L’oreille tendue de… Jean-Christophe Réhel

Jean-Christophe Réhel, «Les ciseaux près des yeux», 2025, illustration

«Depuis, je vis à la goutte près. J’ai développé une oreille fine : je reconnais le son d’un robinet mal fermé à travers deux murs et une porte. Je tends l’oreille avant de me coucher, juste pour être certain qu’aucune fuite ne siffle quelque part dans la tuyauterie. Je rêve parfois que je marche dans un désert de porcelaine, entouré de lavabos vides et de douches desséchées. Je me réveille la gorge sèche, et je me verse un fond d’eau tiède, comme un alcoolique qui rationne son dernier verre. Prendre une douche pendant que quelqu’un rince une assiette, c’est devenu de la pure folie. Je chronomètre mes douches : trois minutes trente, pas plus. Les cheveux restent parfois pleins de savon, mais au moins, la pompe ne rugit plus. J’ai appris à aimer le bruit du silence. Le bruit de ne pas manquer d’eau.»

Jean-Christophe Réhel, «Les ciseaux près des yeux», le Devoir, le D magazine, «Le feuilleton de Jean-Christophe», 22-23 novembre 2025, p. 29.

L’oreille tendue de… Mauricio Segura

Maurice Segura, les Amandiers en fleurs, 2025, couverture

«À voix basse, ce qui m’oblige à tendre l’oreille, elle me raconte que pendant la dictature, au deuxième étage de ce lieu, à l’insu même des commerçants autour, des militaires torturaient à leur guise, de jour comme de nuit, sans que personne en sache rien, et qu’aujourd’hui encore aucune plaque n’en fait mention.»

Maurice Segura, les Amandiers en fleurs. Roman, Montréal, Boréal, 2025, 193 p., p. 38-39.

L’oreille tendue de… Hector Fabre

Hector Fabre, Chroniques, éd. de 2007, couverture

«Vous me faites l’honneur de me rendre visite et, tout naturellement, vous me demandez comment va l’abonnement. Je me dispose à vous répondre lorsque, tout à coup, je songe à un abonné qui se plaint de ne pas recevoir son journal régulièrement et que l’on va peut-être oublier encore. Je pars comme un trait et vous laisse la bouche béante, l’oreille tendue.»

Hector Fabre, «Journal et élections», 31 mai 1867, dans Chroniques, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact classique», 189, 2007, p. 143-149, p. 143. Postface, chronologie et bibliographie de Gilles Marcotte.

L’oreille tendue de… Caroline Muller et Frédéric Clavert

Caroline Muller, avec Frédéric Clavert, Écrire l’histoire, 2025, couverture

«Ce livre est le résultat des travaux qui ont suivi : pendant près de huit ans, nous avons scruté les pratiques des historiens et historiennes. Nous les avons écoutés en séminaire, dans les colloques ou tables rondes auxquels on nous a conviés; et tendu l’oreille lorsqu’une question méthodologique était abordée autour de nous.»

Caroline Muller, avec Frédéric Clavert, Écrire l’histoire. Gestes et expériences à l’ère numérique, Paris, Armand Colin, 2025, 201 p., p. 16. Préface d’Antoine Prost.

L’oreille tendue de… Fred Vargas

Fred Vargas, Sans feu ni lieu, éd. de 2001, couverture

«Louis s’écroula sur son lit à deux heures trente du matin, saturé, et décida qu’il ne se lèverait pas demain.

D’ailleurs, c’était dimanche.

Il ouvrit les yeux à midi moins dix, mieux disposé à l’égard de la vie. Il étendit son bras droit, alluma la radio pour entendre les nouvelles du monde et se mit pesamment debout.

C’est depuis sa douche qu’il entendit un mot qui l’alerta. Il ferma le robinet, et, dégouttant d’eau, tendit l’oreille.»

Fred Vargas, Sans feu ni lieu, Paris, J’ai lu, 2001, 282 p., p. 155. Édition originale : 1997.