Curiosité voltairienne (et autoroutière)

Sébastien Bailly, Autoroute, 2025, couverture

«Tu te souviens que ce dont chacun préfère parler, quand il n’y a rien à dire, c’est du temps qu’il fait. Cela n’engage à rien, tout le monde est d’accord sur le temps qu’il fait, un peu moins sur celui qu’il fera. Cela permet de sonder chez un inconnu sa sensibilité aux affaires courantes de ce monde : le réchauffement climatique, l’extinction des espèces, la fin de l’humanité. Si chacun restait chez soi et cultivait son jardin, on n’en serait pas là. Mais il a fallu se lancer sur les pistes à faire décoller les avions, et partir à la conquête de l’amour sur les autoroutes. Voilà ce qui provoque l’effondrement du monde, et les dinosaures riront bien de notre niaiserie lorsqu’ils apprendront comment nous avons disparu. Parce que tel que c’est parti, ils réapparaîtront un jour ou l’autre : la vie est un cycle infini.»

Sébastien Bailly, Autoroute, Paris, Le Tripode, 2025, 175 p., p. 59-60.

 

Les derniers mots de Candide (1759), le conte de Voltaire, sont : «Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Curiosité voltairienne (et british)

Anne Hébert, Kamouraska, éd. de 1973, couverture

«The Queen ! Toujours the Queen ! C’est à mourir de rire. Qu’est-ce que cela peut bien lui faire à Victoria-au-delà-des-mers qu’on commette l’adultère et le meurtre sur les quelques arpents de neige, cédés à l’Angleterre par la France ?»

Anne Hébert, Kamouraska. Roman, Paris, Seuil, 1973, 249 p., p. 44. Édition originale : 1970.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Curiosité voltairienne (et divine)

François Hébert, Frank va parler, 2023, couverture

«À tort les divinités sont-elles louches de nos jours, en nos arpents de neige aux bonhommes à chapeau de paille, nez de carotte, boutons de cailloux et bras de ramilles, qui fondent de plus en plus vite avec le réchauffement de la planète, tandis que les ondes 5G occupent un ciel signé Samsung que patrouillent les vrombissants drones d’Amazon aux yeux de chauves-souris.»

François Hébert, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p., p. 103.

 

Au début du vingt-troisième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Curiosité voltairienne (et pédagogique)

Michael Delisle, Cabale, 2023, couverture

«Mon esprit se balade pendant que je fais mine d’être intéressé. Quels cours va-t-on me donner pour la prochaine session ? Je vais encore me retrouver avec Voltaire, je le sens. Je n’en peux plus des pitreries de Voltaire. Cunégonde, tu parles d’un nom ! Comment peut-on appeler sa fille Cunégonde ? Je décline : Cunégonde Desjardins-Allard, Cunégonde Perez-Godin, Cunégonde Nguyen-Gill. Me reste-t-il au moins une bouteille de vin à la maison ?

[…]

Manon s’ennuie. Elle n’a pas emmené leur fille. Elle trouve que la mort est une expérience trop négative pour une enfant de son âge. Négative ? Elle devrait lire Candide» (p. 81).

«Khoury est mort à sa table de travail. Il s’est effondré là, il y a deux jours peut-être, cuisant sous la lumière jaune de la lampe, le front contre un quiz sur Candide» (p. 121).

Michael Delisle, Cabale. Roman, Montréal, Boréal, 2023, 124 p.

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Deux Ferron pour le prix d’un

Jacques Ferron, Contes, éd. de 1993, couverture

Une oreille tendue et un zeugme.

«On le vit donc reparaître, le vieil Ulysse, dans le quartier des Sirènes, attaché à son mât de misaine dont le cacatois, gonflé par les vents accumulés durant quinze ans à Ithaque Corner, lui montait dans la tête, naviguant au milieu de la chaussée mal famée, l’oreille tendue vers les persiennes muettes d’où s’échappait naguère la mélopée française et érotique.»

Jacques Ferron, «Les Sirènes», dans Contes, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1993, 298 p., p. 149. Édition intégrale. Présentation de Victor-Lévy Beaulieu.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)