Avoir été Expositif

Jonah Keri, Up, Up, & Away, 2014, couverture

«Montreal prides itself on being distinct,
and the Expos were certainly distinct.»

Comme tout être humain normalement constitué, le printemps venu, l’Oreille tendue (re)commence à lire des livres sur le baseball.

Sur sa pile de lectures à faire, il y a, par exemple, The 34-Ton Bat de Steve Rushin. L’autre jour, c’était Up, Up, & Away, l’ouvrage qu’a consacré Jonah Keri aux Expos de Montréal (1969-2004).

Keri propose, tambour battant, une histoire des Expos, entrecoupée de souvenirs, d’évaluations des forces et des faiblesses de l’équipe au fil des ans, et de réflexions sur les causes de la disparition (temporaire ?) du baseball professionnel à Montréal. Il a lu ce qu’il fallait lire et interviewé qui il fallait interviewer.

L’histoire du club tourne autour d’un certain nombre de figures : le maire Jean Drapeau, qui a convaincu la Ligue nationale de baseball d’accorder une équipe à sa ville, alors que rien n’était prêt pour l’accueillir; Charles Bronfman, le premier propriétaire de l’équipe, qui sortira fort marri de son expérience; des entraîneurs — Dick Williams, Jim Fanning, Felipe Alou — et des joueurs, parmi lesquels les vedettes du club, Rusty Staub, Gary Carter, Andre Dawson, Steve Rogers, Pedro Martinez, Vladimir Guerrero. L’auteur a manifestement un faible pour Tim Raines : non seulement il explique, force statistiques à l’appui, pourquoi Raines devrait être nommé au Temple de la renommée du baseball, avec les plus grands de son sport (p. 262-264), mais il se fait photographier, sur le deuxième rabat, avec le maillot numéro 30 de Raines. Si Keri consacre plusieurs pages aux grands de l’équipe montréalaise, il fait revivre aussi les sans-grades, Pepe Frias, Tommy Hutton, Mike Lansing, ces joueurs «moyens» auxquels Gilles Marcotte a consacré une nouvelle en 1999. Il a aussi ses têtes de Turc, notamment Maury Wills, Bryn Smith et Rodney Scott.

Il a commencé à vraiment s’intéresser au baseball à l’adolescence, durant les années 1980. S’il n’a pas connu le stade du parc Jarry, le premier «domicile» des Expos, il a beaucoup fréquenté celui du parc Olympique, où il a vu sa première partie en 1982. Up, Up, & Away est aussi le récit de matchs vus et discutés avec une bande d’amis, amateurs comme lui, les Maple Ridge Boys (en l’honneur de Larry Walker), et l’évocation de joueurs chéris (Pascual Perez, Bill Sampen [!]), de matchs interminables (22 manches) et de jeux spectaculaires, tel le monstrueux coup de circuit de Darryl Strawberry, des Mets de New York, pour lancer la saison 1988 (You Don’t Forget Homers Like That, suivant le titre du livre de Danny Gallagher).

Montréalais, Keri ne peut qu’être sensible au portrait sociolinguistique de sa ville. Sur ce plan, il n’y a aucun reproche à lui faire : cet anglophone sait décrire avec justesse le milieu dans lequel les Expos sont nés puis ont disparu. Il propose même un encadré intitulé «Baseball en français», correctement fait (p. 56-59).

À plusieurs reprises, il essaie de comprendre pourquoi les Expos ne sont jamais parvenus aux plus grands honneurs, par exemple aux Séries mondiales. Pour ce faire, il a recours à toutes sortes de chiffres, mais il lui arrive aussi d’insister sur des carences «historiques» des Expos. La principale ? L’incapacité du club à trouver un joueur de deuxième but de qualité pendant presque toute son histoire, du moins jusqu’à l’arrivée de Delino DeShields.

Si cette absence peut expliquer (partiellement) celle de championnat, elle ne suffit évidemment pas à faire comprendre pourquoi les Expos, depuis dix ans, n’existent plus. Keri voit trois causes principales au déménagement de l’équipe à Washington, sous le nom de Nationals. La transformation des contrats de diffusion médiatique au cours des années 1980 aurait favorisé indûment l’autre équipe canadienne, les Blue Jays de Toronto, puis, dans les années 1990, la faiblesse des revenus médiatiques montréalais aurait limité les ressources budgétaires des Expos. Le parc Olympique avec ses problèmes de structure et de toit («the piece of crap finally opened», p. 239), en plus d’être éloigné du centre-ville, aurait nui à la popularité de l’équipe auprès des milieux d’affaires. Le refus des propriétaires successifs à partir des années 1990 d’investir dans le développement du club l’aurait empêché d’embaucher le joueur (ou les joueurs) qui aurai(en)t pu faire la différence; la peur du risque («obsession with risk avoidance», p. 245) les aurait paralysés. Sur cette triple base, le jugement est sans appel : «In the league’s eye, Montreal had failed baseball. The cold, hard truth was that for the most part, this was absolutely right» (p. 377). Montréal aurait laissé tomber les Expos. On peut le constater : Keri accorde plus d’importance aux facteurs structurels qu’aux questions de personnes. Ceux qui aiment détester Claude Brochu, Jeffrey Loria et David Samson, eux qui ont été les propriétaires de l’équipe à un moment ou à un autre, ne reconnaîtront pas un frère d’armes en l’auteur de Up, Up, & Away (p. 343-345).

Quiconque a déjà été Expositif trouvera matière à réminiscences et à réflexions dans l’ouvrage de Jonah Keri, notamment dans les nombreuses caricatures d’Aislin qui illustrent le livre. En revanche, il sera difficile aux lecteurs d’imaginer un retour du baseball à Montréal, les mêmes causes étant généralement suivies des mêmes effets.

P.-S.—S’agissant de Vladimir Guerrero, l’entraîneur Felipe Alou, à son habitude, avait vu juste : «Leave. Him. Alone» (p. 358). Cela a donné une grande carrière, et beaucoup d’émotions fortes.

P.-P.-S.—L’Oreille tendue ne serait pas qui elle est si elle ne trouvait pas à redire de-ci, de-là en matière de langue. Si Rusty Staub était surnommé «Le Grand Orange», c’est parce qu’il était un homme; il n’y avait pas d’autre possibilité (p. 33). Il existe un équivalent français pour squeeze : amorti-suicide (p. 57). Champ étant masculin, il faut écrire champ droit (p. 58). L’expression «belle/laide» existerait en France (p. 63) ? Non. Dans «Régis Trudeau et Associes» (p. 105), il y a un accent de trop («Régis») ou il en manque un («Associés» au lieu d’«Associes»). Ce sont des peccadilles.

 

Références

Gallagher, Danny, You Don’t Forget Homers Like That. Memories of Strawberry, Cosby and the Expos, Toronto, Scoop Press, 1997, 167 p.

Keri, Jonah, Up, Up, & Away. The Kid, The Hawk, Rock, Vladi, Pedro, Le Grand Orange, Youppi !, The Crazy Business of Baseball, & the Ill-fated but Unforgettable Montreal Expos, Toronto, Random House Canada, 2014, 408 p. Ill.

Marcotte, Gilles, «Un joueur moyen», dans la Mort de Maurice Duplessis et autres récits, Montréal, Boréal, 1999, p. 59-64.

Rushin, Steve, The 34-Ton Bat. The Story of Baseball as Told Through Bobbleheads, Cracker Jacks, Jockstraps, Eye Black, and 375 Other Strange and Unforgettable Objects, New York, Boston et Londres, Little, Brown and Company, 2013, 343 p. Ill.

Guy Lafleur, gourou

Yves Tremblay, Guy Lafleur. L’homme qui a soulevé nos passions, 2013, couverture

Guy Lafleur, l’ancien joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, a fait couler beaucoup d’encre. Biographes, journalistes, paroliers, dramaturges, romanciers, poètes, nouvellistes ont écrit sur lui. L’Oreille tendue elle-même ne s’est pas gênée pour parler du «Démon blond»; voir ici et .

L’automne 2013 a donné lieu à deux nouvelles publications : Guy Lafleur. La légende, de Pierre-Yvon Pelletier, que l’Oreille n’a pas encore lu, et Guy Lafleur. L’homme qui a soulevé nos passions, d’Yves Tremblay.

L’amateur de hockey n’apprendra pas grand-chose dans le livre de Tremblay, cette hagiographie rédigée par un ami de Guy Lafleur — ami qui emploie Lafleur comme porte-parole publicitaire.

L’ouvrage brosse un portrait de Lafleur en apôtre de la pensée «positive». Lafleur aurait traversé des difficultés hors de la glace — aucune n’est décrite dans l’ouvrage, alors que les journaux ont beaucoup parlé des épreuves familiales que le mari et le père a traversées au fil des ans —, mais il s’en serait sorti grâce à son attitude. En résumé :

Plus que des souvenirs, ce livre intemporel et unique, autorisé par Guy Lafleur, deviendra une source de motivation pour tous, jeunes et moins jeunes (quatrième de couverture);

Vingt-cinq ans après ce retour tant médiatisé de la superstar, Yves [l’auteur parle alors de lui-même à la troisième personne du singulier] se rappelle cette expérience de vie et, avec le recul, il constate pour la première fois que parmi tous ceux qu’il a côtoyés, la vie professionnelle de Guy Lafleur, devenu lui-même une pure légende, est une application «vivante» et «positive», et le modèle par excellence des principes des plus grands théoriciens de l’épanouissement personnel et du succès, tels que Napoleon Hill, Anthony Robbins, Jack Canfield, Dale Carnegie, Joseph Murphy et compagnie (p. 208).

Guy Lafleur et la croissance personnelle : même combat.

 

Références

Pelletier, Pierre-Yvon, Guy Lafleur, la légende. L’album photo du démon blond, Montréal, Editions de l’Homme, 2013, 206 p. Ill.

Tremblay, Yves, Guy Lafleur. L’homme qui a soulevé nos passions, Brossard, Un monde différent, 2013, 208 p. Ill. Préface de Guy Lafleur.

Ça la fout mal

Olivier Talon et Gilles Vervisch, le Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même, 2013, couverture

L’Oreille tendue est volontiers donneuse de leçons (linguistiques); c’est là son moindre défaut. Elle a d’ailleurs créé une catégorie «Grogne du pion» où classer ses obsessions, bien ou mal fondées. Elle s’expose par là à se faire corriger par ses bénéficiaires; c’est la règle du jeu.

C’est à cela qu’elle pensait tout au long de sa lecture du Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même (2013). Ses auteurs, Olivier Talon et Gilles Vervisch, glanent les mots dont raffolent les médias, mais que ne connaît pas le Petit Robert (c’est leur ouvrage de référence). Ils puisent dans la langue de la politique («berlusconisation», «sarkhollandisation»), du sport («zlataner»), de l’informatique («défacebooker (se)»), de la gestion («consultance»), du spectacle («bankable»), de la mode et des cosmétiques («volumiser»), surtout en France, mais aussi ailleurs dans la francophonie. Ils n’aiment guère les anglicismes et les «scories anglophiles» (p. 157 et p. 283) : «chacun sa langue, et les moutons seront bien gardés» (p. 114). Pour eux, par exemple, «délivrable» est une «abjection vocabulistique» (p. 94). Comme il se doit — c’est la règle du jeu —, ils ont l’anathème facile, bien qu’ils soient prêts à reconnaître l’utilité de quelques néologismes («chronophage», «procrastiner», «technophobie»). Leur souhait ? Qu’on parle «correctement» (p. 145), qu’on corrige «le langage des parle-petit» (p. 245).

Malheureusement, leur livre contient pas mal de fautes, on y trouve des usages critiqués, la ponctuation y est approximative, etc.

L’Oreille est assez fortement convaincue qu’un dictionnaire ne peut pas se vouloir (p. 9) et que la formule comme étant ne sert à rien (p. 28 et p. 76). Soi-disant ne peut pas se dire d’un inanimé (p. 17, p. 201 et p. 247). Sept fois «donc» en soixante lignes (p. 43-45), c’est beaucoup. Il y a «Seconde guerre mondiale» (p. 52) et «Seconde Guerre mondiale» (p. 54); ça fait désordre. Page 138, la même expression revient deux fois, une fois fautivement («L’apparition d’Internet et des réseaux sociaux ont ainsi conduit»), une fois non («L’apparition combinée d’Internet et de la téléréalité a conduit»); on pourrait profiter de cette occasion pour citer, en l’adaptant, certaine parenthèse de la page 178 («On observera la belle faute de conjugaison à la troisième personne du pluriel […]»). Il est ennuyeux de ne pas aimer les anglicismes et d’employer «magnets» au lieu d’«aimants» ou d’«aimantins» (p. 143), ou encore «smartphone». Les «mémoires» de l’organiste Louis Vierne n’ont pas été «publiées par l’Association des amis de l’orgue» (p. 149 n. 1); ses «Mémoires» ont été «publiés» par cette association (désignant une pratique autobiographique, le mot Mémoires est masculin et demande la majuscule).

L’arroseur arrosé, en quelque sorte. L’Oreille connaît.

P.-S. — On ne peut pas toujours pinailler : il faut saluer l’oreille d’Olivier Talon et Gilles Vervisch quand ils corrigent la définition de pipolisation dans le Petit Robert de 2013 (p. 203-207). Également à signaler : «beuguer» (p. 40-41), «facilitateur» (p. 108-109), «pécunier» (p. 193-194), «redensifier» (p. 228), «réseautage» (p. 234-235).

 

Référence

Talon, Olivier et Gilles Vervisch, le Dico des mots qui n’existent pas et qu’on utilise quand même, Paris, Express Roularta Éditions, 2013, 287 p.

Les deux côtés de la braguette

Major, Françoise, Dans le noir jamais noir. Nouvelles, Montréal, La mèche, 2013, 127 p.

«Je tente d’avoir envie de quelque chose.»

Vingt-deux nouvelles en 127 pages. C’est dire que la plupart sont brèves.

Elles se déroulent à Montréal comme en région, dans un bar ou un snack-bar, un dépanneur, un appartement transformé en salon de coiffure, par les rues et les routes, sous la crasse ou dans un décor bourgeois.

La langue y est souvent crue, comme le contact des corps, avec une justesse maintenue.

Le point de vue est tantôt masculin tantôt féminin : enfants («Papa est gentil, mais il s’énerve vraiment pour rien des fois», p. 88), jeunes adultes («Ma tête aurait bientôt besoin d’une retouche de bleu», p. 125), moins jeunes («Mon père se tourne vers moi les yeux écarquillés. T’as cinquante ans, mon gars ?», p. 95).

Ça raconte — avec ou sans cynisme, c’est selon, parfois avec humour — des petits drames, des déceptions, les dissonances du quotidien, la solitude, l’éloignement de ceux qui se sont aimés («de l’amour mort sous la mascarade», p. 86). Les souffrances sont dites, avec une forme de détachement ou de fatigue, pas tonitruées. La violence est là, des autres, du monde, de soi (dans «Attendre Paola» ou «Okapulco»).

Chacun choisira ses nouvelles favorites : «Le soleil s’est couché sur l’asphalte» (sur un couple défait, qui ne se refera pas), «L’amour post-rock» (une fellation vue des deux côtés de la braguette), «Jusqu’au bortsch» (une descente aux enfers alimentaires), «La pantry» (de l’inutilité de vouloir aider ses vieux parents).

C’est de Françoise Major et ça s’appelle Dans le noir jamais noir. C’est à lire.

P.-S. — Paonner pour faire le paon (p. 85) : pourquoi pas ? Mais ça se prononce comment ?

 

Référence

Major, Françoise, Dans le noir jamais noir. Nouvelles, Montréal, La mèche, 2013, 127 p.

11111000000

Éric Plamondon, Pomme S, 2013

«Qu’est-ce qu’une trilogie ?
C’est la preuve par quatre que jamais deux sans trois» (p. 47).

 

L’Oreille tendue n’avait pas caché son enthousiasme à la lecture des deux premiers titres de la trilogie romanesque 1984 d’Éric Plamondon, Hongrie-Hollywood Express (2011) et Mayonnaise (2012). Le troisième, Pomme S, vient de paraître. Son enthousiasme est moins grand. Pourquoi ?

Le mode d’arrangement est le même que dans les deux premiers volumes. Le livre est composé de 113 textes, la plupart brefs, finement unis les uns aux autres par une série de correspondances. La linéarité n’a pas sa place ici, et c’est un choix esthétique qui se tient parfaitement.

Le point de vue narratif est toujours aussi éclaté, entre je et il, le personnage-narrateur de Gabriel Rivages et un narrateur omniscient (ou plusieurs).

Au cœur d’Hongrie-Hollywood Express, il y avait une figure, celle de Johnny Weissmuller, mort en 1984. Dans Mayonnaise, il s’agissait de Richard Brautigan, qui s’est tué la même année. C’est Steve Jobs qui est le pivot de Pomme S, lui qui a mis sur le marché un nouvel ordinateur il y a 29 ans. C’est résumé en un chapitre, le quatorzième, «1984» : «En 1984, Johnny Weissmuller meurt de vieillesse. Richard Brautigan se tire une balle dans la tête et Gabriel Rivages perd sa virginité. C’est aussi l’année où Apple lance le Macintosh» (p. 39).

L’érudition — cinématographique, littéraire, musicale, scientifique, informatique, etc. — ne se dément pas, de même que le sens de la formule — Isaac Newton ? «une pomme, un homme, la lune» (p. 81).

Ce roman si conscient de lui-même est une démonstration, tout à fait convaincante, de la nécessité et du pouvoir des histoires : «Je raconte, donc je suis» (p. 173). Les derniers mots du livre (et donc de la trilogie) sont «Il était une fois…» (p. 233).

Pourquoi, alors, cet intérêt tempéré de la part de l’Oreille ?

Cela tient peut-être à deux des lignes de force du roman et, surtout, à l’insistance du romancier à ne jamais les perdre de vue.

Il y a la question des origines. Celles de Steve Jobs, enfant adopté («La piste des origines est parfois une fausse piste», p. 41). Celles de l’informatique, puis de l’ordinateur personnel, qui rassemblent, dans un beau désordre, Jobs, Steve Wozniak, Ron Wayne, Alan Turing, Norbert Wiener, Ada Lovelace, Fou-hi, Thomas Edison, Joseph Marie Jacquard, Jacques de Vaucanson, Charles Babbage, Doug Engelbart, Vannevar Bush, Pascal, Einstein, d’autres encore. Celles du monde, avec Adam, Ève et une pomme. Et, surtout, celles de la famille nucléaire (lui, elle, leur enfant) : un des narrateurs raconte ses joies de père, de la naissance à la préadolescence de son fils; ces pages, exemptes d’ironie, ne sont pas les plus convaincantes du livre, du moins sur le plan de l’écriture.

La deuxième ligne de force du roman, titre oblige, est la pomme. Comme dans Apple Computer («Apple, Pomme, ça ne pouvait pas être plus simple», p. 79) et son logo. Comme dans la commande de sauvegarde informatique, pomme + s. Comme dans la pomme d’Adam. Comme, on l’a vu, dans le jardin d’Éden. Comme dans la pomme empoisonnée avec laquelle Alan Turing se serait suicidé. Comme dans celle qui serait tombée, ou pas, sur la tête d’Isaac Newton. Comme dans l’œuvre de Magritte. Comme dans le jus de pomme que la mère de Jobs lui fait boire.

Devant cette insistance à faire tenir ensemble les fils du récit, on en vient à se demander si l’écriture, en exposant aussi systématiquement son mode de fonctionnement, n’est pas en train de se retourner contre elle-même. Est-ce pour cela que le mot jubilatoire n’apparaît pas le meilleur pour parler de Pomme S ?

P.-S.—Pourquoi ce titre («11111000000») ? Parce qu’il représente 1984 en binaire (p. 108).

P.-P.-S.—L’Oreille — plus précisément : le pion en elle — est triste. Au Quartanier — au Quartanier ! —, on confond «dispendieux» et «cher» (p. 98), on appelle un quart, au football, un «quart-temps» (p. 102), on parle de «connexion Fire Wire» au lieu de «connexion USB» (p. 106), on met deux «n» à Mona Lisa (p. 131 et p. 152) et on oublie un «ne» (p. 133).

 

Références

Plamondon, Éric, Hongrie-Hollywood Express. Roman. 1984 — Volume I, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 44, 2011, 164 p.

Plamondon, Éric, Mayonnaise. Roman. 1984 — Volume II, Montréal, Le quartanier, «série QR», 49, 2012, 200 p.

Plamondon, Éric, Pomme S. Roman. 1984 — Volume III, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 63, 2013, 232 p. Ill.