Portrait électrique du jour

Ancien ampèremètre

«Radek n’était pas maigre, et pourtant il était maladif, peut-être parce qu’on sentait que ses chairs n’étaient pas fermes. De même le bourrelet des lèvres avait-il quelque chose de malsain.

Il s’énervait d’une façon toute particulière, curieuse pour un psychologue; pas un trait de son visage ne bougeait, mais ses prunelles semblaient soudain recevoir un ampérage plus fort, qui donnait au regard une intensité gênante.

— Que va-t-on faire de Heurtin ? questionna-t-il après cinq minutes de silence.

— Le décapiter ! grogna Maigret, les deux mains dans les poches du pantalon.

Et ce fut l’ampérage maximum. Radek émit un petit rire grinçant.»

Georges Simenon, la Tête d’un homme, dans les Essentiels de Maigret, présentation de Benoît Denis, Paris, Omnibus, coll. «Tout Simenon», 2011, p. 99-200, p. 177. Édition originale : 1931.

Hydrovocabulaire

Marie-Éva de Villers, le Vif Désir de durer, 2005, couverture

Hydro-Québec oblige, les Québécois ont une relation intime avec l’électricité. Cela transparaît dans leur langue.

Si quelque chose a trop duré, ils sont prompts à tirer la plogue. «Autant tirer la plogue moi-même avant que les gens me déploguent» (la Presse, 20 mars 1999).

Leur colère subite viendra du fait que deux fils se sont touchés. D’autres avanceraient qu’ils ont pété les plombs.

Leur Révolution tranquille aurait été précédée d’une longue période d’obscurantisme, la Grande Noirceur.

Quand ils ont un moment d’inattention, ils disent dormir sur la switch. Deux exemples récents, tirés de Martine à la plage (2012), de Simon Boulerice : «Les fantômes dormaient sur la switch» (p. 18); «Ou elle dormait sur la switch» (p. 60).

Marie-Éva de Villers, dans le Vif Désir de durer (2005, p. 286), signale que Jean Charest, du temps qu’il était chef du Parti conservateur du Canada, utilisait l’expression. Maintenant qu’il est premier ministre du Québec — et qu’Hydro-Québec dépend de lui —, qu’en est-il ?

 

Références

Boulerice, Simon, Martine à la plage. Roman, Montréal, La mèche, coll. «Les doigts ont soif», 2012, 82 p. Avec des dessins de Luc Paradis.

Villers, Marie-Éva de, le Vif Désir de durer. Illustration de la norme réelle du français québécois, Montréal, Québec Amérique, 2005, 347 p. Ill.