Langue de campagne (4)

L’Oreille tendue se sent parfois audacieuse. C’est le cas aujourd’hui. Elle souhaite proposer une réponse à une question multiséculaire : quel est le sens de la politique ?

Si l’on se fie à la présente campagne électorale québécoise, c’est simple : la politique va du haut vers le bas.

Que font les partis avec leurs candidats vedettes ? Ils les parachutent dans une circonscription réputée sûre, même s’ils n’ont pas d’attaches dans celle-ci.

Que dire de quelqu’un qui fait le choix, parfois inattendu, de la politique ? On dit qu’il plonge en politique. Dans le même ordre d’idées, on peut faire le saut en politique. (S’il est vrai que le saut est parfois possible du bas vers le haut, le voisinage plongeon / saut inverse ici le sens du mouvement.)

Comment fait-on de la politique à Québec solidaire ? «Debout», si l’on en croit le slogan du parti. On ne s’assoira qu’après les élections.

De haut en bas : voilà une affaire (philosophicopolitique) de résolue.

Langue de campagne (3)

L’Oreille tendue n’a pas peur de se répéter : pour elle, le grégarisme québécois tient en un verbe, s’asseoir. Ce verbe est largement préféré à discuter, débattre, s’affronter. (Voir les entrées du 6 octobre 2010, du 25 février 2011, du 16 mars 2011, du 26 avril 2012, du 24 mai 2012 et du 29 mai 2012.)

Le slogan de Québec solidaire durant l’actuelle campagne électorale québécoise — «Debout» — paraît rompre avec cette belle unanimité.

Questions. Puisqu’on s’est beaucoup assis, le temps est-il donc enfin venu de se lever ? Doit-on au contraire être «debout» avant de «s’asseoir» ? S’agit-il d’être «debout» plutôt que de «s’asseoir» ?

Que d’interrogations, si peu de jours.

Langue de campagne (2)

L’Association francophone pour le savoir (@_Acfas) le déplore : il est peu question de science dans la campagne électorale québécoise.

Deux exceptions, Québec solidaire d’Amir Khadir et Françoise David, et la Coalition avenir Québec de François Legault.

QS et la CAQ proposent de laisser tomber l’industrie de l’amiante, matériau jugé cancérigène par la communauté scientifique.

Avantage toutefois, en matière scientifique, à la CAQ : elle a recruté un «électron libre», Jacques Duchesneau.

Langue de campagne (1)

En 2004, l’Oreille tendue cosignait un Dictionnaire québécois instantané. Le cheminement y était déjà à l’honneur :

Refus de la responsabilité. Le cheminement est une voie sans issue dans laquelle on laisse aller quelqu’un à qui l’on devrait dire qu’il fait une connerie. Il faut laisser l’apprenant et le s’éducant aller au bout de leur cheminement (p. 39).

Manifestement, François Legault, le chef de la Coalition avenir Québec, n’a pas lu le DQI (pour les intimes).

Quand on demande à cet ex-souverainiste d’expliquer comment il est devenu autre chose (à défaut d’étiquette plus claire), il répond en effet «J’ai cheminé».

Une question reste ouverte : est-il allé au bout de son cheminement ?

P.-S. — On entend beaucoup respecter le cheminement de quelqu’un, pas seulement en milieu scolaire, où le terme est commun : «Legault demande à Landry de respecter son cheminement» (la Presse, 16 août 2012, p. A5). Traduction en clair : je fais peut-être une bêtise, je le sais et je te demande de me laisser faire.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture