références
Catellier, Maxime, Mont de rien. Roman en trois périodes et deux intermèdes, Montréal, L’Oie de Cravan, 2018, 123 p.
Leblanc, Bertin et Paul Gros, Éléments de langage. Cacophonie en Francophonie, Saint-Avertin, La boîte à bulles, 2022, 208 p.
Ce roman graphique se laisse lire sans déplaisir. L’auteure a voulu tout couvrir : le choix de faire une thèse, le dépôt du sujet, les relations avec les autres doctorants et le directeur de thèse, les problèmes d’argent, la difficulté à aboutir, la procrastination, le couple qui éclate, la soutenance (et son pot), l’incertitude professionnelle (après la thèse), les questions de la famille, les types de doctorants, les problèmes (individuels et collectifs) de financement, etc. Le portrait n’est flatteur ni pour l’Université (française) ni pour le directeur de thèse. Deux citations (cruelles) : «Je pense que je vais bien faire bouger le monde de la ponctuation à la Renaissance !» (p. 14); «Littérature médiévale, fait chier… Ma culture Moyen Âge c’est Game of Thrones… Éventuellement Robin des Bois à cause du ménestrel» (p. 41).
Qu’on se rassure : le personnage principal finira par soutenir.
Référence
Rivière, Tiphaine, Carnets de thèse, Paris, Seuil, 2015, 179 p.
Ellipse
Définition
«Suppression de mots qui seraient nécessaires à la plénitude de la construction, mais que ceux qui sont exprimés font assez entendre pour qu’il ne reste ni obscurité ni incertitude» (Gradus, éd. de 1980, p. 173).
Exemple
«Il prend la jeune fille dans ses bras, elle se débat, ne veut pas, rien n’y fait, ni ses pleurs ni ses supplications, les vêtements sont arrachés. Le corps, fragile et blanc, est poussé sur la couche, il lui déboutonne sa (ellipse). Elle n’a plus que ses yeux pour pleurer ce qu’elle vient de perdre. Ses yeux sont rouges de chagrin, ceux du bandit sont rouges de la cruauté qui l’habite» (l’ABC du gothique, p. 38-39).
Remarque
Toutes les ellipses ne sont pas aussi patentes que celle-là.
[Complément du 9 février 2018]
Autre exemple, chez Arturo Pérez-Reverte (2017), qui va dans le même sens : «Par conséquent, je décidai de recourir à une ellipse — celle dans laquelle nous sommes — qui allait me permettre de soulager le texte des quatre-vingt-cinq lieues suivantes — la longue semaine de route qui pour la berline des académiciens séparait alors Poitiers de la capitale de la France» (p. 156-157).
[Complément du 25 juin 2018]
Sur Twitter, @PhDidi1713 donne cet exemple d’ellipse, tiré de Lucile, ou Les progrès de la vertu (1768) de Rétif de la Bretonne.
[Complément du 18 août 2021]
Laurent Vassilian (textes) et Nicolas Tabary (dessin) s’amusent avec l’ellipse dans leur album De père en fils !, le trentième tome de la série «Iznogoud» (2015).
Il y a d’abord une explication (p. 18) :
Dans la même planche, Iznogoud semble prendre l’ellipse pour un moyen de transport (p. 18) :
À la page suivante, il se réjouit de la rapidité que permet cette figure de style (p. 19) :
Tout ne va pourtant pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles (p. 21) :
Reconnaissons à celui qui veut «être calife à la place du calife» d’avoir compris le principe d’économie qui caractérise l’ellipse.
[Complément du 18 décembre 2023]
Jean-Philippe Toussaint, dans l’Échiquier (2023, p. 162-163) :
Je revois Madeleine, très belle en cet hiver berlinois de 1993, emmitouflée dans une chaude veste en laine blanche moelleuse au col noir. Madeleine avait bien un peu froid quand nous sortions de l’appartement par moins dix degrés sous zéro et que nous allions nous promener sur les pelouses enneigées de Halensee, mais je lui frictionnais le dos et les épaules sur la rive pour la réchauffer, et, neuf mois plus tard, en novembre 1993, naissait notre fille, Anna, on appréciera la pudeur de l’ellipse.
Références
Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.
Pérez-Reverte, Arturo, Deux hommes de bien. Roman, Paris, Seuil, 2017, 501 p. Traduction de Gabriel Iaculli. Édition originale : 2015.
Régniez, Emmanuel, l’ABC du gothique. Fiction, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 50, 2012, 184 p.
Toussaint, Jean-Philippe, l’Échiquier, Paris, Éditions de Minuit, 2023, 244 p. Ill.
Vassilian, Laurent et Nicolas Tabary, De père en fils !, Paris, Imav Éditions, série «Iznogoud», 30, 2015, 44 p.