Dix-septième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Ellipse

Définition

«Suppression de mots qui seraient nécessaires à la plénitude de la construction, mais que ceux qui sont exprimés font assez entendre pour qu’il ne reste ni obscurité ni incertitude» (Gradus, éd. de 1980, p. 173).

Exemple

«Il prend la jeune fille dans ses bras, elle se débat, ne veut pas, rien n’y fait, ni ses pleurs ni ses supplications, les vêtements sont arrachés. Le corps, fragile et blanc, est poussé sur la couche, il lui déboutonne sa (ellipse). Elle n’a plus que ses yeux pour pleurer ce qu’elle vient de perdre. Ses yeux sont rouges de chagrin, ceux du bandit sont rouges de la cruauté qui l’habite» (l’ABC du gothique, p. 38-39).

Remarque

Toutes les ellipses ne sont pas aussi patentes que celle-là.

 

[Complément du 9 février 2018]

Autre exemple, chez Arturo Pérez-Reverte (2017), qui va dans le même sens : «Par conséquent, je décidai de recourir à une ellipse — celle dans laquelle nous sommes — qui allait me permettre de soulager le texte des quatre-vingt-cinq lieues suivantes — la longue semaine de route qui pour la berline des académiciens séparait alors Poitiers de la capitale de la France» (p. 156-157).

 

[Complément du 25 juin 2018]

Sur Twitter, @PhDidi1713 donne cet exemple d’ellipse, tiré de Lucile, ou Les progrès de la vertu (1768) de Rétif de la Bretonne.

Ellipse tirée de Lucile, ou Les progrès de la vertu, de Rétif de la Bretonne, 1768

 

[Complément du 18 août 2021]

Laurent Vassilian (textes) et Nicolas Tabary (dessin) s’amusent avec l’ellipse dans leur album De père en fils !, le trentième tome de la série «Iznogoud» (2015).

Il y a d’abord une explication (p. 18) :

Laurent Vassilian et Nicolas Tabary, De père en fils !, 2015, p. 18, détail

Dans la même planche, Iznogoud semble prendre l’ellipse pour un moyen de transport (p. 18) :

Laurent Vassilian et Nicolas Tabary, De père en fils !, 2015, p. 18, détail

À la page suivante, il se réjouit de la rapidité que permet cette figure de style (p. 19) :

Laurent Vassilian et Nicolas Tabary, De père en fils !, 2015, p. 19, détail

Tout ne va pourtant pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles (p. 21) :

Laurent Vassilian et Nicolas Tabary, De père en fils !, 2015, p. 21, détail

Reconnaissons à celui qui veut «être calife à la place du calife» d’avoir compris le principe d’économie qui caractérise l’ellipse.

 

[Complément du 18 décembre 2023]

Jean-Philippe Toussaint, dans l’Échiquier (2023, p. 162-163) :

Je revois Madeleine, très belle en cet hiver berlinois de 1993, emmitouflée dans une chaude veste en laine blanche moelleuse au col noir. Madeleine avait bien un peu froid quand nous sortions de l’appartement par moins dix degrés sous zéro et que nous allions nous promener sur les pelouses enneigées de Halensee, mais je lui frictionnais le dos et les épaules sur la rive pour la réchauffer, et, neuf mois plus tard, en novembre 1993, naissait notre fille, Anna, on appréciera la pudeur de l’ellipse.

 

Références

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Pérez-Reverte, Arturo, Deux hommes de bien. Roman, Paris, Seuil, 2017, 501 p. Traduction de Gabriel Iaculli. Édition originale : 2015.

Régniez, Emmanuel, l’ABC du gothique. Fiction, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 50, 2012, 184 p.

Toussaint, Jean-Philippe, l’Échiquier, Paris, Éditions de Minuit, 2023, 244 p. Ill.

Vassilian, Laurent et Nicolas Tabary, De père en fils !, Paris, Imav Éditions, série «Iznogoud», 30, 2015, 44 p.