Néologing

Camping, sans glamping, avec caniche royal

La néologie semble apprécier les mots en -ing. Exemples, parmi tant d’autres.

Canyoning : «Le canyoning est une drôle d’activité qui consiste à suivre un cours d’eau en montagne et à descendre ses différentes cascades à l’aide de cordes» (la Presse+, 9 septembre 2023).

Curating : «Faire de sa vie une œuvre d’art : le mot d’ordre était cher aux avant-gardes. A défaut, il semblerait que l’on puisse aujourd’hui faire de sa vie une expo. C’est du moins le constat que l’on pourrait induire de l’infiltration du mot “curating” à tous les étages de notre quotidien, un terme que l’on croyait pourtant réservé à la conception des expos d’art contemporain» (les Inrocks, 11 décembre 2015).

Glamping : Camping, mais haut de gamme (glam). «“Glamping” à l’écossaise» (la Presse+, 4 juin 2014).

Plogging : «Originaire de la Suède, le terme plogging est formé de la contraction de plocka upp (ramasser, en suédois) et de jogging» (la Presse+, 2 juillet 2023). Autrement dit : faire le ménage extérieur en courant. À Radio-Canada, on lui préfère écojogging.

Sharenting : Partager (share) des photos de ses marmots sur les réseaux sociaux (la Presse+, 16 septembre 2018).

Voguing : «Plus qu’une danse, le voguing est un acte politique, performatif, une affirmation de soi.» C’est France Culture qui le dit.

P.-S.—En effet, nous avons déjà croisé des néologismes en -ing. C’est par là.

Divergences transatlantiques 056

Élisabeth Benoit, Suzanne Travolta, 2019, couverture

Suzanne Travolta, l’intrigant roman d’Élisabeth Benoit paru en 2019, se déroule à Montréal. Plusieurs lieux y sont clairement évoqués : «notre chère rue Waverly» (p. 22); «Mike et moi partagions un bureau au premier étage du bâtiment principal, boulevard René-Lévesque (Mike disait Dorchester)» (p. 49); «Il fallait être montréalais comme l’était Ray pour aimer ainsi de toute son âme la laideur du boulevard Saint-Laurent, qui était une des plus belles choses que Ray ait vues de sa vie» (p. 153). Les expressions québécoises y sont nombreuses, par exemple «être dans le champ» ou «virer sur le top». On y entend de l’anglais.

Le lecteur n’est donc pas étonné de voir désigner des chaussures de sport par l’expression running shoes. Le site Français de nos régions a bien mis en lumière, cartes à l’appui, la concurrence, en Amérique du Nord, de ce mot avec espadrilles, sneaks / sneakers, shoe-claques voire baskets.

En revanche, l’Oreille tendue n’a pas souvenir d’avoir jamais entendu le mot au féminin : «infectes running shoes roses» (p. 91), «une de ses running shoes roses» (p. 142), «sa running shoe» (p. 143). Or le Petit Robert (édition numérique de 2019) va dans le même sens qu’Élisabeth Benoit : «N. f. Chaussure de sport pour la course à pied.»

Deux communautés séparées par une langue commune, la France et le Québec ?

P.-S.—Pendant que nous y sommes : l’endroit où l’on mange est un diner (sans accent) plutôt qu’un dîner (avec) (p. 173).

 

Référence

Benoit, Elisabeth, Suzanne Travolta. Roman, Paris, P.O.L, 2019, 251 p.

Du théâtre à la fiscalité

L’Oreille tendue connaissait déjà la théâtrale : au XVIIIe siècle, Palissot disait du Fils naturel, le drame bourgeois de Diderot, que c’était une «sodomie théâtrale» (le Neveu de Rameau, éd. Fabre 1977, p. LXXI).

Sous la plume d’Yves Boisvert, dans la Presse+, elle (re)découvre, s’agissant de course automobile, la fiscale : «Et allez hop ! on est partis pour une autre ronde de sodomie fiscale dans la joie et l’allégresse» (10 juin 2016).

De 2003 à aujourd’hui, le journaliste en distingue deux types.

Celle qui est imposée : «Alors on se prépare pour une autre séance de sodomie fiscale non consentante, mesdames et messieurs» (17 juin 2016); «Je suis contre la sodomie fiscale forcée que nous propose en souriant un vieillard qui s’en met plein les poches» (13 octobre 2003).

Celle qui est acceptée : «C’est néanmoins, j’en conviens tout à fait, une forme de sodomie fiscale consentante assez répugnante que pratique Bernie Ecclestone» (15 septembre 2010).

De quelle catégorie relève celle de Diderot / Palissot ? On ne le sait pas.

P.-S. — Ce n’est pas la première fois que l’Oreille parle de F1.

 

[Complément du 26 octobre 2016]

Grâce à Claro, l’Oreille découvre, s’agissant d’un roman d’Alexandre Jardin, les Nouveaux Amants, «19 € (non remboursables)», la «sodomie syntaxique».

 

Référence

Diderot, Denis, le Neveu de Rameau, Genève, Droz, coll. «Textes littéraires français», 37, 1977, xcv/329 p. Édition critique avec notes et lexique par Jean Fabre.

Recette de F1

Paul Lannuier (Sussex, NJ, USA), Premier tour du Grand prix de formule un du Canada 2001Se tient ces jours-ci à Montréal le Grand prix de formule un du Canada (certains disent que c’est du sport). Jeudi dernier, l’Auberge Saint-Gabriel, dans ce cadre, tenait une Soirée du Grand prix.

Le lendemain, un des copropriétaires de l’Auberge, Marc Bolay, discutait de cet événement au micro de Francis Reddy, de l’émission Bien dans son assiette de la radio de Radio-Canada.

L’animateur se demandait si une soirée comme celle-là devait répondre à des «critères», à des «normes», à des «exigences» spécifiques. Réponse : il faut «du champagne qui coule à flots», en l’occurrence de la Veuve Cliquot; il faut «de jolies filles», «du beau monde».

Voilà qui a le mérite d’être clair.

 

Illustration : Paul Lannuier (Sussex, NJ, USA), premier tour du Grand prix de formule un du Canada 2001, 2007, photo déposée sur Wikimedia Commons